Le rejet de greffe filmé en 3D
Grâce à une technique originale d'imagerie in vivo permettant d'explorer en temps réel les mécanismes cellulaires de l'immunité, des chercheurs de l'Institut Pasteur et de l'Inserm ont pour la première fois visualisé le processus de rejet de greffe. Une prouesse qui a permis de prouver l'existence d'un mécanisme contribuant à la réaction immunitaire à l'origine du rejet.
Notre système immunitaire nous protège des infections. Mais cette action bénéfique peut parfois se révéler délétère. Ainsi le processus de rejet de greffe résulte de l'attaque du greffon (organe greffé perçu comme étranger) par le système immunitaire du receveur. Pour permettre le succès des greffes, les patients doivent donc recevoir un traitement immunosuppresseur visant à réduire cette réaction de défense de l'organisme. Mais malgré de nombreux progrès, le risque de rejet n'est que partiellement maîtrisé, certaines voies du processus restant obscures.
Une technique d'imagerie inédite
Pour en savoir plus sur ces mécanismes, des immunologistes de l'Institut Pasteur et de l'Inserm ont utilisé une technologie de microscopie très puissante permettant de filmer de manière non invasive les processus cellulaires chez l'animal. Sur un modèle murin de greffe de peau, au niveau de l'oreille, ils ont ainsi, pour la première fois, suivi in vivo, en temps réel, dans l'épaisseur des tissus, le “ballet“ des cellules immunitaires qui se met en place lors du rejet de greffe.
Leurs observations ont révélé l'existence d'un mécanisme suspecté mais jusqu'alors jamais démontré : après avoir gagné le greffon à l'appel des signaux d'alerte lançant la réponse inflammatoire, certaines cellules du système immunitaire du receveur sont capables d'effectuer le retour vers les ganglions lymphatiques pour y présenter aux cellules tueuses, appelées lymphocytes, un morceau - ou antigène - du greffon. A cause de ce flux continu, l'armée de lymphocytes chargés de détruire de manière ciblée le greffon est constamment stimulée.
Vers de nouveaux traitements anti-rejet ?
On savait déjà que des cellules du greffon pouvaient contribuer à activer les lymphocytes du receveur en leur présentant leurs propres antigènes. Pourtant, rapidement détruites par le système immunitaire, elles ne semblaient pas en mesure d'entraîner à elles seules le rejet de greffe qui peut, dans certains cas, se dérouler sur une période de plusieurs mois, voire plusieurs années. L'étude des chercheurs de l'Institut Pasteur et de l'Inserm révèle ici que les cellules du receveur participent également au phénomène de manière particulièrement efficace, en capturant des antigènes du donneur et en les convoyant jusqu'aux cellules tueuses.
La mise en lumière de ce phénomène souligne l'intérêt thérapeutique que pourrait présenter la mise au point de traitements antirejet capables de bloquer le flux aller-retour de ces cellules.
David Bême
Source : Visualizing the innate and adaptive immune responses underlying allograft rejection by two-photon microscopy, Susanna Celli, Matthew Albert and Philippe Bousso - Nature Medicine, online le 15 mai 2011 - (abstract accessible en ligne)
Communiqué de l'Inserm - mai 2011
Credits Film : Inserm