Vaccins : un nouveau procédé pourrait sauver des millions de vies
Les vaccins nécessitent une réfrigération, ce qui rend problématique leur usage dans certains pays chauds. Résultat, des milliers d'enfants meurent tous les jours d'une maladie infectieuse qu'ils auraient pu éviter s'ils avaient été vaccinés. Mais des chercheurs anglais ont mis au point une technique de protection à base de sucre qui permet au vaccin de rester stable, même en cas de température tropicale.
7,5 millions d'enfants de moins de 1 an décèdent encore chaque année dans le monde, dont 3 millions en Afrique et 4 en Asie. Cette mortalité infantile a cependant reculé “grâce à l'amélioration des conditions de la grossesse et de l'accouchement et au succès de la lutte contre les maladies infectieuses“ (1) : vaccination, usage des antibiotiques et sensibilisation à la nécessaire réhydratation en cas de diarrhée aiguë.
Néanmoins, certaines zones, en particulier au sud du Sahara, ne bénéficient pas de ces avancées, avec en particulier une couverture vaccinale insuffisante contre les six principales infections potentiellement mortelles : tétanos, diphtérie, poliomyélite, tuberculose, coqueluche et rougeole. Ce qui explique, en partie, la persistance d'une mortalité infantile dans ces régions.
Afin d'améliorer l'accès à ces vaccins qui devaient jusqu'à présent être conservés au froid, plusieurs chercheurs anglais ont mis au point une technique de protection potentiellement révolutionnaire, qu'ils ont d'ores et déjà breveté (société Nova Bio-Pharma Technologies) (2). Pour y parvenir, Robert Alcock et son équipe ont mélangé un vaccin (réalisé avec un vecteur viral, adénovirus ou virus d'Ankara) avec un liquide sucré (sucrose et tréhalose). Ils ont ensuite laissé s'assécher ce mélange. L'eau, en s'évaporant, le transforme en sirop, qui se solidifie ensuite sur son support (une membrane par exemple).
Cette substance sucrée solide et son support sont alors enfermés dans une petite cartouche en plastique, qui pourra être mise entre la seringue et l'aiguille lors de l'injection du vaccin. “En appuyant sur le piston de la seringue, la solution liquide qu'elle contient va traverser la membrane, ce qui va libérer le vaccin“ qui peut alors passer dans l'aiguille, explique le Dr Matt Cottingham, de l'Institut Jenner (université d'Oxford, un des co-auteurs de l'étude) (3). Selon lui , cela pourrait permettre “d'améliorer énormément l'accès aux vaccins“, par exemple en les acheminant “dans un sac à dos, à vélo, dans les villages éloignés“ et sans chaîne du froid.
En effet, cette forme de vaccins enrobés de sucre solide résiste 4 à 6 mois sans altération, à une température de 45 °C, et plus d'une année à 37 °C. Selon le Pr. Adrian Hill (Institut Jenner, Oxford), “le maintien de la chaîne du froid est extrêmement coûteux. Si la plupart des vaccins pouvaient être stabilisés pour résister aux hautes températures, cela diminuerait les coûts, mais permettrait également de vacciner davantage d'enfants“ (3). Selon ce chercheur, le développement de cette technique et son utilisation en Afrique pourrait se faire d'ici 5 ans.
Alors que pour le moment, les programmes de l'OMS ne parviennent à vacciner que 80 % des enfants, cette innovation, qui paraît simple et facilement reproductible, pourrait permettre de vacciner les 20 % restants, ce qui à terme empêchera des millions de décès prématurés.
Jean-Philippe Rivière
Sources :
(1) “La mortalité infantile dans le monde“, Institut National d'études démographiques (INED), janvier 2008, accessible en ligne
(2) “Long-Term Thermostabilization of Live Poxviral and Adenoviral Vaccine Vectors at Supraphysiological Temperatures in Carbohydrate Glass“, Alcock R et coll., Science Translational Medicine Vol. 2, Issue 19, p. 19ra12, 17 février 2010, résumé accessible en ligne
(3) “New method makes vaccines stable at tropical temperatures“, Université d'Oxford, 18 février 2010, accessible en ligne
Photos : - Administration d'un vaccin oral contre la poliomyélite dans un village au Nigeria, © ONOME OGHENE/EPA/SIPA
- Une seringue comportant une cartouche en plastique contenant un vaccin enrobé de sucre, © Nova Bio-Pharma Technologies