Dissonance cognitive : qu'est-ce que c'est ? comment l'atténuer ?

Publié le  , mis à jour le 
en collaboration avec Cédric Daudon (Psychologue)

Qu'est-ce que la dissonance cognitive ? Dans quels types de situations y sommes-nous confrontés ? Comment et pourquoi réduire cet état de dissonance ? On fait le point avec le psychologue Cédric Daudon.

Cette théorie a été délivrée pour la première fois en 1957 par le psychologue américain Leon Festinger dans son ouvrage "A theory of cognitive dissonance" (Stanford University Press). Leon Festinger est par ailleurs le co-auteur de "L'Échec d'une prophétie" (When Prophecy Fails, 1956), un essai américain considéré comme un classique de la psychologie sociale cherchant à analyser comment les individus réagissent à la suite de la réfutation d'une croyance à laquelle ils adhéraient fortement. Depuis de nombreux chercheurs ont étudié la dissonance cognitive à travers l'histoire. L'effet de certaines situations, la rationalisation de l'individu ou encore l'acte induit par l'opposition entre les cognitions et le comportement interéssent les experts en psychologie.

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Dissonance cognitive : définition

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Les paradigmes majeurs de la dissonance cognitive :

Parmi les principaux paradigmes de la dissonance cognitive, on retrouve notamment celui de la persistance des croyances réfutées et le paradigme de la soumission induite (ou forcée).

  • Le paradigme de la persistance des croyances réfutées. Quand on est persuadés de quelque chose qui ne se produit pas, on peut avoir tendance à croire à quelque chose de moins dissonant que la réalité, car cela est moins éloigné de leurs croyances initiales. C'est ce qu'illustre Leon Festinger et ses collègues dans "L'Échec d'une prophétie".
  • Le paradigme de la soumission induite. En 1959, Festinger et Carlsmith ont demandé à des étudiants de perdre une heure à des tâches ennuyeuses. Certains étaient payés mieux que d'autres. A la fin, il leur a été demandé d'évaluer leurs tâches. Les étudiants les mieux payés les ont jugées plus satisfaisantes, estimant se sentir ainsi plus en accord avec leur action. Autre exemple de soumission induite : Le paradigme du jouet interdit. En 1963, lors d'une étude menée sur des enfants, Aronson et Carlsmith ont démontré qu'on pouvait éveiller un état de dissonance en amenant une personne - ici des enfants - à se priver volontairement d'un objet attrayant.
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Exemples de dissonances cognitives :

  • Un exemple typique de dissonance cognitive se retrouve chez les individus fumeurs comme l'illustre le psychologue cognitiviste Cédric Daudon (papa-psy.com) : "Ils savent pertinemment que fumer est mauvais pour leur santé et vont avoir tendance à réduire cette dissonance - le plus souvent en réduisant leur cognition plus que leur comportement-, c'est-à-dire qu'ils vont réadapter leurs pensées en déclarant qu’ils peuvent arrêter quand ils veulent ou en déclarant qu'ils ne fument pas beaucoup". Ce biais cognitif va les rassurer, les déculpabiliser. Or, nuance-t-il, "si cet individu voulait vraiment enrayer cette dissonance, il serait préférable de travailler sur son comportement : arrêter de fumer". Il s'agirait alors d'une consonance cognitive, comme le développe Festinger à travers sa théorie, c'est-à-dire que les cognitions et actions sont cohérentes l'une avec l'autre.
  • Idem si un individu veut perdre du poids, mais qu'il ne parvient pas à manger moins/mieux. La personne est en contradiction avec ses aspirations et son comportement. Pour tendre vers une réduction de cette dissonance, elle va affirmer qu’elle se mettra au régime demain ou qu’elle est trop stressée en ce moment. Bref, objectiver pour tenter de convaincre l’autre que son comportement est adéquat, même si son acte n'est pas en accord avec ses pensées.
  • Un autre cas de dissonance : on est invité à une soirée où l'on ne connaît pas grand monde et on appréhende, car on ne se sent pas à l’aise. Concrètement, on n’a pas envie d’y aller, mais on s'y rend, car socialement, on s’y sent obligé. Or, après coup, quand on nous demande comment s’est passée la soirée, on a tendance à réduire cette dissonance en répondant que c'était bien. Que ce soit vrai ou non.
  • Dans la publicité et le marketing, on joue aussi beaucoup avec les dissonances. Une pub peut créer une envie, un désir, alors même que le consommateur est conscient de ne pas avoir besoin dudit objet. Typiquement, avoir envie d’acheter le nouvel Iphone même si l’on sait, de manière rationnelle, que l’on n’en a pas besoin. Deux solutions se présentent alors à nous selon le psy : "Soit, on réfrène notre envie d'achat pour atténuer cette dissonance, soit on y succombe en essayant de convaincre nos proches que l’appareil photo est vraiment extraordinaire par exemple. Un discours, une information, une pensée qui justifie notre attitude, notre décision et nous libère de l’inconfort causé par cette dissonance en nous remettant en accord avec nous-mêmes". Le consommateur est un formidable exemple pour illustrer une dissonance cognitive. D'ailleurs, des cours de marketing étudient ce type de comportements.
  • Au sein d'un groupe d'enfants, il peut y avoir une dissonance chez l'un d'eux si le groupe de copains embêtent ou excluent l'un des leurs par exemple. "L’un des enfants est en désaccord avec l'attitude de son groupe - il est conscient que c’est mal d’agir ainsi - mais, n’ose pas le dire et laisse faire par conformisme social, volonté de rester intégré, dans la norme", constate Cédric Daudon.
  • Idem si l’on est antiviolence et que l’on se fait soudainement attaquer. On peut alors se retrouver dans une situation de dissonance avec obligation de se défendre malgré tout.
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La dissonance cognitive, inévitable ?

"On compose tous, tous les jours, dans la vie avec de la dissonance cognitive", rappelle Cédric Daudon "et ce n’est pas forcément une mauvaise chose, tout dépend de l’état de tension interne occasionnée". Par exemple, chaque fois que l'on fait un choix, cela entraîne une dissonance cognitive, l'individu devant renoncer à l'autre choix et trouver des raisons justifiant de ne pas l'avoir choisie. On parle alors de rationalisation cognitive. En amour également, on peut tomber amoureux d’une personne alors même qu’on est conscient qu’elle ne correspond pas à nos besoins et attentes. D’ailleurs, quand nous demande pourquoi on éprouve des sentiments pour cette personne, on ne sait généralement pas l’expliquer. "C’est notamment le cas des relations toxiques, la personne est consciente que cette relation la fait souffrir, mais reste quand même", constate-t-il. Pour atténuer cette dissonance, le conjoint va mettre l’accent sur les qualités de l'autre, quitte parfois à tomber dans le déni. Mais, la dissonance la plus classique dans un couple, consiste à faire tour à tour des concessions, prendre sur soi, pour faire plaisir à l’autre et parvenir à équilibre qui convient à chacun.

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Dans quels cas cette dissonance peut-elle devenir problématique ?

On est donc tous soumis à des petites dissonances du quotidien. Si la dissonance est légère, ne nous impacte pas trop dans notre système de valeurs, on tend plutôt vers une souplesse cognitive. "Il est important d’en avoir, sinon, on tombe dans l'extrême inverse, à savoir la psychorigidité", rapporte le psychologue. En revanche, lorsque cela affecte des systèmes de valeur importants comme la justice, l’écologie ou la politique, cela peut devenir plus difficile à gérer. Etre très écolo et se retrouver à passer un séjour chez quelqu’un qui ne l’est absolument pas, peut créer une dissonance importante entre notre conviction et notre obligation de s’adapter aux comportements et attitudes de l’autre. Il arrive aussi que les parents se retrouvent en situation de dissonance dans leurs comportements avec leurs enfants, contradictoires avec leurs valeurs éducatives. Par exemple, s’ils se sont énervés et culpabilisent, ils vivent un état de dissonance. Pour autant, rassure le psy, "si cette dissonance est exceptionnelle, elle ne doit pas les définir". En revanche, "si la situation se répète et devient problématique, il peut être utile de consulter pour comprendre pourquoi la personne agit ainsi et modifier son comportement", suggère-t-il. Lors d'une thérapie cognitive (TCC) "dans certains cas, comme celui des fumeurs, c’est le comportement qu’il va falloir changer chez le patient et non la cognition. Dans d’autres, ce sera la cognition qu’il faudra travailler pour que la personne ait plus de souplesse envers elle-même", analyse le psychologue. Mais, la plupart du temps, on parvient à s’ajuster ou à vivre avec cette dissonance, car elle ne constitue ni un trouble, ni une pathologie.

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