"Jamais plus" : pourquoi ce film sur les violences conjugales tiré d'un best-seller, fait-il polémique ?
A l’affiche depuis le 14 août, le film "Jamais plus", tiré du livre éponyme de Colleen Hoover, était l’un des plus attendus de l’été. Mais son sujet délicat, sur les violences conjugales, a fait naître quelques polémiques. Notre psychologue nous explique le problème.
Il était le film attendu de ce mois d'août. Jamais plus, (It ends with us en VO) promettait autant d’émotions que le livre à son origine, écrit par Colleen Hoover (4ème meilleure vente en France l’an passé) n’en avait données. Pourtant, le sujet abordé, les violences au sein du couple, ont provoqué quelques remous bien compréhensibles, pour deux raisons.
Une histoire basées sur les violences conjugales
L’histoire (sans spoiler) repose ainsi sur une histoire d’amour toxique. Lily Bloom, l'héroïne, jouée par Blake Lively dans le film, est une jeune femme ayant grandit dans un foyer violent, avec un père alcoolique. Elle connaît donc ce qu’est de vivre avec un conjoint violent. Mais quand elle rencontre l’homme parfait, un neurochirurgien charmant et ambitieux, et surtout amoureux quelques années plus tard, elle ne s’attend pas à reproduire le schéma vécu par sa mère. Cet homme a pourtant un défaut, il perd ses nerfs (suite à un événement traumatisant) et la frappe. Toute l’histoire étant de savoir comme Lily va pouvoir gérer et mettre fin à cette spirale.
Avec un thème aussi fort, inspiré de sa propre histoire familiale, l’auteure avait ainsi touché de nombreux lecteurs (plus de 1,2 million en 2023). La polémique avait pourtant aussi enflé : le livre était accusé de proposer une version fantasmée de "la toxicité masculine qu'il essayait pourtant de combattre" en glorifiant "un homme dangereux".
Une promotion maladroite sur un tel sujet
Si l’affiche hollywoodienne promettait de rester fidèle au thème, le premier couac a cette fois eu lieu sur le tapis rouge et pendant la promotion du film. La raison ? L’attitude de l’actrice principale Blake Lively (repérée dans Gossip Girl) qui ne semble pas avoir pris la mesure du sujet qu’elle portait. Aux micros, point de parole engagée ou de mise en garde féministe, mais une promotion très "girly" comme critiquent les internautes.
Dans une séquence partagée des milliers de fois, la star a donc incité ses fans à "appeler (leurs) copines et à se vêtir de (leurs) plus belles robes à fleurs" pour voir son film (l’héroïne est fleuriste). Un clin d'œil à la campagne promotionnelle de Barbie qui avait incité le public à venir voir le film habillé en rose. Sur Instagram, l'actrice a également profité des projecteurs pour promouvoir sa marque d'alcool Betty Buzz et ses produits de beauté entre deux messages sur son film. Pas vraiment le message attendu… L'actrice s'est depuis rattrapée en publiant un message critiquant les violences conjugales, un peu tardivement.
Une vision fantasmée des violences dans les films
L’autre problème, qui avait donc déjà été perçu à la sortie du livre, est cette façon de raconter les violences dans une œuvre ou un film, reposant sur une histoire d’amour édulcorée.
Une erreur courante selon Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne qui nous expose le décalage entre fantasme et réalité. "Dans ces œuvres on laisse souvent penser que tout commence par une histoire d’amour passionnelle qui dégénère. Ce qui est faux dans les couples violents, et chez les hommes narcissiques hyper contrôlants.”
Ainsi la première phase d’amour et de lune de miel décrite n’existe pas. "En réalité, c’est ce qu’on appelle le love bombing. Quand l’autre parvient à susciter un amour infini, en devenant l’homme providentiel idéal. Mais ce n’est jamais un homme extrêmement amoureux qui devient violent. En réalité, c’est un homme qui s’accapare une femme grace à des "leurres" pour mieux la controler".
En bref, ne vous laissez pas berner si vous appréciez ces livres ou oeuvres. Les films donnent souvent l’impression d’un homme amoureux, qui bascule, et vrille, pour une raison. "Dans la réalité, ce n’est pas comme ça que cela se passe", rappelle notre psy.
- Entretien avec Johanna Rozenbum, psychologue clinicienne, le 20 août 2024.
