Le ministre Stéphane Séjourné fortement dyslexique. Est-ce un frein dans une carrière ?
Dans un entretien donné au Parisien, le nouveau Ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné, a évoqué un diagnostic de forte dyslexie reçu pendant l’enfance et les difficultés qui en découlent dans sa fonction encore aujourd’hui. Ce qui ne l’a visiblement pas empêché de grimper les échelons.
Que les parents d’enfants dyslexiques se rassurent : on peut être touché par un trouble DYS et viser une fonction importante. Preuve en est avec la nomination de Stéphane Séjourné, au ministère des Affaires Etrangères, bien qu’il garde quelques séquelles de sa dyslexie.
Des troubles de l’écrit et du langage chez un ministre
Le chef de la diplomatie française serait ainsi encore coutumier de fautes de français et d’erreurs de prononciations, qui font le bonheur des internautes à la critique facile. Un fait qu’il a expliqué dans les pages du Parisien le 20 janvier dernier.
"Très jeune, j’ai été diagnostiqué avec une très forte dyslexie", rappelle-t-il au quotidien. S’en est suivi alors un long travail "de rééducation" pour se débarrasser de ses "défauts à l'oral". Des défauts qui malgré tout, peuvent refaire surface dans "des moments de fatigue ou de stress". Stéphane Séjourné l’assure pourtant, ces défauts n’ont “aucune implication" sur son travail.
Des difficultés d’élocution qui étonnent
Ceux qui connaissent un peu la dyslexie s’étonnent pourtant des erreurs d’élocution du ministre. Selon la définition une personne dyslexique est "une personne qui va rencontrer dans le déroulement de ses apprentissages un retard de développement des processus pour lire et écrire, mais qui n’a pas de troubles de compréhension ni de trouble de langage".
Consulté par Doctissimo, Gilles Leloup, orthophoniste et docteur en sciences du langage nous explique la raison probable de cette double difficulté :
Il existe ainsi trois causes de dyslexie :
- Une phonologie mal stabilisée : les sons de notre langue que l’on entend dès la naissance ("p", "b"... ) mais qui vont être mal différencié et donc mal assimilée à une représentation visuelle (la lettre) par l’enfant ;
- Une mauvaise représentation visuelle de la forme des lettres qui rend le fait d’encoder plus compliqué ;
- Un manque de lien entre le sens et la représentation symbolique d’une lettre, d’un mot ;
Trois causes qui vont induire une lecture plus lente et de façon moins précise qu'une personne non atteinte.
"Or ce qu’on voit chez le ministre ce sont des problèmes de syntaxe. Ce qu’on sait aussi c’est que l’apprentissage de la lecture stabilise en général la représentation des mots chez les personnes atteintes de troubles du langage oral. Mais si le ministre a eu des difficultés à lire, il est plus difficile de maîtriser sa syntaxe puisque la stabilisation par l’écrit et la lecture n’a pas pu se faire correctement. Ce trouble du langage peut être lié à sa vitesse de lecture".
Les personnes dyslexiques développent bien d’autres forces
Le retard d’apprentissage d’un élève dyslexique peut-il impacter négativement son avenir, comme le craignent de nombreux parents ? Gilles Loup évoque plutôt une force qu’un handicap sur le long terme. "Cela va bien sûr dépendre de facteurs socio-éducatifs, économiques et environnementaux. Mais les adultes dyslexiques peuvent tout à fait convoiter de grandes carrières. S’ils gardent généralement une dysorthographie, et une vitesse de lecture plutôt lente sur des supports types roman, ils maîtrisent parfaitement les supports techniques, et les études démontrent que les adultes dyslexiques ont acquis, du fait de leur parcours scolaire, des compétences de compensation exécutives supérieurs aux autres".
De fait, les adultes dyslexiques seraient souvent :
- Plus résistants au stress ;
- Plus résistants face à des facteurs d’épuisement cognitif ;
- Plus performants en mémorisation.
Parce qu’ils ont développé des compétences devenues des moteurs au cours de leur scolarité.
"Cela leur permet d’avoir de très bonnes compétences. Le diagnostic de dyslexie n’est pas un facteur de risques, mais un facteur de protection" conclut notre expert.