A 99 ans, une femme livre un combat émouvant pour faire reconnaître son enfant mort à la naissance
75 ans après avoir donné naissance à un petit garçon, malheureusement décédé en quelques heures, une mère se bat pour faire enfin reconnaître son enfant. Johanna Rozenblum, psychologue, nous explique l’importance de ce cheminement.
Une mère ne fait jamais vraiment le deuil de ses enfants. Et Odette Pichard, 99 ans peut en témoigner. 75 ans après la naissance de son fils Pierre-Alain, décédé 4 heures après sa mise au monde, elle tente de faire bouger les lignes pour que celui-ci ait une existence aux yeux de la loi.
A l’époque, on ne pose pas de question
Le 12 mai 1949, Odette, 24 ans, donne ainsi naissance à un petit garçon dans une maternité parisienne. Un accouchement difficile, aux forceps, et vécu sans son mari. Mais Odette voit son enfant, bien vivant.
"J'ai eu la chance de le voir bouger, il a crié et puis on l'a emmené tout de suite" déclare-t-elle sur RTL. Pas de peau à peau, pas de bébé déposé sur le ventre, à l’époque cela ne se fait pas.
"Quand j'ai appelé quelques heures plus tard, un docteur est venu dans ma chambre me dire qu'il était décédé", poursuit-elle. Une annonce dramatique sans réelle explication.
"Je n'ai pas posé de questions, c'était une époque où on ne posait pas de questions", raconte Odette Pichard encore sous le choc aujourd’hui.
Mais voilà, au-delà de la douleur ressentie par cette mère, ce nourrisson n’a donc aucune existence légale, et ne figure même pas dans le livret de famille. Lorsque le mari d’Odette veut déclarer l'enfant à l'état civil, il indique que Pierre-Alain est mort né. La naissance du bébé n'est donc pas officiellement déclarée.
Le combat d’une vieille dame pour honorer l’existence de ce fils
A presque cent ans et épaulée par sa petite-fille, avocate spécialisée en droit de la famille, Odette a donc pris entrepris de rétablir sa vérité : elle a lancé une requête en justice, de manière à inscrire le prénom "Pierre-Alain" sur le livret de famille.
"Deux pièces médicales attestent que l’enfant a vécu quatre heures", assure l'avocate. Le dossier reste toutefois compliqué à défendre, la naissance du jeune enfant ayant été déclarée après sa mort. Odette Pichard y croit tout de même :
"C'est aussi un combat pour la dignité de tous les parents qui ont perdu un jour un nouveau-né" ajoute-t-elle, avant de conclure "On dit: 'le deuil, le deuil". Mais on ne fait jamais le deuil, c'est pas vrai".
Odette Pichard, 99 ans, se bat pour obtenir l’inscription sur le livret de famille de son bébé, mort quatre heures après sa naissance, le 12 mai 1949. Sa petite-fille, avocate, a plaidé sa cause devant le tribunal judiciaire de Paris.
— Libération (@libe) February 26, 2024
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Un vide important à combler pour trouver la paix
A 99 ans, le combat remarquable de cette mère peut sembler vain pour certains. Mais Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne et membre de notre comité d’experts nous démontre que le désarroi d‘une mère n’a rien à voir avec son âge.
"La perte d’un enfant qu’on porte en soi, d‘un enfant tout court, est toujours un drame dont on ne se remet jamais vraiment. Toute une vie ne suffirait pas pour se remettre de la perte d’un enfant qu'on a porté, espéré, qui a existé avant même de naître . Cette mère de 99 ans le prouve aujourd’hui : elle a besoin de cette reconnaissance ultime, comme une preuve d‘amour, pour cet enfant qui a en effet existé. Qu’importe son âge, il serait en effet formidable d’accorder cette reconnaissance à cet enfant, pour qu’elle puisse avancer dans le temps qui lui reste en paix".