"L'homme aux 1000 visages", pourquoi les manipulateurs nous fascinent-ils autant ?
Dans son documentaire sorti sur grand écran, Sonia Kronlund, auteure, tente de comprendre comment un homme a pu mener de front plusieurs identités et plusieurs histoires, dans plusieurs pays en simultané. Une imposture qui apparaît comme fascinante. Notre psychologue nous explique pourquoi.
"Il se fait appeler Ricardo, Alexandre, Daniel ou Richard. Il est argentin, brésilien ou portugais. Il se prétend chirurgien, ingénieur, photographe ou policier, sans qu’aucune femme ne doute de la réalité de ses activités. Car ce menteur de haut vol parvient à mener en parallèle quatre vies conjugales dans plusieurs pays et sous différentes personnalités imaginaires, toutes plus séduisantes les unes que les autres". Voilà le pitch du documentaire "L'homme aux 1000 visages" qui, après avoir été un livre, se décline dans les salles obscures. Le plus beau dans tout cela ? Il s’agit bien d’une histoire vraie.
"Il m’a fascinée, terrifiée, amusée aussi"
L’homme, dont on ne connaîtra jamais véritablement l’identité, est ce qu’on peut appeler un caméléon, qui a effectivement séduit différentes femmes, via plusieurs versions de lui-même. Son imposture était voulue, recherchée, et élaborée, pour tromper et vivre plusieurs vies en une seule. Un personnage de roman qui a pourtant traversé la vie (réelle) de ses conquêtes avec fracas.
"Il m’a fascinée, terrifiée, amusée aussi" se justifie Sonia Kronlund, auteur (Des Pieds sur Terre sur France Culture notamment) à l’origine du film.
Le manipulateur de haut vol est-il un sociopathe ?
Mais qui est donc ce serial lover si technique ? Comment peut-on vivre dans l’imposture en permanence ? Nous avons posé la question à Amélie Boukhobza, psychologue clinicienne. Ces femmes ont-elles eu affaire à un sociopathe ? Pas forcément, nous répond-elle, mais à un profil complexe et pervers.
"Il s'agit d'un individu qui adopte diverses identités pour manipuler les autres, une tactique souvent associée à des traits de personnalité antisociale. Le terme ‘sociopathe’ est surtout utilisé dans le langage populaire. Je dirai que c'est avant tout un manipulateur, probablement aux traits pervers qui semble n'avoir ni remord, ni culpabilité, ni même conscience des effets de ses actes sur autrui. Il ne faut pas omettre l'engrenage dans lequel ce type de profils peut être pris. Une nouvelle pirouette, un nouveau mensonge à chaque fois pour s'en sortir…"
Bien dans son corps, bien dans sa tête !
Pourquoi ce type de personnage nous fascine-t-il ?
Reste un point assez paradoxal : bien que nous redoutions bien sûr de tomber un jour sur une personne si peu fiable, (qui peut tout de même briser une vie), lire, voir ou écouter l’histoire d’un imposteur est bien souvent fascinant. Une question d’interdit sans doute, est en jeu :
"La fascination pour ce type de personnalité dépend de la fascination pour la manipulation et le charisme extrême de ces individus qui peuvent sembler intrigants, admirables dans une certaine mesure. Surtout dans des sociétés qui valorisent l'individualisme et la réussite. C'est comme s'ils faisaient ce que nous ne sommes pas capables de faire".
"Par ailleurs, ces profils nous confrontent à la complexité de la nature humaine et aux zones d'ombre de la psyché. Ce sont des profils pervers qui arrivent presque à nous mettre nous mêmes en position perverse de curiosité quasi morbide. Ils sont comme un miroir de nos potentialités refoulées, de comportements autant attirants que dérangeants", poursuit-elle.
Votre curiosité est elle aussi titillée ? L’histoire de ce manipulateur expert est à voir depuis mercredi au cinéma.