Qu’est-ce qu’un trouble cénesthésique ?

Définition : Qu'est-ce que la cénesthésie ?

La cénesthésie est un terme médical issu du grec "koinos" qui signifie "commun" et "aisthesis" qui se traduit par "sensation". La cénesthésie est un sentiment vague qui se réfère à l'ensemble des sensations internes qui donnent une conscience corporelle globale, sans être liées à un organe ou à des sens. En d’autres termes, elle représente la manière dont une personne ressent son propre corps de l'intérieur. "C’est peu conscient et peu représentable. On peut difficilement le verbaliser. C’est un état émotionnel global, en arrière-plan de notre conscience", déclare Jérôme Graux, psychiatre, chef de pôle adjoint et chef du service psychiatrie au CHU de Tours. C’est Johann Christian Reil, un médecin, anatomiste, physiologiste et psychiatre allemand, qui a employé pour la première fois le terme de cénesthésie en 1794. Il l’a défini comme le moyen par lequel l’âme est informée de l’état de son corps. "Sa définition illustre assez bien pourquoi cette notion est compliquée à définir et pourquoi ce concept n’a jamais eu un véritable essor dans la littérature scientifique, hormis dans les débats cliniques des écoles de psychiatrie française et allemande au début du 20ème siècle mais peu au-delà", estime le Dr Graux. Chez certains auteurs, la cénesthésie est ainsi liée à la conscience d’exister. Il reste difficile de définir le concept de cénesthésie, mais en termes de clinique, cette notion conserve une pertinence chez les psychiatres quand cette notion de cénesthésie vient à manquer.

Psychologie : Quelle différence entre cénesthésique ou kinesthésique ?

La cénesthésie peut être confondue avec un autre terme proche : la kinesthésie. Ils diffèrent cependant. La cénesthésie concerne la perception générale de l'état interne du corps. La kinesthésie, en revanche, concerne la perception des mouvements et des positions du corps. Elle repose sur les informations fournies par les muscles, les tendons et les articulations, et est essentielle pour la coordination des mouvements.

Pourquoi parle-t-on d’hallucination cénesthésique ? Quels sont les symptômes et exemples de sensations physiques qui la caractérisent ?

Une hallucination cénesthésique est une sensation interne qui n'a pas de base réelle ou de cause physique. La personne sait qui elle est. Le trouble concerne plus une mauvaise perception de son corps. Contrairement aux perceptions normales, ces sensations sont créées par le cerveau sans stimulus externe ou interne tangible. Les hallucinations cénesthésiques peuvent se manifester de différentes manières :

• Sensations de mouvement : La personne peut sentir quelque chose bouger à l'intérieur de son corps, comme des insectes, des serpents… Elle peut se sentir possédée par une force extérieure qui s’empare de son corps.
• Changements de température : Elle peut percevoir une sensation de chaleur ou de froid intense dans une partie de son corps.
• Douleurs inexpliquées : Le patient peut faire part de douleurs aiguës ou chroniques sans cause physique identifiable.
• Pressions ou gonflements : Il peut avoir une sensation de pression ou de gonflement dans des zones corporelles spécifiques.
• Dépersonnalisation : La personne peut également se sentir détachée de son propre corps.
• Déréalisation : Elle peut avoir la sensation d’être détachée de l'environnement extérieur, avoir un trouble de l’expérience de soi par rapport aux autres.

Psychiatrie : A quoi sont dus ces délires cénesthésiques ?

Plusieurs causes peuvent favoriser l’apparition de troubles cénesthésiques et donc de ces perceptions anormales des membres du corps et de celui-ci dans sa globalité. Ces dysfonctionnements sont souvent associés à des troubles neurologiques ou psychiatriques.

La schizophrénie

La cénesthésie est plus simple à repérer quand elle est liée au champ de la schizophrénie. "L’école allemande a travaillé sur les prodromes de la schizophrénie, c’est-à-dire des repères subtiles qui indiquent qu’il y a un risque d’évolution vers une schizophrénie. Avant d’avoir des symptômes de schizophrénie, ce sens de soi ou l’expérience de ses propres pensées peut être perturbée", ajoute le Dr Jérôme Graux.

Le syndrome d'Ekbom

Les troubles de la cénesthésie peuvent affecter d’autres troubles psychotiques identifiés comme monothématiques à l’instar du syndrome d’Ekbom qui est le délire d’infestation parasitaire. La personne a l’impression à tort d’être infestée par des petites bêtes situées dans sa peau.

La dysmorphophobie

La dysmorphophobie est un trouble mental qui consiste à être obsédé par des défauts perçus sur une partie ou la totalité de son corps. C’est ce qui arrive notamment dans les troubles du comportement alimentaire. La personne a une vision déformée de son corps et recourt à des procédés extrêmes pour corriger ses défauts.

L’hypocondrie

Il peut y avoir aussi des troubles de la cénesthésie dans l’hypocondrie avec des expériences du corps anormales. La personne a l’impression d’avoir des symptômes physiques qui peuvent témoigner d’une maladie, sans que cela ne soit avéré.

Le stress post-traumatique

Dans les états de stress post-traumatique, l’une des conséquences possibles est le phénomène de dissociation qui inclut des cas de dépersonnalisation. "Les états dissociatifs sont des états de conscience modifiée qui protègent du côté invasif du souvenir traumatique qui revient à l’esprit en permanence. Parfois les personnes ne sentent plus leur corps encore présent, ou le sentent diminué ou ont l’impression d’être sorties de leur corps", explique le Dr Graux.

Drogues et médicaments

Certaines substances psychoactives ou médicaments peuvent induire des hallucinations cénesthésiques, en altérant la perception sensorielle du cerveau. Le sevrage de certaines substances, comme l'alcool ou les opiacés, peut également provoquer des hallucinations cénesthésiques.

Quelle prise en charge et traitement pour réguler ces troubles cénesthésiques ?

Les hallucinations cénesthésiques sont des perceptions internes anormales sans cause réelle, souvent liées à des troubles psychiatriques ou neurologiques, des effets de substances, etc. Leur diagnostic et leur prise en charge nécessitent une approche multidisciplinaire pour identifier et traiter les causes sous-jacentes et aider les patients à gérer leurs symptômes. "Tout dépend de l’origine du trouble cénesthésique. Il n’y a pas de traitement spécifique mais il est intéressant dans tous les cas de pouvoir aider les personnes à verbaliser ce qu’elles ressentent. C’est déjà thérapeutique car elles se sentent moins seules avec leurs troubles curieux", confirme le Dr Graux. Une thérapie est donc souvent mise en place pour aider le patient à mettre des mots sur ce qui lui arrive et le soulager.Ensuite, ce sont les symptômes qui orientent vers le traitement. Si les troubles cénesthésiques sont liés à une schizophrénie, ce sont les traitements dédiés à celle-ci qui seront efficaces. Même principe pour des troubles cénesthésiques en rapport avec un état de stress post-traumatique.