Conjugopathie : quand le couple devient toxique
La conjugopathie se définit comme un dysfonctionnement pathologique de la relation de couple. Les deux partenaires en sont à l’origine. Quels en sont les signes ? Comment s’en sortir ? Réponses de Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne.
Définition : qu'est-ce que la conjugopathie ?
La conjugopathie correspond à un dysfonctionnement pathologique de la relation de couple. Une forme de toxicité s’installe au fil des années entre les deux partenaires, nuisant à leur bien-être et générant une grande souffrance. Dans ce trouble du lien, aucun responsable n’est à pointer du doigt, c’est l’entité couple qui est concernée. "Concrètement, il s’agit de deux personnes qui sont arrivées à un moment de leur vie où le dialogue, la compréhension, l’empathie et l’écoute s’avèrent de plus en plus complexes. Résultat, il devient impossible d’envisager une relation saine dans l’écoute et dans le partage", détaille Johanna Rozenblum. Pour autant, il leur est impossible d’envisager de se séparer.
Conflit parental chronique, maltraitance, violence... Quelles sont les situations types pouvant induire une relation pathologique ?
Si la conjugopathie concerne essentiellement les "vieux couples", elle peut aussi survenir chez des couples plus jeunes. "Des personnalités qui se complétaient dans les premiers temps ont évolué de manière différente. Par conséquent, les partenaires ne se comprennent plus et ne se supportent plus, ce qui entraîne des comportements toxiques au quotidien", observe la psychologue clinicienne. Et pour cause, chacun interprète de façon erronée les propos de l'autre, la moindre parole est décortiquée et remise en doute. De manière générale, toutes les situations pouvant créer un déséquilibre au sein du couple sont susceptibles de mener à la conjugopathie. Citons notamment les conflits, la jalousie, les infidélités, le manque voire la rupture de communication, la critique, l'humiliation ou encore un défaut d’empathie.
Quels sont les symptômes de ce problème de couple ? Peut-il mener à la dépression ?
La conjugopathie peut se traduire par de l’anxiété, de la souffrance, de l’isolement ainsi qu’une difficulté à se projeter dans l’avenir, compte tenu du pessimisme et du malaise qui viennent envahir le quotidien. "Parfois, le fait de ne pas comprendre pourquoi et comment cette relation dégénère, de ne ne pas réussir à trouver de solutions pour résoudre le problème peut pousser à des symptômes dépressifs. Il y a cette espèce de sidération, d’inertie, qui fait que le couple n’avance plus et peut se révéler anxiogène. Mais il ne s’agit pas d’une cause de dépression majeure, sauf si on tombe sur un pervers narcissique qui nous fait vivre un enfer pendant des années. Dans une relation mutuelle toxique, les deux personnes ne parviennent pas à communiquer, ce n’est donc pas la même souffrance", décrypte la spécialiste. Pour autant, la séparation est rarement à l’ordre du jour. Dans ce contexte, le couple entretient cette relation dysfonctionnelle, nourrissant sa propre souffrance.
Quelles différences avec une crise conjugale ?
La conjugopathie et la crise conjugale se distinguent par leur durée. Tandis que la crise est temporaire, la conjugopathie s’installe dans la durée. Une crise conjugale peut se résoudre rapidement si les deux partenaires sont en capacité de communiquer.
Comment soigner la conjugopathie ?
Pour sortir de cette relation toxique, il est nécessaire d’entreprendre une thérapie de couple, de préférence avec un psychologue spécialisé dans ce domaine. L’objectif est de faire prendre conscience aux partenaires qu’ils sont deux individus à part entière et que le couple est une troisième entité. La thérapie conjugale est également indispensable pour réaliser qu’ils sont à l’origine de leur propre souffrance et qu’ils l’entretiennent. Pour y parvenir, le thérapeute peut proposer différents exercices, notamment des jeux de rôle. "La prise de recul étant facilitée, les deux partenaires sont plus enclins à observer le lien toxique qui les unit et à prendre leur part de responsabilité. Cet échange est l’occasion de renouer avec le dialogue pour repartir sur de bonnes bases ou mettre un terme à la relation dans la confiance et le respect de l’autre", conclut Johanna Rozenblum. Une thérapie individuelle peut aussi se révéler salutaire.
Entretien avec Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne
