Après son agression, la députée Sandrine Josso demande plus de moyens contre la soumission chimique
Après avoir été victime de soumission chimique, la députée Sandrine Josso appelle le gouvernement à la création d'une mission gouvernementale de lutte contre ce fléau. Mode d’agression méconnu, la soumission chimique est le fait, pour un agresseur, d’utiliser une drogue pour soumettre sa victime. Le Dr Gérald Kierzek, médecin urgentiste et directeur médical de Doctissimo nous en dit plus sur les substances utilisées et les moyens de réagir.
Sandrine Josso demande plus de moyens contre la soumission chimique
Après avoir été victime de soumission chimique, Sandrine Josso s'engage contre ce fléau aux côtés de l’association "M’endors pas : stop à la soumission chimique", qui œuvre activement à lever le voile sur ce phénomène. Le 18 décembre, elle devenait porte-parole et marraine officielle de l’association fondée par Caroline Darian. "Devant ce fléau encore méconnu, il est urgent de rappeler que la soumission chimique consiste à droguer une personne à son insu pour abuser d’elle sans qu’elle ne puisse réagir ou parfois même en avoir conscience. Autrement dit, les quelques centaines de signalements suspects recensés chaque année ne sont que la partie visible de l’iceberg, qui ne prend pas en compte les personnes en errance thérapeutique et dont les symptômes de soumission chimique n’ont pas été détectés" déclare la députée.
.@sandrinejossoan, droguée à son insu en novembre, est longuement applaudie. Sa question porte sur la soumission chimique : "Je ne vous parle pas en tant que femme victime, mais en tant que députée de la nation qui s'indigne que ce sujet ne soit pas pris à bras le corps". #QAG pic.twitter.com/j1Yq1es4B9
— LCP (@LCP) January 16, 2024
Avant et après sa prise de parole, Sandrine Josso a été ovationnée par ses pairs. Dès son retour à l'Assemblée nationale, elle a appelé Aurore Bergé, nouvelle ministre déléguée chargée de l’égalité femmes-hommes et de la lutte contre les discriminations au sein du gouvernement Attal, à une augmentation des moyens dédiés à la lutte contre ce drame de santé publique.
L’alcool, premier toxique utilisé dans la soumission chimique
Connaissez vous la soumission chimique ? "La soumission chimique ou médicamenteuse est l’administration à des fins criminelles ou délictueuses de substances psychoactives à l’insu de la victime" peut-on lire sur le site de l’Académie de médecine. L’administration forcée, sous la menace, entre aussi dans ce contexte mais pas la prise volontaire d’une substance.
La soumission chimique est donc le fait de droguer une future victime, afin qu’elle se laisse faire. "Mais attention" rappelle le Dr Gérald Kierzek, "dans de nombreuses enquêtes, la suspicion de soumission chimique n’est finalement pas confirmée, les tests reviennent négatifs. Car en réalité, c’est l’alcool, premier toxique utilisé dans la soumission chimique, qui a fait perdre la mémoire et non pas une drogue ou une prise médicamenteuse".
Un phénomène en augmentation, même si les chiffres manquent
Alors que 9 victimes sur 10 sont des femmes, cette pratique vise à commettre une agression sexuelle dans 70 % des cas. La soumission chimique dans la sphère privée représente aujourd’hui un angle mort dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Loin des clichés, l’administration de produits psychotropes ou médicamenteux à l’insu des victimes ou sous la menace a aujourd’hui très souvent lieu au sein même de la sphère privée et par un proche.
Le nombre de signalements pour "soumission chimique" est en augmentation constante en France. En 2022, près de 2 000 plaintes ou appels ont été recensés par le centre d'addictovigilance de Paris (AP-HP), contre 721 cas en 2021 et 539 cas "d’agressions facilitées par les drogues" signalés en 2020.
Pourtant, ces chiffres sont toujours bien loin de la réalité tant ils ne prennent pas en compte les personnes en errance thérapeutique et dont les symptômes liés à la soumission chimique n’ont pas été détectés.
Des médicaments utilisés pour amener la victime à un état de soumission
Les victimes de soumission chimiques décrivent souvent le même scénario : un verre d’alcool, suivi d’un black-out, avec plus aucun souvenir de ce qui s'est passé, au réveil. "Les médicaments ou les drogues utilisées pour la soumission chimiques ont justement cet objectif" confirme le Dr Kierzek. "Ils ont pour but d’amener la personne victime vers un état passif, amorphe, avec une amnésie au réveil".
Quels sont les effets d'une drogue utilisée dans ce cas ?
Les drogues utilisées pour soumettre chimiquement une victime doivent posséder différents effets ciblés. Parmi lesquels :
- Une sédation ou une hypnose, qui permet de maintenir la victime endormie et évitant tout réveil intempestif. Cet état permet aussi d'annihiler toute réponse possible à l’agresseur ;
- Une désinhibition, qui sera à la fois émotionnelle, mais aussi de nature sexuelle conduisant la victime à accepter des situations et des actes qu'elle n’accepterait pas dans son état normal ;
- Une amnésie antérograde, qui contribue à altérer le témoignage et à le rendre peu crédible. Cet état introduit également un doute chez la victime, voire un sentiment de culpabilité. Cette amnésie peut également retarder le dépôt de plainte de la victime ;
- Des hallucinations, qui favorisent la perte des repères spatio-temporels. Ce qui rend la description des lieux et l’agenda des évènements très imprécis.
Quelles sont les substances les plus utilisées ?
Selon le médecin, les médicaments comme les antidépresseurs, les somnifères ou les benzodiazapines avec effet hypnotiques ou le GHB, surnommé "la drogue du violeur" sont utilisés car facilement accessibles. "L’ecstasy ou MDMA, est aussi utilisée mais a en revanche, un effet stimulant, elle donne confiance, ce sont des amphétamines qui donnent un coup de fouet, ce qui peut être l’inverse de ce que l’agresseur recherche" ajoute le médecin.
En effet, l'ecstasy crée une augmentation de la fréquence cardiaque, de la tension artérielle, donne des sueurs et la sensation d'une attaque de panique. De plus, il est nécessaire que la drogue n’ait pas de goût ni d’odeur, afin de ne pas alerter la victime. "Les produits utilisés dans le cadre d'une soumission chimique doivent être inodores, incolores et sans saveur" confirme le Dr Gérald Kierzek. Ce n’est pas le cas de l’ecstasy, qui a un goût détectable.
Que faire, si vous êtes victime d’une soumission chimique ?
Si vous êtes victime d’une soumission chimique, et que vous vous réveillez dans un endroit inconnu, sans savoir ce qui vous est arrivé, il faut immédiatement fuir l’endroit, conseille le directeur médical de Doctissimo. "Le premier réflexe à avoir est de quitter l’endroit où vous vous trouvez pour déposer plainte et vous rendre aux urgences, afin que l’on puisse réaliser les examens nécessaires. Il faut aussi bien-sûr porter plainte, idéalement avant l'arrivée aux urgences".