Qu’est-ce que le captagon, la drogue des djihadistes ?
Pour pouvoir tuer de sang-froid, les djihadistes de Daech consommeraient une drogue appelée captagon. Quels sont ses effets ? Quels sont les signes qui montrent qu’une personne est sous l’emprise de cette drogue ? Le Pr Jean-Pol Tassin, neurobiologiste à l’Inserm et spécialiste des addictions, nous dit tout sur cette drogue prisée par l’organisation Etat islamique.
Le 26 juin 2015, un homme âgé de 23 ans tue 39 personnes et en blesse 39 autres dans une station balnéaire près de Sousse, en Tunisie. Des témoins affirment que l’homme souriait et riait pendant la tuerie. L’autopsie de Seifeddine Rezgui, abattu juste après son massacre, révèlera qu’il était sous l’emprise de captagon, une drogue qui l’aurait aidé à tuer de sang-froid. Des témoignages recueillis auprès de témoins présents à Paris vendredi 13 novembre 20151 avaient laissé penser que les terroristes auraient pu être sous l’emprise de cette drogue. Les résultats des tests toxicologiques effectués sur les auteurs des attentats de Paris et de Saint-Denis se sont révélés être négatifs, selon une source proche de l'enquête2.
Qu’est-ce que le captagon ?
Apparu dans les années 60, le captagon est une forme commercialisée de fénéthylline, substance active constituée d’amphétamine et de théophylline. Les amphétamines (famille qui comprend également l’ecstasy et la méthamphétanime) sont connues pour leurs propriétés dopantes. La théophylline, substance contenue dans certains traitements contre l’asthme, est un alcaloïde comme la caféine, qui agit comme bronchodilatateur. "Mais associée aux amphétamines, la théophylline en augmente les effets", explique le Pr Jean-Pol Tassin.
Sous quelle forme est consommé le captagon ?
La captagon se prend généralement sous forme de pilule dont le prix de vente varie de 5 à 20 dollars américains l’unité (la fabrication ne coûte que 50 centimes). Cette drogue peut aussi être administrée sous forme liquide en intraveineuse.
Comment agit le captagon ?
Au niveau moléculaire, la fénéthylline pénètre dans les neurones et chasse les neurotransmetteurs présents dans les vésicules des synapses : la noradrénaline et la dopamine. La fénéthylline augmente également la libération de glucose.
Quels sont les effets du captagon ?
Le captagon augmente la vigilance, la concentration, accélère le rythme cardiaque et réduit la sensation de fatigue (par la libération de noradrénaline). "C’est une drogue parfaitement adaptée au combat", résume le neurobiologiste. La personne qui en consomme peut se sentir le "roi du monde" car le captagon désinhibe, active les circuits cérébraux de la récompense et du plaisir (par la libération de dopamine) et "permet d’augmenter la libération de glucose, un mécanisme biologique qui donne plus de puissance musculaire sans fournir d’effort". L’action euphorisante du captagon dure en moyenne entre 60 et 90 minutes. Arrivent ensuite les effets secondaires tels qu’une "fatigue intense, un état dépressif et une psychose".
Comment reconnaître une personne sous l’emprise du captagon ?
Les traits du visage changent sous l’effet de cette drogue. Des signes peuvent permettre de reconnaître si elle est sous l’emprise de captagon. "La dilatation des pupilles, la crispation des mâchoires et le resserrement des narines sont autant de transformations physiques révélatrices d’une consommation de captagon", selon le neurobiologiste.
Quelles sont les complications éventuelles ?
Une addiction peut s’installer après consommation de captagon, comme pour toutes les drogues. La dopamine libérée en grande quantité stimule le circuit cérébral de la récompense et du plaisir, menant à long terme à l’addiction. Le captagon a aussi été pointé du doigt à cause des complications cardiaques graves qu’il peut entraîner. Consommé en trop grande quantité, il peut provoquer un arrêt cardiaque.
En effet, le captagon à faible dose a longtemps été prescrit comme traitement contre la narcolepsie et l’hyperactivité car il stimule la production de dopamine et améliore la concentration. Il a été retiré du marché en 1993 et est classé comme "produit stupéfiant" par l’Agence française de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)3. La fénéthylline est même classée sur la liste des substances stupéfiantes placées sous contrôle international depuis 19864.