Rétinoblastome : symptômes, dépistage et traitements de ce cancer rare de l'œil
Chaque année, près de 60 enfants sont atteints d’un rétinoblastome, un cancer de l'oeil. Pour préserver leur vie, leur vue et leur futur, la chimiothérapie artérielle permet préserver l'œil tout en limitant les effets secondaires. Le point avec le Dr Isabelle Aerts, pédiatre à l’Institut Curie, qui a présenté une étude sur cette technique lors du congrès américain sur le cancer ASCO 2018.
Qu'est-ce que le rétinoblastome ?
Le rétinoblastome est un cancer rare de l’œil qui atteint les très jeunes enfants, le plus souvent avant l’âge de 5 ans. C'est une tumeur qui débute dans les tissus de la rétine et qui, si on ne l'arrête pas, se propage dans tout l'organisme, en commencant par le cerveau. On compte en moyenne 60 nouveaux cas par an en France, avec parfois une histoire familiale, mais parfois non.
Le rétinoblastome peut donc être héréditaire ou non, unilatéral ou bilatéral (touchant un œil ou les deux yeux, plus souvent avant un an).
"Une soixantaine de nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année en France, soit 1 cas pour 15 à 20 000 naissances par an" nous précise le Dr Isabelle Aerts, oncopédiatre à l’Institut Curie, centre de référence pour le diagnostic et le traitement de cette maladie.
Causes du rétinoblastome
Cette tumeur de l'œil est causée par une mutation du chromosome 13, sur lequel se trouve le gène (RB1) prédisposant au rétinoblastome. Il s'agit donc d'une origine génétique, causée par une partie défectueuse ou manquante du gène RB1.
Le rétinoblastome peut être :
- Non-héréditaire : la mutation génétique a eu lieu après la conception de l'enfant. Il s'agit de la forme de tumeur de la rétine la plus fréquente ;
- Héréditaire sporadique : la mutation a eu lieu avant la conception, dans l'ovule ou le spermatozoïde ;
- Héréditaire familiale : la mutation provient d'un membre de la famille atteint par le rétinoblastome ou porteur de l'altération génétique sans apparition de symptômes.
Cancer de l'œil : les facteurs de risque
La plupart des enfants atteints par cette tumeur de la rétine sont les premiers membres de la famille à souffrir de rétinoblastome. Lorsque l'un des parents est atteint par le cancer de l'œil, l'enfant a 45 % de risque de développer cette affection.
Symptômes du rétinoblastome
Un reflet blanc dans la pupille est un symptôme qui nécessite une consultation en urgence.
Le rétinoblastome est le plus souvent diagnostiqué par une leucocorie, c’est-à-dire un reflet blanc de la pupille sous certains éclairages (elle peut être vue sur des photos prises au flash).
"Très souvent, ce sont les parents qui vont détecter ce signe sans qu’il puisse être constaté par le médecin lors de la consultation. Mais ce signe doit être pris en considération de manière très sérieuse et amener à consulter rapidement un ophtalmologue" nous précise le Dr Aerts.
D’autres symptômes peuvent également survenir comme :
- la persistance d’un strabisme ;
- plus rarement des signes de rougeurs autour de l’œil ou un changement de la couleur de l’œil.
Diagnostic et dépistage du rétinoblastome
Lorsque les parents ou le pédiatre ont repérer les symptômes de la tumeur chez l'enfant, le diagnostic est confirmé par l'examen du fond d'œil, réalisé sous anesthésie générale par un ophtalmologue.
Plus le dépistage de la tumeur de la rétine a lieu tôt, plus les chances de sauver l’œil sont élevées, tout comme la diminution des risques d'expansion du cancer.
A ce titre, l’association Retinostop travaille à favoriser le dépistage précoce et à la meilleure connaissance de cette maladie, à travers différentes actions comme le spot de sensibilisation ci-dessous.
Elle s'alarme d'ailleurs de la recrudescence du nombre d'enfants qui arrivent à l'Institut Curie à un stade avancé de la maladie, avec des conséquences dramatiques pour ces petits : énucléation, déficience visuelle grave ou même cécité, ce qui fait basculer leur vie dans le handicap.
Traitement du rétinoblastome
Le traitement dépend de l’atteinte (unilatérale ou bilatérale), du nombre de tumeurs qui existe au niveau de chacun des deux yeux et de leur localisation par rapport aux centres de la vision. En fonction de ces paramètres, différents traitements pourront être proposés. On distingue les traitements conservateurs et l'énucléation.
Les traitements conservateurs
Les traitements conservateurs sont des traitement qui permettent de conserver l’œil, grâce à la chimiothérapie intraveineuse, au traitement par laser ou à la chimiothérapie intra-artérielle.
L'énucléation
L’énucléation est la chirurgie de l'ablation de l'œil, indiquée pour certains enfants. Ce traitement est difficile à accepter, mais qui va permettre de guérir les enfants qui ne peuvent pas bénéficier de traitements conservateurs.
Depuis 25 ans, chimiothérapies et traitements locaux (par laser) ont permis de faire reculer les énucléations et les radiothérapies jusqu’alors souvent nécessaires pour traiter ces patients.
La chimiothérapie artérielle
Dans le cadre du Congrès de l’American Society of Clinical Oncology, le Dr Aerts a présenté une étude sur 4 ans avec 39 patients avec des formes unilatérales de rétinoblastome chez qui la chimiothérapie artérielle a été utilisée. "Il s’agit d’administrer une chimiothérapie dans l’artère ophtalmique, petite artère nourricière de l’œil, via un cathéter introduit par l’artère fémorale puis guidé jusque dans l’artère ophtalmique. Cela permet de délivrer une petite dose de chimiothérapie, directement auprès de l’œil, évitant les toxicités liées aux fortes doses et à la dissémination du médicament dans l’organisme", explique le Dr Aerts. La technique date des années 1980, mais avait été abandonnée à cause de trop nombreuses complications. Aujourd’hui, les progrès accomplis par le cathétérisme l’ont remise au goût du jour au niveau international.
"Les données en termes d’efficacité ne sont pas encore disponibles car le dernier patient a été traité il y a moins d’un an. Néanmoins, les données sur les effets secondaires ont mis à jour des occlusions de l’artère centrale de la rétine, des occlusions veineuse chez 4 patients sur 39 pour lesquels la vision de l'œil n’a pu être conservée. Aucun patient n’est décédé, ni à cause de la procédure, ni à cause de la maladie" précise le Dr Aerts.
Cette technique de chimiothérapie artérielle n’est pas la solution pour tous les patients. Certains enfants devront subir une énucléation, qui permettra de les sauver. Une attitude trop conservatrice pourrait au contraire mettre en péril la vie de l’enfant en laissant la maladie se développer en dehors de l’œil.
"Notre étude montre que la chimiothérapie artérielle est faisable et généralement bien tolérée. Nous sommes en train de rédiger un protocole sur cette technique et préparons un essai qui comparera l’effet d’une chimiothérapie seule, le melphalan, avec celui de cette même molécule combinée à une seconde, le topotecan, qui pourrait permettre de réduire les doses de la première et les effets secondaires qui lui sont liés", détaille le médecin.
Rétinoblastome : chances de guérison
Comme dans toutes les tumeurs, plus le diagnostic a lieu tôt, plus les chances de guérison sont élevées. Le rétinoblastome est un cancer mettant en jeu le pronostic vital de l'enfant s'il est dépisté tardivement. Pour cette raison, tous les malades ne conservent pas les deux yeux. Toutefois, en France, les enfants atteints par une tumeur de la rétine guérissent, grâce aux moyens médicaux accessibles, ce qui n'est pas le cas sur l'ensemble des continents.