Les loups mutants de Tchernobyl ont développé des capacités anticancéreuses
Trente-huit ans que la catastrophe de Tchernobyl a eu lieu... Si la population a fui la zone à proximité de l’ancienne centrale, les animaux ont continué à l’occuper. Exposés aux radiations cancérigènes, des loups ont développé des mutations protectrices. Quels enseignements en tirer ? Le point de vue d’Ivan Pourmir, médecin oncologue, membre du comité d’experts de Doctissimo.
Et si la catastrophe de Tchernobyl pouvait permettre de trouver le moyen pour l’Homme de lutter contre le cancer ? Cette hypothèse, qui n’est pour le moment pas une réalité, se pose toutefois à la suite de la publication d’un communiqué de la part de chercheurs américains de l’Université de Princeton.
Une catastrophe nucléaire où la nature reprend ses droits
Après l’accident nucléaire de la centrale de Tchernobyl, ayant eu lieu en Ukraine en avril 1986, une zone d’environ 2200 kilomètres carrés a été abandonnée par la population. Mais les animaux en revanche, en particulier les loups, ont continué d’occuper cet espace, tout en étant régulièrement exposés aux radiations.
La biologiste évolutionniste au laboratoire de Shane Campbell-Staton à l'Université de Princeton, Cara Love a suivi de près ces animaux. En 2014, avec son équipe, elle s’est rendue sur place pour étudier les loups et prélever des échantillons sanguins, afin de comprendre comment ces animaux ont pu survivre face à l’exposition radioactive. Pour savoir à quels niveaux de radiations les animaux ont été exposés, les scientifiques ont aussi posé des colliers GPS sur les animaux, afin d’obtenir des mesures "en temps réel de l'endroit où ils se trouvent et de la quantité de rayonnement à laquelle ils sont exposés".
Des taux de radiation six supérieurs à la limite fixée chez l’homme
Dix ans après, les scientifiques ont exploité les données recuillies par ces colliers. Elles démontrent que les loups vivent tout en étant exposés à de très fortes radiations, six fois supérieures à celles fixées chez un travailleur humain, dans ce domaine.
Selon Cara Love, "les loups de Tchernobyl survivent et prospèrent malgré des générations d'exposition et l'accumulation de particules radioactives dans leur corps". Comment cela s’explique ? Pour les scientifiques, dont les travaux n’ont pas encore été publiés, le système immunitaire de ces animaux a pu être étudié et des signatures génomiques ont muté. Cara Love et son équipe ont ainsi identifié "des régions spécifiques du génome du loup qui semblent résistantes à un risque accru de cancer".
Une piste de recherche "intéressante" pour lutter contre le cancer
Pour mieux comprendre l’importance de cette découverte, Doctissimo a interrogé Ivan Pourmir, médecin oncologue membre du comité d’experts de Doctissimo. Selon lui, il s’agit d’une voie de recherche intéressante.
"C’est une manière d’utiliser les théories de l’évolution pour comprendre comment les espèces changent et comment la ‘sélection naturelle’ se met en place" explique-t-il tout d’abord. "En observant des animaux, ici les loups, sur une longue période, on peut observer les changements génétiques qui ont lieu suite à leur exposition aux radiations. Avec le temps, seuls les individus les plus résistants survivent et on peut alors faire des comparaisons de génomes, afin de déterminer les "mutations protectrices" du cancer qui sont apparues".
Une étude d’autant plus intéressante que le loup est proche du chien, animal qui combat le cancer "de la même manière que les humains" soulignent les chercheurs.