Cancer du poumon : l’osimertinib réduit de moitié le risque de décès
Déjà autorisé dans de nombreux pays, l’osimertinib a permis de réduire de moitié le risque de décès de certains cancers du poumon lorsqu’il est pris quotidiennement après une chirurgie. Des résultats impressionnants qui vont changer la pratique.
Selon l’Institut National du Cancer, le cancer du poumon est le 4e cancer le plus fréquent en France, mais c’est surtout le plus meurtrier. Le cancer bronchique non à petites cellules représente la forme la plus fréquente de cancer bronchique, environ 85% des cas. Face à ces cancers le traitement de référence quand il est possible est la chirurgie et la chimiothérapie. Cependant, le taux de récidive reste élevé. Selon une étude présentée lors du congrès international sur le cancer ASCO 2023, le recours à une thérapie ciblée (déjà indiquée pour les formes très avancées qui ne permettent pas la chirurgie) pourrait réduire le risque de récidive de certains de ces cancers.
Le cas particulier des cancers du poumon EGFR
Certaines cellules tumorales du cancer du poumon contiennent dans leur ADN une mutation qui touche certains récepteurs (les récepteurs du facteur de croissance épidermique ou EGFR). Schématiquement, le rôle de ces récepteurs présents à la surface des cellules tumorales consiste à dire à la tumeur quand elle doit croître. Lorsqu’ils sont mutés (on dit alors que la tumeur est "positive pour les mutations de l’EGFR“), la tumeur va pouvoir grossir et se disséminer plus rapidement.
Entre 10 et 25 % des patients caucasiens et 40 % des patients asiatiques atteints de cancers du poumon non à petites cellules présentent à leur surface un récepteur EGFR muté. Ces cancers surviennent plus fréquemment chez des patients non-fumeurs, les femmes ou en cas d’adénocarcinomes. Malgré l'utilisation de la chimiothérapie après l'ablation chirurgicale d'une tumeur, les taux de récidive de la maladie restent élevés et augmentent avec le stade de la maladie.
Des médicaments peuvent aujourd’hui cibler spécifiquement ces récepteurs mais longtemps, leur utilisation était limitée aux formes métastatiques (formes avancées du cancer qui s’est déjà propagé à d’autres organes). Une étude démontre l’utilité de l’un d’eux, l’osimertinib (commercialisé sous le nom de Tagrisso ®) pour des stades plus précoces afin de réduire le risque de récidive après chirurgie.
Un risque de décès réduit de moitié
L’étude internationale conduite dans 26 pays a recruté 682 patients atteints d’un cancer du poumon avec cette mutation EGFR. Deux tiers étaient des femmes, deux tiers n’avaient pas d’antécédents de tabagisme et deux tiers étaient des asiatiques. Les patients ont été répartis en deux groupes : le premier prenant l’osimertinib une fois par jour et l’autre un placebo. Tous ont été suivis pendant trois ans.
Résultat : Cinq ans après la chirurgie, 88% des patients traités étaient toujours en vie, contre 78% des patients sous placebo. Globalement, la prise du comprimé a entraîné une réduction de 51 % du risque de décès pour les patients traités, comparé au placebo. Les effets secondaires du traitement ont été jugés "légers à modérés".
Thérapies ciblées : vers des indications plus précoces
Cette thérapie ciblée avait déjà démontré des bénéfices en survie sans progression (durée pendant laquelle la maladie n’évolue pas) mais les données de survie globale renforcent encore l’intérêt de ce traitement. "Cela renforce encore la nécessité d'identifier ces patients avec des biomarqueurs disponibles au moment du diagnostic et avant le début du traitement" a déclaré le Pr. Roy S. Herbst, directeur adjoint du Yale Cancer Center et principal auteur de l’étude. Lors d’une conférence de presse, il a ajouté que le médicament permettait "d’empêcher la maladie de se propager au cerveau, au foie et aux os".
L’étude se poursuit pour identifier une possible maladie résiduelle chez les patients. Parallèlement, l’osimertinib est également évalué à d’autres stades du cancer du poumon, y compris avant la chirurgie. Parallèlement, cette démonstration de l’utilité d’une thérapie ciblée à un stade plus précoce après chirurgie ouvre la voie à d’autres études portant sur d’autres mutations spécifiques de la tumeur ALK et RET pour un traitement plus personnalisé.