Épidémie de myopie : il n'y a pas de fatalité
"Agissons ensemble contre la myopie". Tel est le slogan de la campagne de prévention lancée ce vendredi. Mobilisation générale du côté des experts de la vue : cette maladie pourrait toucher 5 milliards de personnes d’ici à 2050, soit la moitié de la population mondiale. C’est le moment d’y voir clair.
Bientôt tous myopes ? Si cette menace plane depuis de nombreuses années déjà sur certaines villes asiatiques, comme Shanghaï, Hong-Kong ou Taïwan, où la myopie, une maladie qui se traduit par une vision floue de loin et nette de près, peut atteindre des taux de pénétration de plus de 90 %, elle gagne petit à petit d’autres régions du monde.
Pour enrayer cette évolution, l’Observatoire national de la myopie, composé d’experts ophtalmologistes et de pédiatres, entre en campagne, via une vaste opération de sensibilisation pour éclairer les Français sur une maladie étonnement mal connue. Selon les projections, 5 milliards de personnes dans le monde pourraient être frappées de myopie d’ici à 2050. Place donc à l’action, ainsi que nous y invite le message de l’observatoire : “Agissons ensemble contre la myopie”.
Le mode de vie occidental en cause
“On a longtemps cru que cette épidémie était circonscrite à l’Asie, mais elle touche désormais l’Europe”, rapporte le Dr Thierry Bour, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF), partenaire de la campagne.
En France, 43 % des adultes de 18 ans et plus se déclarent myopes, selon le baromètre de la myopie réalisé par l’institut de sondage Ipsos, qui a interrogé plus de 3 500 personnes. Mais c’est surtout chez les jeunes que les chiffres explosent : “Cette maladie qui concernait environ 20 % des jeunes, dans les années 1980, affecte aujourd’hui plus de 40 % d’entre eux et si rien n’est fait, ce chiffre pourrait monter à 60 % dans vingt ou trente ans.”
Les raisons de cette hausse sont relativement bien connues. Ces causes sont de deux ordres, génétiques et environnementales. La myopie a en effet un caractère héréditaire - le risque de myopie d’un enfant est multiplié par deux si l’un de ses parents est myope, par 3 à 8, si ses deux parents le sont -, et sa survenue dépend aussi de l’origine ethnique - c’est ainsi que les Chinois sont davantage touchés que les Indiens.
Mais les facteurs génétiques ne comptent que pour 10 % dans les cas de myopie. "La principale cause tient à notre mode de vie, souligne le Dr Bour. Le travail en intérieur et le temps passé sur les écrans nous éloignent des conditions qui nous ont longtemps préservés de la myopie, ou qui ont permis en tout cas de maintenir son incidence à un niveau bas et stable".
Des complications pouvant aller jusqu’à la cécité
Contrairement à une idée reçue, la myopie n’est pas une maladie anodine. Et surtout pas une pathologie, avertit le président du SNOF, "qui se résume à un problème de lunettes". Outre la gêne permanente, en cas de myopie forte (profession interdite, inconfort au long de la journée, etc.), elle peut entraîner à long terme des complications très sérieuses. "La myopie est la 4e cause de cécité, surtout après 60 ans, reprend le Dr Bour. Elle peut également augmenter le risque de décollement de la rétine, de cataracte et de glaucome, ce qui peut entraîner des fins de vie difficiles au niveau visuel".
Or selon le baromètre Ipsos, plus de 8 personnes interviewées sur 10 sous-estiment l’impact de la myopie, et particulièrement le fait qu’elle puisse rendre aveugle. Et même parmi les sujets atteints de myopie, ils sont 34 % déclarer ne pas avoir reçu d’informations sur les risques associés à l’évolution de leur trouble visuel.
Deux chiffres qui disent la nécessité, voire l’urgence de communiquer autour de cette pathologie, contre laquelle la majorité des Français (61 %) pensent qu’il n’y a rien à faire. Plus encore si l’on ajoute qu’ils sont, dans le même temps, 51 % à ne pas donner une bonne définition de la myopie, ce qui explique très certainement le manque de vigilance, notamment vis-à-vis des enfants.
Moins de vision de près et plus d’activités en extérieur
"Les parents qui voient leur enfant qui plisse les yeux pour regarder au loin, qui se colle à son écran pour lire ou qui se frotte les yeux et/ou présente une irritation oculaire, en raison de la fatigue et/ou de la sécheresse oculaire qu’entraîne la lecture sur écran, doivent envisager un dépistage", encourage le Dr Bour. Plus le dépistage est précoce, moins l’évolution de la myopie est rapide.
L’enquête Ipsos révèle qu’entre 3 et 6 ans, les enfants passent en moyenne trois heures sur les écrans, durée qui passe à sept heures à partir de 11-12 ans. Il est donc important de mettre en place des mesures, sinon pour prévenir, du moins pour ralentir l’évolution de la maladie - qui valent aussi pour les adultes.
"L’idéal serait de faire une pause toutes les vingt minutes, pour regarder au loin durant au moins vingt secondes à une minute, et surtout ne pas hésiter à sortir, car la lumière naturelle est bénéfique contre la myopie alors que la lecture de près, sur écran, la stimule au contraire", conseille le spécialiste.
Mais c’est en amont qu’il convient d’agir : pour réduire le risque de myopie des enfants, l’observatoire recommande de les inciter à passer le plus de temps possible en extérieur, idéalement deux heures par jour au moins pour un effet protecteur optimal. "Au final, il s’agit de redécouvrir une vie normale, avec des activités diversifiées, de l’activité physique, des jeux, de la marche ou du vélo pour se déplacer, etc.", complète le Dr Bour.
Des solutions à effet freinateur
Outre les moyens préventifs, il existe désormais des options thérapeutiques qui agissent sur la myopie, une fois installée. "Il y a encore quelques années, on ne savait pas très bien quoi faire, d’où probablement la fatalité exprimée par les Français interrogés dans l’enquête Ipsos. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui", se réjouit notre interlocuteur.
Il y a des collyres à base d’atropine diluée, des lunettes freinatrices, avec des verres spéciaux, ou encore l’orthokératologie - qui consiste à porter des lentilles rigides la nuit. Autant de solutions qui visent à maintenir, voire réduire l’évolution de la myopie. Selon les études, les verres freinateurs diminueraient ainsi d’au moins 60 % la progression de la maladie. Mais cette option reste encore assez confidentielle : quelques milliers de personnes seulement sont équipées. Et, pour l’instant, le reste à charge est relativement élevé.
Dans tous les cas, estime le Dr Bour, il faut poursuivre les travaux sur ces dispositifs pour évaluer progressivement leurs conséquences et leur efficacité, et voir aussi si leur association (collyre et lunettes, par exemple) ne pourrait pas accroître encore cet effet freinateur. "L’idée, c’est de réduire les complications potentielles de la myopie de 40 %", objective le Dr Thierry Bour. Faut-il encore se faire dépister. Pensez-y.
L'institut d'Éducation Médicale et de Prévention lance une campagne nationale d'information et de dépistage de la myopie autour du mot d'ordre 👉 "Agissons ensemble contre la myopie".
— Ensemble contre la Myopie (@EnsembleMyopie) June 24, 2022
La myopie n'est pas une fatalité et nous avons tous la possibilité d'agir pour la limiter. pic.twitter.com/PrjQNHUTLQ