Maladie de Crohn : traiter "fort" dès le diagnostic pourrait réduire les complications
Alors que le traitement de la maladie de Crohn entrepris dépend bien souvent des critères de sévérité des patients, une nouvelle étude démontre qu’un traitement par biothérapie "dès" le diagnostic pourrait réduire le recours à la chirurgie et à d’autres traitements. Une avancée majeure qui pourrait changer la pratique ?
Maladie inflammatoire chronique du tube digestif, la maladie de Crohn touche actuellement 120 000 personnes en France. Des personnes dont le traitement dépend de la sévérité de la maladie (surtout des poussées) : corticoïdes, biothérapies réservées aux formes avanées et parfois chirurgie. Mais une nouvelle étude suggère que le recours à des biothérapies normale d'emblée dès le diagnostic pourrait réduire considérablement le recours à la chirurgie et les complications futures.
La biothérapie d’entrée change le futur des patients
Les chercheurs du NIHR Cambridge Biomedical Research Center ont ainsi divisé les 386 patients nouvellement diagnostiqués dans 40 hôpitaux du Royaume-Uni en deux groupes. La moitié a reçu un traitement conventionnel tandis que l’autre moitié s’est vue proposer une approche “descendante” et a reçu de l’infliximab dès que possible après leur diagnostic, quels que soient leurs symptômes. Les résultats d’efficacité ne se sont pas faits attendre.
- La majorité (80 %) des personnes sous infliximab ont vu leurs symptômes contrôlés pendant un an, contre seulement 15 % dans le groupe conventionnel ;
- Environ 67 % des patients sous infliximab ne présentaient également aucun ulcère à l’endoscopie à la fin de l’essai ;
- Environ 5 % des patients traités ont nécessité une intervention chirurgicale conventionnelle, contre 0,5 % dans le groupe infliximab.
Pour le professeur Miles Parkes, chercheur en chef de l'essai Profile, le changement de process est une avancée majeure : "Jusqu'à présent, le point de vue était "pourquoi utiliser une stratégie de traitement plus coûteuse et potentiellement surtraiter les gens"". Mais de nombreuses études l’ont peu à peu démontré : il existe en réalité un risque assez élevé qu’une personne atteinte de la maladie de Crohn connaisse des poussées et des complications, même au cours de la première année suivant le diagnostic.
“Nous savons désormais que nous pouvons prévenir la majorité des conséquences indésirables, y compris le recours à une intervention chirurgicale urgente, en proposant une stratégie de traitement sûre et de plus en plus abordable".
Changer la trajectoire de la maladie, dès le départ
Pour Anne Buisson, directrice à l’AFA Crohn RCH France, (association nationale des patients et proche mobilisés contre la maladie de Crohn et rectocolite hémorragique) contactée par Doctissimo, la découverte répond à une question que le corps médical se pose depuis 20 ans autour de la maladie de Crohn.
"Depuis qu’on connaît les biothérapies, en somme, on se demande si en traitant puissamment les patients nous allons être capables de changer l’histoire naturelle de la maladie".
Mais dans les faits, c’est plutôt la tendance inverse qui est employée : "Les cliniciens se posent souvent la question de savoir quels sont les patients qu’on va traiter puissamment, quels sont ceux qui ont le pire score d’entrée de jeu et qui risquent le plus de complications. Avec la volonté de ne pas “surtraiter” ceux qui n’en ont pas besoin".
Vers un changement de la prise en charge ?
En incluant cette fois des patients tout juste diagnostiqués, sans classement de sévérité, l’étude apporte une donnée nouvelle et originale selon elle.
“Potentiellement, cela répond à la question de savoir qu’il faut donc traiter au plus tôt. Elle a le mérite de démontrer que dans une cohorte de patients, celui qui reçoit tout de suite l’infliximab va aller mieux, indépendamment des critères de sévérité. “
Une donnée qui souligne finalement l’importance de poser le plus rapidement possible le diagnostic de la maladie pour traiter sans attendre. "Il y encore beaucoup à faire, mais c’est important pour nous d'imaginer qu'à un moment donné il puisse y avoir une pratique qui modifie l'histoire naturelle de la maladie. Nous y sommes peut-être".
Si ces résultats sont confirmés, un changement de prise en charge pourrait intervenir, même si plusieurs questions restent en suspens : combien de temps le traitement par biothérapies devra-t-il être suivi ? Quelles sont les possibles effets secondaires à long terme versus la réduction des complications liées à la maladie ?... Le prix des biothérapies pourrait également constituer un frein, il devra être (ré)évalué au regard des complications évitées et de la qualité de vie préservée des patients. Affaire à suivre...