Est-il possible de faire repousser des dents ?

Annabelle  Iglesias
Annabelle Iglesias Journaliste santé/parentalité
Publié le  , mis à jour le 

Des chercheurs japonais ont mis au point un traitement capable de faire pousser les dents chez des personnes à qui il en manque depuis la naissance. ll a été testé sur des rongeurs avec des résultats probants. Actuellement testé sur des humains, les scientifiques espèrent une commercialisation en 2030. Comment agit ce traitement ? Quelles sont ses limites ? Existe-t-il d’autres moyens de faire repousser les dents ? Doctissimo a interrogé le Pr Anne Poliard, professeur émérite dans le département d'Odontologie à l'Université Paris-Cité.

Un traitement qui cible le gène USAG-1

Des chercheurs de l’Université de Kyoto ont découvert en étudiant des souris, que lorsqu’un de leurs gènes appelé USAG-1 est inactif, elles développent une hyperdontie, c’est-à-dire des dents surnuméraires. En y regardant de plus près, ces chercheurs ont constaté que, chez ces souris mutantes, des germes de dents, qui normalement dégénèrent et disparaissent,deviennent capables de se développer.

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Partant de ce constat, ils ont développé un produit injectable contenant des anticorps qui ont pour effet d’inhiber la protéine codée par le gène USAG-1 chez un individu sain. Ils l’ont ensuite injecté à des souris présentant une agénésie congénitale (donc à qui il manquait des dents à la naissance) en espérant que l’inhibition de la protéine d’USAG-1 permettrait aux germes de dents de se développer normalement chez ces souris. 

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L’équipe de Katsu Takahashi, fondateur de la start-up japonaise Toregem Biopharma, affirme que les résultats de leurs tests sur des souris et des furets sont très probants. 

Pour qui ? 

La start-up Toregem Biopharma souhaiterait que son traitement soit utilisé pour traiter les personnes atteintes d’agénésie dentaire, une maladie génétique rare qui se caractérise par l’absence de développement d’un ou plusieurs germes dentaires. Cette maladie concernerait 1 à 9% de la population en France. 

Après les résultats concluants des expérimentations sur les rongeurs, la start-up a décidé de commencer à tester le traitement sur les humains. Le premier essai clinique chez l’homme a commencé en juillet 2024, en lien avec l’hôpital Kitano à Osaka. “Cette recherche est une étude de médicaments thérapeutiques destinés aux personnes à qui il manque des dents en raison de maladies congénitales”, affirme l’hôpital Kitano. 

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L’essai clinique en cours vise dans un premier temps à vérifier que la molécule ne provoque pas d’effets secondaires indésirables. 

Quelles sont les limites ?

Bien que prometteur, ce traitement ciblant le gène USAG-1 présente des limites selon le Pr Anne Poliard. "Ce traitement ne pourra être proposé qu’à des enfants chez lesquels il existe des ébauches de bourgeons qui ne peuvent se développer en raison de leur maladie. La molécule présente dans le médicament ne pourra pas faire pousser une dent en l’absence de bourgeons", fait remarquer la chercheuse en odontologie. Autres limites signalées par la professeure : "chez les souris, on a vu que les dents qui poussent suite à ce traitement peuvent présenter des malformations, fusionner ou être au final en surnombre dans la bouche"Le dosage de la molécule devra donc être adapté en conséquence.

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La piste des cellules souches pour faire pousser des dents

Il existe actuellement d’autres pistes thérapeutiques pour faire pousser des dents : l’utilisation de cellules souches. Plusieurs équipes dans le monde ont pu montrer la possibilité de recréer des dents à partir de cellules souches embryonnaires. Cette technique n’a pour l’heure été testée que sur des souris mais elle ouvre la porte à un espoir chez l’homme. 

Une nouvelle dent, une nouvelle racine 

Pour former une dent, deux types de cellules souches, qui vont interagir entre elles, sont nécessaires : les cellules mésenchymateuses et les cellules épithéliales. En prélevant ces cellules souches chez des embryons de souris, au 14ème jour de développement, en les associant puis en les mettant en culture pendant quelques jours, des petits bourgeons de dent se forment. “Si on les implante dans la mâchoire d’une souris et que l’on attend environ deux mois, on observe l’éruption d’une dent parfaitement constituée, comme une dent normalement formée”, détaille la chercheuse en odontologie.

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"Cette découverte est absolument géniale ! Même si la forme de la dent obtenue n’est pas parfaite, car cette caractéristique est prédéfinie durant les étapes précoces du développement, on obtient une dent bien ancrée dans la mâchoire grâce au développement de racines, et cela pourrait être une alternative ‘améliorée’ à l’implant, qui on le sait, avec le temps peut se détacher”, s’enthousiasme le Pr Poliard. 

Une technique difficilement applicable à l’humain aujourd’hui

L’obstacle majeur, pour un transfert à l’homme de cette nouvelle technique prometteuse, est l’ obtention de cellules souches, qui ne peut pas se faire chez l’embryon humain pour des raisons éthiques évidentes. Il faut donc les trouver ailleurs.

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Pour les cellules souches “mésenchymateuses”, la pulpe dentaire est une source possible. Dans certains pays (notamment dans les pays anglo-saxons), il existe des banques de cellules souches pulpaires. Ces banques sont privées et donc payantes, mais en France seules les banques de tissus publiques sont autorisées (comme banque du sang) et cela n’a pas encore été mis en place. 

"Aujourd’hui, pour transposer cette technique à l’homme, le défi est d’obtenir des cellules souches épithéliales ayant les mêmes propriétés que celles de souris, des pistes prometteuses sont en cours d’études ", indique le Pr Poliard. 

Enfin, un tel traitement sera certainement coûteux car il demande du temps et des techniques particulières qui ne pourront pas être réalisées dans un simple cabinet dentaire. 

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"Ce traitement, s’il est commercialisé un jour, sera très certainement réservé à des indications particulières et concernera donc dans un premier temps peu de patients", reconnaît la chercheuse. 

La disponibilité et l’accessibilité d’un traitement pour faire repousser des dents arrachées, ce n’est donc pas pour tout de suite !

Comment faire quand on n'a plus de dents ?

Aujourd'hui, il existe des solutions pour les personnes qui ont perdu toutes leurs dents : les prothèses complètes sur implants et les bridges fixes posés sur des implants. Les implants ressemblent à des dents naturelles, esthétiquement parlant. 

Le bridge fixe est une solution qui permet de conserver ses dents en permanence, pas besoin de le retirer la nuit contrairement aux prothèses. S’il y a un problème avec l’une des dents de la prothèse, il est même possible d’intervenir sur celle-ci sans avoir à refaire l’ensemble du bridge.

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L'implant reste la solution la plus adaptée en cas de perte d'une dent.


Sources
  • Entretien avec le Pr Anne Poliard, professeur en odontologie à l’Université Paris Cité.
  • Toregem Biopharma
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