Cancers ORL : les femmes sont-elles sous-traitées ?
Les cancers ORL constituent la 4e cause de cancer en France. Liés au tabagisme et à l’alcool, ils sont en augmentation chez les femmes. Présentée lors du congrès sur le cancer ASCO 2018, une étude américaine révèle d’étonnantes différences de traitements entre les hommes et les femmes : ces dernières reçoivent plus fréquemment des traitements moins agressifs avec à la clé, un pronostic nettement plus sombre.
Le traitement des cancers ORL avancés
Le nombre de nouveaux cas par an est d’environ 14 000. Les hommes représentent 3 cas sur 4, principalement à cause des facteurs de risque. La plupart de ces cancers sont liés à la consommation d’alcool et de tabac.
Avant d’initier un traitement, les oncologues prennent en compte la présence d'autres problèmes médicaux. Les patients atteints d'un cancer ORL qui ont un bon état de santé général peuvent recevoir des traitements plus agressifs, comme une chimiothérapie à base de platine avec une radiothérapie. Les patients qui ne peuvent tolérer une chimiothérapie intensive peuvent se voir offrir des traitements moins intensifs : un traitement ciblé par cetuximab (Erbitux ®) avec une radiothérapie, une radiothérapie seule ou même aucun traitement.
On cherche également à déterminer si le cancer est causé par un papillomavirus humain (HPV). Ces tumeurs plus fréquentes chez les hommes sont plus sensibles au traitement et ont généralement un meilleur pronostic.
Deux fois plus de décès liés au cancer chez les femmes
Les chercheurs américains ont analysé les données de santé de 223 femmes et 661 hommes atteints d'un cancer ORL avancés (stade II-IVB) qui ont été traités à Kaiser Permanente Northern California. Dans le cadre de cette étude, les HPV étaient liés à 22,6% des cancers chez les femmes et 77,4% chez les hommes. Ils ont examiné les choix de traitement par rapport à un algorithme capable d’identifier le choix théorique le plus adapté pour chaque patient. Résultats :
- Les hommes ont plus souvent accès à des traitements plus agressifs : Il apparaît que les chances de recevoir une chimiothérapie intensive étaient de 35 % pour les femmes contre 46 % pour les hommes, et les chances de recevoir des radiations étaient de 60 % pour les femmes et de 70 % pour les hommes.
- Deux fois plus de décès liés au cancer parmi les femmes : Avec un suivi moyen de 2,9 ans, 271 patients sont décédés d'un cancer et 93 d'autres causes. Alors que l’ensemble des patients étaient plus susceptibles de mourir du cancer que d'autres causes, le rapport entre les décès par cancer et les décès non liés au cancer était presque doublé (x 1,92) chez les femmes par rapport aux hommes.
- Plus de cancers liés au HPV chez les hommes : Moins de femmes que d'hommes ont eu des cancers de l'oropharynx (38% vs 55%). Même si une analyse plus poussée est en cours, elle pourrait également être un facteur de mortalité chez les femmes, car les cancers liés au VPH sont les plus fréquents dans l'oropharynx.
Globalement, selon ces résultats, il apparaît que les femmes seraient sous-traitées. "Nous ne recherchions pas de différences entre les sexes, donc ces résultats étaient vraiment surprenants. En plus d’un traitement insuffisant, plusieurs facteurs peuvent contribuer à ces écarts entre les femmes et les hommes atteints de cancer de la tête et du cou, et il est clair que nous avons besoin de plus amples recherches", explique le Pr. Jed A. Katzel, de Kaiser Permanente à Santa Clara.
Plusieurs questions restent effectivement en suspens : comment expliquer les différences de survie entre les deux sexes ? Est-ce uniquement dû à la part liée aux cancers HPV plus fréquent chez les homems ? Les prescripteurs de soins ont-ils tendance à privilégier des traitements moins agressifs mais moins efficaces chez les femmes ?... "Nous ne savons pas pourquoi les femmes reçoivent moins de traitement et ont de moins bons résultats, et nous devons le savoir. Bien que ces résultats soient spécifiques à la Californie, les disparités que nous voyons sont surprenantes et méritent d'être prises en compte dans les discussions de traitement dans la pratique quotidienne", a conclu le Pr. Joshua A. Jones, expert de l'ASCO.