Coronavirus : l’enquête sur le patient zéro en France dévoilée
Le journal Le Monde a eu accès à l’enquête épidémiologique de Santé publique France et de l’Institut Pasteur qui tente d’identifier la première personne contaminée par le SARS-CoV-2 sur le territoire. S’il n’est toujours pas connu, on sait néanmoins que le virus a bel et bien été introduit dans l’Oise et qu’il y circulait bien avant les premiers recensements…
Qui a introduit le coronavirus en France ? Santé publique France et l’Institut Pasteur ont mené l’enquête afin de remonter la chaîne de contamination dans l’Oise (60). Les journalistes du Monde qui ont eu accès aux travaux menés depuis près d’un mois révèlent que si le patient zéro reste introuvable, le département est bien le foyer de l’épidémie dans l’Hexagone. Mais le virus n’a pas été introduit sur la base militaire de Creil, et il l’aurait été dès la mi-janvier.
La piste de la base militaire de Creil écartée
Rappelons que les trois premiers cas en France ont été recensés le 24 janvier. Il s’agissait de deux touristes chinois et d’un Français ayant séjourné à Wuhan, épicentre de l’épidémie de coronavirus. L’Oise est rapidement devenue l’un des principaux foyers de contagion, avec le décès d’un enseignant de Crépy-en-Valois le 25 février, qui n’avait pas voyagé récemment, et l’hospitalisation d’un agent civil de la base militaire de Creil quelques jours avant.
Cette base militaire a été soupçonnée d’être le point de départ de l’épidémie car elle avait été chargée du rapatriement des premiers ressortissants français de Wuhan fin janvier. Mais des prélèvements effectués sur l’agent hospitalisé ont montré que la souche de coronavirus par laquelle il était infecté n’était pas la même que celle retrouvée en Chine. Ce qui signifie que le virus a été porté par d’autres personnes avant et qu’il aurait muté plusieurs fois ; il n’aurait donc pas été importé de Chine, au moment de la mission.
Dans l’Oise, le virus circulerait depuis début janvier
Par ailleurs, l’interrogation de plusieurs centaines de personnes par les épidémiologistes a permis de confirmer que “la circulation du virus était active dans l'Oise depuis déjà plusieurs semaines avant ce cas de Creil. Nous avons réussi à remonter à des premiers cas confirmés de coronavirus dès la deuxième semaine de janvier, avant même l'apparition de foyers au nord de l'Italie.” Mais le plus ancien cas identifié dans l’Oise ne serait pas identifié comme le patient zéro. “Il n'a pas voyagé, explique Santé publique France au Parisien. Un lien indirect avec la Chine est possible puisque c'était le principal foyer à ce moment-là, mais ce lien n'a pas été mis en évidence. Nous ne pouvons pas non plus exclure qu'il y ait eu plusieurs introductions.”
Le mystère reste donc entier, et n’est pas près d’être élucidé. L’enquête a en effet été stoppée mi-mars. “Il n'est plus possible actuellement de la poursuivre car des actions de santé publique plus prioritaires ont lieu désormais. La question de la reprendre sera évoquée plus tard, et soumise bien sûr à l'acceptation des personnes impliquées.”
Des premiers cas encore plus anciens ?
Mais les récentes déclarations d'un chef de réanimation pourraient changer la donne. Interviewé par BFMTV le dimanche 3 mai, le professeur Yves Cohen, exerçant dans les hôpitaux Avicenne à Bobigny et Jean-Verdier à Bondy, en Seine-Saint-Denis, a affirmé qu'un premier cas de CoVid-19 avait été identifié en France dès le 27 décembre 2019. "On a repris toutes les PCR testées chez des patients atteints de pneumonie en décembre et janvier dont les résultats étaient négatifs, a-t-il expliqué. Les PCR ne sont pas faites pour le CoVid-19, mais pour la grippe et d'autres coronavirus. Et sur les 24 patients, nous avons eu un cas positif au CoVid-19, le 27 décembre, quand il était hospitalisé chez nous, à Jean-Verdier."
Les équipes ont continué à mener leur enquête et ont appelé le patient, qui n'avait pas voyagé récemment. "Il a été malade 15 jours et il a contaminé ses deux enfants, mais pas sa femme, qui travaille dans un supermarché, à l'étal des poissons. Nous nous sommes demandé s'il n'y avait pas un rapport avec les poissons d'origine chinoise, mais elle ne travaille que sur des produits français. Puis on apprend par hasard qu'elle travaille à côté des ventes de sushis où des gens d'origine chinoise travaillent. On se demande si elle n'a pas été atteinte ainsi de manière asymptomatique. On ne peut pas aller plus loin, mais je pense que c'est à une autre institution de faire les enquêtes."
Le Pr Cohen estime que cet homme est "peut-être le patient zéro, mais peut-être qu'il y en a d'autres dans d'autres régions. Il faut retester toutes les PCR négatives pour les pneumonies. Le virus circulait probablement", encore bien avant janvier.
Et c'est ce que semble confirmer le docteur Michel Schmitt. Interrogé par Le Parisien le 17 mai, le médecin chef de l'imagerie médicale à l'hôpital Albert-Schweitzer de Colmar dans le Haut-Rhin, région particulièrement touchée par l'épidémie, s'est attelé à reprendre tous les scanners thoraciques réalisés entre octobre 2019 et avril 2020 afin de repérer des "anomalies pulmonaires typiques provoquées par le CoVid-19". Un premier cas a ainsi été détecté le 16 novembre, douze autres en décembre et seize en janvier. L'hôpital souhaite mener une étude épidémiologique afin d'en savoir plus sur l'origine de ces contaminations.
A Wuhan, le coronavirus présent depuis août ?
En Chine aussi, le mystère du patient zéro subsiste. Alors que les premiers cas ont officiellement été signalés en décembre 2019, plusieurs sportifs internationaux rassemblés à Wuhan pour les Jeux militaires en octobre dernier, notamment des sportifs français, affirment avoir eu des symptômes similaires à ceux du CoVid-19 à cette époque. “On était à Wuhan pour les Jeux mondiaux militaires fin octobre, explique au Parisien Elodie Clouvel, championne du monde de pentathlon moderne. Et, en fait, il s’avère qu’après on est tous tombés malades. [...] J’ai eu des trucs que je n’avais pas eus avant. On ne s’est pas plus inquiété que ça parce qu’on n’en parlait pas encore. [...] Il y a beaucoup d’athlètes des Jeux mondiaux militaires qui ont été très malades. On a eu un contact avec le médecin militaire récemment qui nous a dit : 'je pense que vous l’avez eu parce qu’il y a beaucoup de gens de cette délégation qui ont été malades'.”
Et selon une étude de la Harvard Medical School en attente de révision, le SARS-CoV-2 circulerait à Wuhan depuis plus longtemps encore. Les chercheurs se sont basés sur deux indicateurs pour faire ces observations. D'abord, les tendances de recherche sur internet : des mots-clés associés au coronavirus étaient recherchés depuis août 2019. Ensuite, les images satellites des parkings de plusieurs hôpitaux de Wuhan, qui montrent une hausse de fréquentation à la fin de l'été et au début de l'automne 2019 comparée à la même période en 2018. Si ces données ne permettent pas de confirmer l'hypothèse, les chercheurs s'accordent à dire qu'elles la soutiennent fortement.
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