Projet de loi santé : les députés assouplissent la loi Evin
Mardi 24 novembre, l’Assemblée nationale a assoupli la loi Evin en votant un article qui vise à distinguer la publicité sur l’alcool de l’information œnologique. Ce vote va à l’encontre de la position de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, dans la lutte contre les maladies liées à l’alcool.
Les députés ont approuvé par 102 voix contre 29, l’article inscrit dans le projet de loi santé (voté en deuxième lecture) qui vise à faire une différence entre publicité sur l’alcool et information œnologique. En juin dernier, un amendement similaire avait été rajouté par le Sénat dans la loi Macron et adopté par l’Assemblée nationale.
L’alcoolisme reste un enjeu majeur de santé publique
Problème, cet assouplissement de la loi Evin qui encadre la consommation d’alcool en France, va à l’encontre de la position de Marisol Touraine sur la lutte contre l’alcoolisme. Selon elle, cet article va permettre de “déverrouiller la publicité“ sur l’alcool, entraînant une “modification profonde de l’équilibre“ de la loi Evin. La ministre a également rappelé que l’alcoolisme constituait “enjeu majeur de santé publique“ puisqu’il est à l’origine de “48 000 morts par an“.
Un amendement visant à supprimer cet article et un autre destiné à préciser dans cet article que les publicités ne devaient pas diffuser des messages incitant à la consommation d’alcool n’ont quant à eux pas été adoptés par l’Assemblée.
Un amendement pour “promouvoir les zones de production“ viticole
Les députés qui ont défendu cet article ont voulu “clarifier“ la loi Evin qui, selon eux, nuit à l’activité viticole en France. Ainsi, la députée Catherine Quéré, viticultrice de profession, a affirmé que cet article visait à “promouvoir les zones de production“ de vin et “ne mettait pas à mal la loi Evin et la lutte contre l’alcoolisme“.
Les associations de santé publique en colère
Du côté des associations de santé publique, la colère gronde. Dans une lettre ouverte adressée à François Hollande quelques jours avant le vote, l’association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA) et d’autres associations avaient alerté le Président sur les risques liés à l’adoption d’un tel article. “Leur objectif (celui des députés qui ont voté pour) est clair à défaut d'être assumé publiquement : faire boire davantage d'alcool à la jeunesse en envahissant de publicité indirecte la télévision, le cinéma et tous les autres écrans, via Internet et les réseaux sociaux. Et le tout, sous le prétexte fallacieux de défendre et promouvoir ainsi le patrimoine et les paysages viticoles“, écrivent-ils.
La loi Evin permet déjà “une large publicité“ de l’alcool
Parmi les députés opposés à cet amendement, la députée bordelaise Michèle Delaunay a, quant à elle, dénoncé dans un communiqué “des intérêts commerciaux qui ont contrecarrés les efforts pour lutter contre les dégâts sanitaires et sociaux des addictions de toutes sortes, alors même que la loi Évin, parfaitement équilibrée, permet déjà une large publicité que chacun peut constater tous les jours, sur les affiches dans les journaux et les magazines, comme dans nos boîtes aux lettres“.
Annabelle Iglesias
Sources :
- Assemblée nationale
- “Loi Evin : ouvrir les vannes de la publicité ou protéger la jeunesse, vous devez choisir !“, lettre ouverte au Président de la République, Association nationale de prévention en alcoologie et addicotlogie (ANPAA), 13 novembre 2015.
- “Loi Evin : un vote inutile, dommageable et décrédibilisant“, communiqué de presse de Michèle Delaunay, 25 novembre 2015.