Sida : des patients traités très précocement contrôlent leur infection
Une petite fille américaine et 14 adultes en France sont parvenus à contrôler l'infection du sida malgré l'arrêt des médicaments après la mise en place d'une thérapie très précoce. Ces résultats pourraient offrir demain d'autres armes pour contrôler l'infection.
Quel est l'impact d'un traitement ultra-précoce ?
Des patients contaminés en France par le virus du sida (VIH) et mis rapidement sous antirétroviraux (10 semaines après l'infection) et pendant trois ans, continuent sept ans et demi après avoir cessé de prendre ces médicaments de contenir naturellement leur infection.
Ces chercheurs français avaient révélé les résultats de cette étude basée sur le suivi de la cohorte dite de Visconti en juillet dernier à Washington à la conférence internationale sur le sida1. Dans la revue américaine PloS Pathogens2, il donne davantage de détails sur ces “guérisons“. Certains de ces patients, expliquent-ils, ont vu diminuer le nombre de cellules infectées circulant dans leur sang ces quatre dernières années malgré l'absence d'antirétroviraux. Ces cellules contaminées “dormantes“ relancent l'infection chez la plupart des personnes séropositives quelques semaines après l'arrêt des antirétroviraux.
Cette annonce fait écho à celle des virologues américains qui avaient annoncé la guérison apparente d'une petite fille contaminée à la naissance avec le VIH transmis par sa mère séropositive non traitée. Il s'agit du premier enfant connu capable de contrôler son infection sans traitement, bien que le recul reste encore limité. Comme pour les patients du groupe de Visconti, le virus n'a pas été totalement éradiqué mais sa présence est tellement faible que le système immunitaire de l'organisme peut le contrôler sans thérapie anti-virale.
La jeune enfant avait reçu des antirétroviraux moins de 30 heures après sa naissance, soit beaucoup plus tôt que ce qui est normalement fait pour les nouveaux-nés à haut risque d'être contaminés. Elle a été traitée jusqu'à 18 mois, âge à partir duquel les médecins ont perdu sa trace pendant dix mois et durant lesquels elle n'a eu aucun traitement.
Aucun des tests sanguins effectués ensuite n'a détecté la présence du VIH. Seules des traces du virus ont été détectées par des analyses génétiques mais pas suffisantes pour sa réplication. Dans le cas des patients de Visconti, la présence virale reste indécelable.
Un profil différent des “contrôleurs naturels“
“Le traitement précoce a probablement contenu les réservoirs viraux, et préservé les réponses immunitaires, combinaison qui a certainement pu favoriser le contrôle de l'infection après l'arrêt du traitement“, explique le Pr Christine Rouzioux, de l'hôpital Necker à Paris qui a coordonné la recherche.
Comme dans le cas de l'enfant, la mise sous traitement antirétroviral très tôt n'a pas permis de savoir si les patients de Visconti n'auraient pas contrôlé spontanément leur infection. Moins d'un pourcent de la population dit de “contrôleurs naturels“ peut contenir le VIH sans jamais prendre d'antirétroviraux. Mais selon l'ANRS, les 14 patients français n'avaient pas le profil génétique ni le même type de réponses immunitaires observées chez ces “contrôleurs“. “Par ailleurs, alors que chez les contrôleurs du VIH le contrôle viral est observé dès la primo-infection, la plupart des patients VISCONTI était fortement symptomatiques durant cette période avec une quantité de virus dans le sang élevée, comparable à celle des patients qui ne contrôlent pas l’infection à l’arrêt du traitement“, affirme le Dr Sáez-Cirión.
Vers de nouveaux traitements ?
Ces cas “offrent un espoir de découvrir de nouveaux mécanismes permettant de contrôler l'infection“, a-t-il dit à l'AFP dans un entretien téléphonique. Pour tenter de faire avancer cette recherche, l'Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) va coordonner dans les prochain mois un groupe plus étendu de patients similaires à ceux de Visconti.
“Les travaux actuels visent à comprendre pourquoi une fraction seulement des patients traités en primo-infection sont capables de contrôler leur infection après arrêt des médicaments et quels sont les mécanismes en jeu. Une cohorte européenne de patients “contrôleurs après traitement“ coordonnée par l’ANRS débutera dans les prochains mois“ indique le Pr. Jean-François Delfraissy, Directeur de l’ANRS
La seule guérison complète officielle du sida reconnue au monde est celle de l'Américain Timothy Brown, dit le patient de Berlin.
Il a été déclaré guéri après une greffe de moelle osseuse d'un donneur présentant une mutation génétique rare empêchant le virus de pénétrer dans les cellules. Cette greffe visait à traiter une leucémie.
David Bême
Sources :
AFP/Relaxnews
1 - Distribution of the HIV reservoir in patients spontaneously controlling HIV infection after treatment interruption. IAS 2012 Abstract Numeber 16010 (A30) - 26 juillet (abstract accessible en ligne)
2 - Post-treatment HIV-1 controllers with a long-term virological remission after the interruption of early initiated antiretroviral therapy. ANRS VISCONTI study. - Saez-Cirion et al - PLoS Pathog 9(3): e1003211. doi:10.1371/journal.ppat.1003211 (étude accessible en ligne)