Une gibbosité, késaco ?

Publié le  , mis à jour le 
en collaboration avec Sébastien Pesenti (chirurgien orthopédiste et traumatologue)

Une gibbosité est un terme dérivé du latin qui désigne une bosse sur un côté du dos. Quelles en sont les causes ? Comment prendre en charge une personne qui présente une gibbosité ? Peut-on prévenir cette déformation du dos ? Le Pr Sébastien Pesenti, chirurgien orthopédiste et traumatologue à l’hôpital d’Enfants de la Timone à Marseille (AP-HM), nous répond.

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Qu’est-ce qu’une gibbosité ?

Définition d'une gibbosité

Une gibbosité est une bosse qui apparaît d’un côté du dos. Cette déformation anatomique traduit une surélévation d’une des côtes et de la paroi thoracique par rapport à la ligne médiane, explique le Pr Sébastien Pesenti. 

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La gibbosité peut-elle être lombaire ?

Cette difformité survient généralement au niveau de la colonne thoracique, mais elle peut exister au niveau lombaire, poursuit le chirurgien orthopédiste. "Dans ce cas, la gibbosité n’est pas due à une rotation des côtes mais à une rotation des masses musculaires".

Bosse ou gibbosité dorsale ?

"La gibbosité ne s’apparente pas à un dos voûté qui résulte généralement d’une cyphose", précise le spécialiste. "Il existe une asymétrie car la bosse n’est présente que d’un côté du dos par rapport à la colonne vertébrale".

Quelles sont les causes d’une gibbosité ?

C’est une déformation de la colonne vertébrale dans les trois plans de l’espace qui entraîne la formation d’une gibbosité : "Une gibbosité résulte d’une rotation des côtes, laquelle est elle-même due à une rotation des vertèbres sur lesquelles les côtes sont insérées", explique le Pr Pesenti.

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La scoliose, principale cause de gibbosité thoracique

La scoliose représente la principale cause de gibbosité. "Il n’y a pas de gibbosité sans scoliose, pas plus qu’il n’y a de scoliose sans gibbosité", affirme le chirurgien orthopédiste. Et ce dernier de préciser : "La scoliose est la déformation la plus fréquente de l’enfant ; elle touche entre 2 et 3 % de la population pédiatrique. Dans la grande majorité des cas, elle débute à l’adolescence, lors du pic de croissance pubertaire. Mais il peut arriver, dans de rares cas, que la scoliose débute plus précocement".

À l’adolescence, on distingue deux types de scoliose, poursuit le médecin :

  • Les scolioses idiopathiques, les plus fréquentes (70 % des cas). Si, par définition, on ignore les causes des scolioses idiopathiques, les nombreux travaux menés sur le sujet suggèrent qu’il existe un terrain familial, et même maternel puisque les ¾ des personnes touchées sont des jeunes filles ;
  • Les scolioses secondaires (30 % des cas), quant à elles, peuvent résulter d’une malformation vertébrale (une hémi-vertèbre par exemple), avoir une origine neurologique (comme une infirmité motrice cérébrale) ou faire partie des scolioses syndromiques (comme les pathologies du collagène qui entraînent la formation de tissus mous trop laxes).
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Chez l’adulte, la scoliose peut correspondre à l’aggravation d’une scoliose déjà présente à l’adolescence en raison d'une ostéoporose, ou à une scoliose dégénérative résultant de discopathies asymétriques entraînant une rotation de la colonne puis une gibbosité.

Qui peut présenter une déformation de la colonne vertébrale ?

Même si aucune anomalie génétique n’a été identifiée dans la scoliose, cette déformation de la colonne vertébrale est assurément génétique, affirme le Pr Pesenti. "La scoliose n’est absolument pas liée à une mauvaise posture, tout comme une mauvaise posture n’entraîne pas de déformation de la colonne ni la formation d’une gibbosité. Le port d’un cartable trop lourd ou sur une seule épaule n’est pas davantage en cause. La scoliose vertébrale est génétique et si l’on ne possède pas la ou les anomalies génétiques (non encore identifiées) qui entraînent une scoliose, on ne développera pas cette pathologie". C’est pourquoi, ajoute le spécialiste, il est essentiel de dépister une scoliose chez un adolescent dont un parent a souffert de scoliose ainsi que dans la fratrie d’un enfant atteint, afin de proposer rapidement une prise en charge adaptée.

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Quelle différence avec l'attitude scoliotique ?

L'attitude scoliotique n'est pas due à une déformation de la colonne mais à l'adoption d'une mauvaise posture pour diverses raisons. À la différence d'une scoliose, une attitude scoliotique n'entraîne pas de gibbosité.

Quelles sont les conséquences d'une gibbosité ?

L’aspect inesthétique de la gibbosité lorsque celle-ci est prononcée peut entraîner une baisse de l’estime de soi.

La gibbosité, en soi, n’est pas douloureuse ; si elle est très prononcée cependant, avec le tronc nettement décalé sur le côté, elle peut entraîner une modification des appuis et provoquer un déséquilibre de la marche, mais surtout induire des douleurs musculaires.

"Une scoliose avec un angle de déformation de 15 à 20° n’a pas réellement de conséquences sur le plan physique. En revanche, une scoliose de plus de 40 ou 50° à l’adolescence entraîne un risque majeur d’aggravation tout au long de la vie. Or, au-delà de 70°, la scoliose peut entraîner des problèmes respiratoires car la colonne vertébrale pénètre dans la cage thoracique et gêne les poumons (souvent le droit), jusqu’à provoquer une insuffisance respiratoire".

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Comment diagnostiquer et mesurer une gibbosité ?

D’après la Société Française de Pédiatrie, le diagnostic d’une gibbosité est essentiellement clinique : "le médecin demande au patient de se pencher vers l’avant en gardant les mains jointes afin d’apprécier l’existence et l’importance de la gibbosité. Celle-ci peut être quantifiée à l’aide d’un scoliomètre, qui mesure la dénivellation qu’elle occasionne. Le reste de l’examen du rachis s’attache à évaluer :

  • de face, l’équilibre des épaules, l’asymétrie des plis de la taille et l’équilibre global du tronc ;

Comment traiter une gibbosité ?

Il n'existe pas, à proprement parler, de traitement capable de "guérir" ou faire disparaître une gibbosité. En revanche, il existe des traitements capables de freiner l'évolution de la scoliose, comme le port d'un corset, ou, dans les cas plus graves, d'atténuer la gibbosité via une intervention chirurgicale.

Le corset, seul traitement efficace de la gibbosité

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À l’adolescence, le port d’un corset est le seul traitement efficace dans la prise en charge des patients souffrant de scoliose. Fabriqué sur-mesure par un orthoprothésiste, le corset doit être porté au moins 10 à 12 heures par 24 heures (le soir et la nuit idéalement), souligne le médecin. "L’objectif, avec le corset, est de stabiliser la scoliose en empêchant l’aggravation de la déformation de la colonne, pas de réduire la déformation déjà là. Dans cette optique, le corset est la seule approche thérapeutique efficace".

Chez un adolescent porteur d’un corset, une surveillance régulière doit être mise en place : consultation médicale et radiographie tous les six mois pour surveiller l’évolution et apprécier l’efficacité du traitement.

L’opération chirurgicale, l’arthrodèse vertébrale

En cas d'échec thérapeutique du corset ou si la scoliose est supérieure à 45°, une intervention de chirurgie doit être envisagée. "Mais pas à n’importe quel âge", met en garde le Dr Pesenti. "Il faut faire très attention à ne pas annuler la croissance de l’enfant en intervenant trop précocement. On n’intervient pas avant l’âge de 10 ans chez une fille et 12 ans chez un garçon. Idéalement, on attend la fin de la période de croissance, soit 11 à 13 ans chez une fille et 13 à 15 ans chez un garçon".

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Le "gold standard" de l’opération chirurgicale de la scoliose est l’arthrodèse vertébrale : elle consiste à insérer des implants dans les vertèbres, fixés par une tige, de façon à faire fusionner les vertèbres entre elles pour empêcher leur rotation. "On apporte une correction de la colonne vertébrale dans les trois plans de l’espace afin d’améliorer l’aspect de la gibbosité. C’est une opération qui donne de bons résultats", assure le spécialiste. Toute la difficulté pour le chirurgien est de décider combien de vertèbres doivent être bloquées pour obtenir les résultats escomptés tout en conservant la mobilité et la souplesse du tronc. "Dans les études, il est possible de fusionner les vertèbres jusqu’à la vertèbre L4 ; dans la "vraie vie", on a tendance à ne pas opérer au-delà de L1 et les résultats fonctionnels sont plutôt bons. Dans tous les cas, il est impératif de ne pas fusionner les deux dernières vertèbres lombaires L4 et L5, ni la première vertèbre du sacrum (S1) avec L5".

D’après les études, jusqu’à 40 ans après l’intervention, la qualité de vie des patients opérés est similaire à celle de la population générale.

En France, entre 5 et 10 % des patients atteints de scoliose sont opérés.

Le sport, indispensable

Si le sport n’atténue pas l’aspect visuel de la gibbosité, sa pratique est cependant indispensable pour renforcer les muscles paravertébraux et soutenir la colonne vertébrale, indique le Pr Pesenti. 

Peut-on prévenir une gibbosité ?

Le seul moyen de prévenir le développement d’une gibbosité est de dépister, avant le pic de croissance pubertaire, l’existence d’une scoliose. Car plus la colonne grandit rapidement, plus le risque qu’elle se déforme est important. "Chez des patients programmés génétiquement pour développer une scoliose et donc une gibbosité, une croissance rapide de la colonne vertébrale, de 10 à 15 cm en un an, peut entraîner une aggravation spectaculaire d’une petite scoliose passée inaperçue pendant l’enfance. C’est pourquoi le médecin de famille doit être particulièrement vigilant lors des examens cliniques de ses jeunes patients et ne pas hésiter à l’orienter vers un spécialiste si besoin".


Sources
  • Entretien avec le Pr Sébastien Pesenti, chirurgien orthopédiste et traumatologue à l’hôpital d’Enfants de la Timone à Marseille (AP-HM).
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