Vers une pilule pour homme ? Un composé non hormonal ouvre la voie à une contraception masculine efficace
L’idée d’une pilule contraceptive pour homme n'est pas nouvelle mais elle a été jusqu'alors limitée par des effets secondaires problématiques. Aujourd'hui, une équipe de l'Institut Salk a découvert une nouvelle molécule non hormonale associant efficacité, absence d'effets secondaires et réversibilité.
L’idée d’une contraception partagée entre hommes et femmes est un thème qui revient régulièrement dans la recherche et la discussion de couple. Des enquêtes montrent par ailleurs que la plupart des hommes aux États-Unis ne seraient pas réticents à utiliser des contraceptifs masculins, mais leurs options à ce jour restent limitées à des préservatifs ou à des vasectomies invasives. Les multiples tentatives récentes visant à développer des médicaments bloquant la production des spermatozoïdes ont eu un succès limité, offrant une protection incomplète et des effets secondaires graves. Mais une nouvelle étude pourrait bien faire avancer le sujet.
La production de spermatozoïdes, un phénomène complexe
L’étude, publiée dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) le 20 février, implique un nouveau complexe protéique dans la régulation de l’expression des gènes lors de la production de spermatozoïdes. Voici comment.
Tous les jours, les cellules souches des spermatozoïdes dans les testicules sont produites, jusqu’à ce qu’un signal leur indique qu’il est temps de se transformer en spermatozoïdes, ce qu’on appelle la spermatogenèse. Ce signal se présente sous la forme d'acide rétinoïque, un produit de la vitamine A. Les impulsions d'acide rétinoïque se lient aux récepteurs de l'acide rétinoïque dans les cellules, et lorsque le système est parfaitement aligné, cela déclenche un programme génétique qui transforme les cellules souches en sperme mature.
Les scientifiques ont découvert que pour que cela fonctionne, les récepteurs de l'acide rétinoïque doivent se lier à une protéine appelée SMRT (médiateur silencieux des récepteurs des rétinoïdes et des hormones thyroïdiennes). SMRT recrute ensuite des enzymes HDAC, et ce complexe de protéines synchronise ensuite l'expression des gènes qui produisent les spermatozoïdes.
Moduler le process, et non le stopper, la clé d’un traitement réversible
Précédemment, des équipes ont tenté d'arrêter la production de spermatozoïdes en bloquant directement l'acide rétinoïque ou son récepteur. Mais l’acide rétinoïque est important pour plusieurs systèmes organiques. Son interruption dans tout le corps peut entraîner divers effets secondaires – une raison pour laquelle de nombreuses études et essais antérieurs n’ont pas réussi à produire un médicament viable.
L'équipe de chercheurs de l’institut Salk s'est plutôt demandée si elle pouvait moduler l'une des molécules en aval de l'acide rétinoïque pour produire un effet plus ciblé. Les chercheurs ont d’abord examiné une lignée de souris génétiquement modifiées précédemment développées en laboratoire, dans lesquelles la protéine SMRT était mutée et ne pouvait plus se lier aux récepteurs de l’acide rétinoïque. Sans cette interaction SMRT-récepteur de l’acide rétinoïque, les souris n’étaient pas capables de produire des spermatozoïdes matures. Cependant, ils affichaient des niveaux de testostérone normaux et un comportement croissant, ce qui indique que leur désir de s'accoupler n'était pas affecté.
Des souris mâles peu affectées par ce nouveau traitement
Pour voir s'ils pouvaient reproduire ces résultats génétiques avec une intervention pharmacologique, les chercheurs ont traité des souris normales avec le MS-275, un inhibiteur oral de l'HDAC. En bloquant l’activité du complexe SMRT-récepteur de l’acide rétinoïque-HDAC, le médicament a réussi à arrêter la production de spermatozoïdes sans produire d’effets secondaires évidents. Une autre chose remarquable s’est également produite une fois le traitement arrêté : dans les 60 jours suivant l’arrêt de la pilule, la fertilité des animaux était complètement rétablie et tous les descendants suivants étaient en bonne santé sur le plan du développement.
"Lorsque nous ajoutons le médicament, les cellules souches ne sont plus synchronisées avec les impulsions de l'acide rétinoïque et la production de spermatozoïdes est interrompue. Mais dès que nous retirons le médicament, les cellules souches peuvent rétablir leur coordination avec l'acide rétinoïque et la production de spermatozoïdes va recommencer”. Les auteurs affirment que le médicament n’endommage pas les cellules souches du sperme ni leur intégrité génomique.
“Cela en fait une approche thérapeutique prometteuse, que nous espérons voir bientôt développée pour des essais cliniques sur l’homme” conclut l’équipe. Affaire à suivre.