Criminalité sexuelle : la castration chimique en débat à l'Assemblée
Une nouvelle loi sur la récidive doit être examinée à l'Assemblée à partir d'aujourd'hui, suite à un fait divers récent qui a permis d'engager une procédure législative accélérée. Les nouvelles mesures prévues concernent la castration chimique, mais aussi l'éloignement des condamnés et le renforcement de la surveillance judiciaire.
Début 2008, une loi sur la récidive a été partiellement censurée par le Conseil Constitutionnel, car elle comportait une possibilité de rétention de sûreté sans limite de temps pour les condamnés les plus dangereux (la prison après la prison). Cette mesure avait été jugée inapplicable aux prisonniers déjà condamnés et ne pourra donc entrer en oeuvre que dans 15 ans, au grand dam du gouvernement.
Mais un fait divers particulièrement sordide (le viol et l'assassinat d'une joggeuse à Fontainebleau par un récidiviste fin septembre) a illustré à nouveau le problème du manque de suivi actuel de ces criminels. Cette fois-ci, le débat médiatique s'est rapidement centré sur la castration, volontaire ou non, des violeurs.
Le gouvernement a donc engagé une procédure accélérée sur un nouveau projet de loi, en discussion au Parlement cet après-midi. La ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, a préconisé le 3 novembre en Commission des Lois d' “amoindrir le risque de récidive en matière criminelle“ en “renforçant le suivi médico-judiciaire des délinquants et criminels sexuels, en assurant le contrôle et la surveillance effectifs des criminels après leur libération et en garantissant une meilleure protection des victimes“.
En conséquence, selon les nouveaux articles de cette loi présentés sur le site de l'Assemblée Nationale, l'incitation à accepter un traitement anti-libido (“castration chimique“) devra être renforcée, avec l'obligation d'un signalement par le médecin traitant d'un refus ou d'une interruption de traitement. Il n'est néanmoins pas prévu que cette castration soit imposée, comme demandé par le député UMP Yves Nicolin. De même, la castration physique, évoquée fin octobre, ne devrait pas faire partie de cette loi.
Parmi les autres mesures proposées aux députés, le renforcement de la surveillance après la prison : placement sous surveillance judiciaire après une condamnation de 7 ans de prisons (contre 10 actuellement), placement sous surveillance de sûreté après une condamnation de 10 ans de prison (contre 15 actuellement), et renforcement des mesures d'éloignement du criminel des lieux de vie de ses victimes.
Ces mesures, si elles sont votées, majoreront donc les possibilités de suivi médical et judiciaire à la sortie de prison des condamnés pour crimes sexuels. Mais comment améliorer le suivi psychiatrique nécessaire de ces personnes après leur sortie, alors que la France manque chroniquement de psychiatres et de structures adaptées ? Quid de la prévention de la récidive lors du séjour en prison ? Enfin, comme l'évoquait le député socialiste Jean-Marie Le Guen en octobre, la prévention de la récidive ne passe-t-elle pas également par une meilleure détection en amont des troubles, avant que le problème psychiatrique ne se soit installé et risque de décompenser, sous la forme d'un crime sexuel ?
Autant de questions auxquelles cette loi risque de ne pas répondre, la psychiatrie ne disposant toujours pas de moyens suffisants pour assurer toutes ses missions. Comme le soulignait le Pr Marion Leboyer en septembre, la psychiatrie reste depuis 60 ans le parent pauvre des disciplines médicales et mériterait une vraie réforme, certes annoncée par la Ministre de la Santé pour 2009 mais qui n'a toujours pas vu le jour.
Jean-Philippe Rivière
Sources : “Droit pénal : risque de récidive criminelle“, assembleenationale.fr, novembre 2009, accessible en ligne
Photos : © WITT/SIPA (Mme Alliot-Marie à l'Assemblée) et © BAZIZ CHIBANE/SIPA (bracelet électronique)