“L'envoi de nudes est une dérive dangereuse pour les jeunes” (Sabrina Philippe, psychologue)
À l’ère de l’hyper-connexion numérique, l’envoi de nudes (ces photos dénudées ou complètement nues prises avec un smartphone) fait partie des nouvelles pratiques sexuelles, notamment chez les jeunes. Une étude franco-belge révèle l'ampleur de ce phénomène.
Les chercheurs ont interrogé 10 700 participants français et belges francophones, âgés de 13 à 25 ans (7545 femmes et 3155 hommes). Le recrutement s’est réalisé principalement en ligne sur les réseaux sociaux. Les résultats de l’étude ont été publiés sur ScienceDirect.
Un usage largement répandu mais problématique
Les échanges de photos et vidéos sont apparus largement répandus chez les jeunes interrogés, puisque 74,5% des jeunes interrogés en ont déjà envoyé.
Elle découle souvent - et heureusement - de leur propre initiative : c’est le cas pour 82,76% d’entre eux.
Mais parfois, la demande vient du partenaire, ce qui peut poser problème. Ils sont 64,07% à avoir déjà eu une demande d’envoi de nudes de la part de leur partenaire.
“L’envoi de nudes est clairement problématique puisque bon nombre de jeunes sont pseudo-volontaires lorsque c'est l’autre qui est demandeur. Ils peuvent ainsi subir une pression ou du chantage. Et s’ils ne répondent pas à la demande, ils peuvent se voir critiquer ou attaquer : la dérive est là”, commente Sabrina Philippe, psychologue.
Le fléau du revenge porn
La deuxième dérive dans l’envoi des nudes “est que nous ne savons pas à quelles fins ils vont être utilisés, nous vivons dans une société où l’image ne peut pas être contrôlée”, explique Sabrina Philippe. “Il arrive assez souvent qu’ils circulent lorsqu’il y a une rupture amoureuse ou une volonté vindicative” : c’est ce qu’on appelle du revenge porn.
Selon l’étude, les jeunes victimes ne sollicitent que peu l’aide d’un adulte. Ils sont encore moins à solliciter les forces de l’ordre puisqu’ils sont seulement 7,95 % à avoir déposé une plainte.
“Et même si le nude n’est pas publié, il peut y avoir une menace de publication : il y a quelque chose d’extrêmement pervers là-dedans. Nous sommes quasiment sur du viol d’images”, reprend la psychologue.
Une appréciation positive des nudes qui s’intègre dans la dictature de l’image
L’étude rapporte que les jeunes ont une appréciation de cette pratique, qui est intégrée à leur sexualité, “majoritairement positive”.
Comment l’envoi de nudes peut-il être si bien vu par les jeunes alors qu’ils sont parfois forcés à le faire ? “Parce que nous vivons dans une dictature de l’image et des réseaux sociaux, où ce que l’on montre est plus important que ce que l’on vit”, explique Sabrina Philippe.
L’appréciation positive des jeunes “colle également à la démocratisation de la pornographie, aujourd’hui accessible à toutes et tous”, constate la psychologue.