Durant les heures menant à sa venue au monde, le fœtus dort, puis connaît une brusque montée de stress... La douleur, parfois, s’invite aussi dans ce processus. Doctissimo fait le point sur les connaissances actuelles concernant ses sensations.
De la souffrance au pur bonheur, l'accouchement vous fait passer par différentes phases. Mais lors de cette expérience intense, que vit l’autre protagoniste, votre enfant ? "Il n’existe pas vraiment d’études sur le ressenti, regrette Sandra Brancato, pédiatre. Celles que l’on retrouve concernent surtout l’inconfort et la douleur du nouveau-né lors de gestes difficiles. D’ailleurs, nous n’avons pas de raison d’embêter un enfant qui va bien !", indique-t-elle.
Du début du travail à l’expulsion, les différentes sensations du fœtus
On dispose de quelques informations, toutefois.En premier lieu, si votre accouchement se déroule normalement, votre enfant continue de vivre selon un cycle veille-sommeil. Quelle surprise de l'imaginer dormir ! Les contractions de l’utérus ne perturbent pas cette habitude pendant les heures de travail. Cela est visible par son rythme cardiaque. On peut donc en déduire que, pour lui, tout va pour le mieux. Il est sollicité, en revanche, pour l’expulsion, qui génère un stress. En effet, "on retrouve un taux d’adrénaline et de cortisol élevé à la naissance", reprend la spécialiste. Pas d’inquiétude, bébé a seulement besoin de votre amour pour le rassurer durant ses premiers instants de vie.
En revanche, dans le cas où des difficultés surviendraient pendant l’accouchement, vous entendrez peut-être le terme de "souffrance fœtale", désormais controversé. Il ne concerne pas la douleur, mais plutôt l’oxygénation. Il faut alors soit accélérer le travail, soit réaliser une césarienne en urgence. Selon le Dr Brancato, "si on se rapporte à ce qui peut se passer chez un adulte, on pense que le fœtus ressent davantage une angoisse qu'une douleur. Mais qu’est-ce qu’une angoisse pour lui ? Difficile de savoir s'il éprouve une réelle souffrance". Il est reconnu par les professionnels de la naissance, néanmoins, qu’une extraction par ventouse ou forceps cause à l’enfant de la douleur. Et que la césarienne lui crée un stress supplémentaire, en comparaison à un accouchement par voie basse.
Des échelles pour évaluer la souffrance du fœtus et du nouveau-né
Dans le ventre, au-delà du ressenti, le bien-être du bébé peut être évalué selon le score de Manning (du nom de son inventeur), lors d'une échographie. Il se base sur le rythme cardiaque fœtal, le tonus, la quantité de liquide amniotique, les mouvements respiratoires et globaux. Par ailleurs, chez un nouveau-né, l'EDIN (échelle de douleur et d’inconfort du nouveau-né) permet d'apprécier son état. "On regarde son visage, s'il est détendu, s'il est en crispation, s'il s'agite ou encore sa façon d'être réconforté", liste la pédiatre. Il existe aussi l’échelle DAN (douleur aiguë du nouveau-né).
"On retrouve souvent une corrélation, à la naissance, entre le score de Manning et l’adaptation du bébé". C’est une indication sur son ressenti. On peut calmer l’enfant qui souffre (ou qui a souffert) par l’utilisation de traitement analgésique ou de sucre, par de l’empathie, des stimulations sensorielles, du peau à peau...
Un traumatisme durable lié à la naissance ?
Derrière les chiffres donnés par les échelles, on trouve une inquiétude bien légitime des parents. Quel impact peut avoir cette expérience douloureuse dans le futur pour l’enfant ? Peut-on vraiment parler de traumatisme. "Là non plus, il n’existe pas réellement de données, explique le Dr Sandra Brancato. Des travaux de psychiatres et de psychologues essaient d’établir un lien entre le ressenti de la mère et, ensuite, comment se porte le bébé... mais les résultats demeurent compliqués à interpréter. Parfois, en maternité, l'accouchement s'est très bien passé et le bébé reste pourtant dans un état de colère, il pleure beaucoup. À l’inverse, pour des naissances avec des extractions douloureuses, les nouveau-nés vont bien". Tout peut encore se jouer après l’accouchement, si votre enfant bénéficie de conditions de vie qui compensent une naissance mouvementée.
Clémentine Delignières