Pour la punir, elle ôte la porte de sa chambre. Pourquoi est-il crucial de respecter l'intimité d'un enfant ?
Une mère américaine, excédée par le comportement de sa fille de 12 ans, a retiré la porte de sa chambre en guise de punition. Que faut-il en penser ? Est-ce une sanction appropriée ? Le point de vue du Dr Stéphane Clerget, pédopsychiatre.
L’histoire est racontée par une jeune femme sur le forum américain Reddit. Elle explique que sa sœur ne supporte plus le comportement de sa fille de 12 ans - trop rebelle à son goût - et que pour la punir, elle a retiré la porte de sa chambre.
Que faut-il penser d’une punition de ce type ? Quelles conséquences peut-elle avoir ? Les réponses du Dr Stéphane Clerget, pédopsychiatre et auteur de l’ouvrage Le cerveau médecin : ses extraordinaires pouvoirs de guérison aux éditions Leduc.
L’intimité, une notion qui s’apprend pendant l’enfance
Le Dr Clerget rappelle tout d’abord que l’intimité d’un enfant est une notion qui s’apprend dès la fin de la maternelle. "Vers l’âge de 5 ans, un enfant peut rester seul dans une pièce. C’est à ce moment-là qu’on commence à lui expliquer que sa porte pourra rester ouverte, fermée ou entrouverte" débute le médecin. "Généralement, les enfants n’aiment pas fermer la porte à cet âge, ils ont la sensation que cela les isole trop. Néanmoins, ils grandissent avec cette notion et apprennent qu’ils ont la possibilité d’avoir un espace individuel, qui leur est propre".
Apprendre à avoir son jardin secret
Cet apprentissage va en réalité plus loin. Au-delà du fait de pouvoir s’isoler, cette expérience montre à l’enfant qu’en grandissant, il n’est pas obligé de tout partager et qu’il a le droit d’avoir ses propres activités, ses propres pensées, ses affaires à lui… "Cela lui apprend à respecter sa propre intimité mais également celle des autres, aussi il ne se collera pas aux autres enfants, par exemple, pour savoir à tout prix ce qu’ils font" illustre le médecin.
Retirer la porte de la chambre, un comportement "agressif" pour le pédopsychiatre
Une fois ces bases posées, notre expert revient sur le cas de cette jeune fille. "Ce qu’a fait sa mère est agressif à mon sens" s’indigne-t-il. "A 12 ans, on a besoin d’une intimité, d’autant plus qu’à cet âge, le corps change avec l'adolescence et la notion de pudeur s’installe. On prend conscience progressivement de son corps".
Le risque, pour le médecin, est que cela crée un précédent et que cette jeune fille trouve cela normal. "Manquer de respect à l’intimité d’autrui – comme ici sa propre fille – c’est remettre en question les règles établies et risquer qu’à l’avenir, d’autre personnes -étrangères cette fois - le fassent aussi, sans que la jeune fille s'en indigne, car elle trouvera cela normal" conclut le médecin.
- Entretien avec le Dr Stéphane Clerget, le 9 septembre 2024
