L’araignée banane est-elle dangereuse ?

Publié le  , mis à jour le 
en collaboration avec Christine-Rollard (Enseignante-chercheuse, arachnologue au Muséum national d'Histoire naturelle)

Vivant sous les tropiques, celle que l’on surnomme communément "l’araignée banane" est impressionnante par sa taille. Qui est-elle ? Représente-elle un danger pour l’homme ? Que faire en cas de morsure ? Le point avec Christine Rollard, enseignante-chercheuse au Muséum national d'histoire naturelle de Paris, Docteur en biologie et spécialiste des araignées.

Devrait-on parler d'une ou des araignées bananes ? Où vit cette araignée ? Est-elle dangereuse pour l'homme ? Toutes les réponses avec Christine Rollard, spécialiste des araignées.

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L’araignée banane ou les araignées banane ?

Au moins trois espèces d’araignées sont principalement surnommées "araignée banane" car elles fréquentent régulièrement ces plantations sous les tropiques.

  • La plus commune est une Ctenidae appartenant au genre Phoneutria, qui vit au Brésil, Uruguay, Paraguay et Argentine : Phoneutria nigriventer.
  • Une autre espèce de Phoneutria est également régulièrement citée, Phoneutria boliviensis de Colombie et Costa Rica.
  • La troisième d’origine asiatique, Heteropoda venatoria, à large répartition pantropicale par introduction (présente dans toute l’Amérique, dans les îles du Pacifique, même en Europe et en Afrique) appartient à une autre famille, les Sparassidae. Elle est surnommée la babouckaux Antilles et à la Réunion.
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"On retrouve en particulier les Phoneutria dans les bananeraies, en partie du fait de la réduction par les humains de leur milieu naturel forestier pour y implanter ces plantations apparues après déforestation", explique Christine Rollard, enseignante-chercheuse au Muséum national d'histoire naturelle de Paris, Docteur en biologie et spécialiste des araignées.

Quelle taille fait l'araignée banane ?

Ces araignées ont une longueur de corps mesurant de 1 à 3 cm chez Heteropoda venatoria, et entre 2 et 5cm pour les Phoneutria. Avec l’envergure des pattes, la taille varie entre 10 et 15cm.

Il est parfois difficile de distinguer ces deux espèces pour des non spécialistes : elles sont de coloration assez uniforme marron même si la position des 8 yeux est différente et que la face ventrale est plus sombre chez la Phoneutria avec les deux premières paires de pattes annelées.

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"Contrairement à ce que l’on peut croire les araignées ne sont pas rugueuses ! tient à préciser la spécialiste. Ces araignées sont aussi soyeuses que toutes les autres espèces du Monde, leur corps étant recouvert de sortes de "poils" appelées plus précisément des soies".

Où vit l'araignée banane ? Que mangent-elles ?

"Ces araignées banane sont chasseuses nocturnes", nous indique Christine Rollard. "Dans la journée elles se reposent sous des feuilles, des débris, des troncs couchés et dans les régimes de bananes, ainsi que dans des angles de mur ou sous un meuble.... Elles ne font pas de toiles ni de loges de repos tout en produisant des fils pour d’autres usages".

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Phoneutria nigriventer préfère les endroits sombres humides des forêts tropicales mais peut parfois se trouver dans les jardins. Tout en étant également présente dans les habitats naturels tels les forêts, Heteropoda venatoria affectionne les environnements occupés par les humains, les habitations qui sont des endroits abrités. "Elle peut être visible sur une terrasse, sur un mur où elles chassent des geckos et des insectes", explique Christine Rollard.

Toutes les araignées sont carnivores et surtout insectivores mais elles se nourrissent aussi d’autres proies parmi les arthropodes dont des araignées de tailles variables (elles se mangent entre elles), voire même de petits vertébrés comme des lézards, des geckos, des micro-mammifères.

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Ces araignées sont dites errantes se déplaçant souvent en courant, parfois rapidement, pouvant faire aussi de petits bonds pour passer d’un support à un autre (sans être qualifiées d’araignées sauteuses).  Elles utilisent leur vitesse et leur capacité à se camoufler pour surprendre les proies, approche furtive où elles peuvent se cacher et attendre le bon moment pour attaquer.

Est-ce qu’une araignée banane peut se retrouver en France métropolitaine ?

Il est possible d’en apercevoir exceptionnellement mais seulement si elle a été transportée malencontreusement avec des marchandises. On peut donc en effet en trouver dans un régime de bananes, comme dans nos magasins bio par exemple. "Elle est au milieu bien cachée entre les bananes", décrit l’experte en araignées." Cela peut surprendre si on en trouve une mais cependant, je n’ai jamais vu de cas de morsure car si on n’y pose pas la main dessus, l’araignée n’agressera pas et vous ne serez pas mordu".

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Quels sont les effets de l’araignée banane ? Sa morsure est-elle dangereuse ? Est-ce que l'araignée banane est venimeuse ?

Phoneutria nigriventer possède un venin assez puissant pour tuer ses proies mais pas l’humain. Cette espèce a été qualifiée de façon exagérée de "potentiellement dangereuse" surtout à cause des douleurs suivant une morsure mais ces cas sont très rares. Elle mord à l’aide de deux crochets situés à l’extrémité de tiges mobiles (les chélicères), chacun des crochets possédant une ouverture subterminale par où s’écoule le venin.

"Encore faut-il être en contact physique avec ces araignées qui n’attaquent jamais l’humain", insiste la spécialiste. Les araignées dans leur ensemble (actuellement plus 52 200 espèces répertoriées dans le monde) ne cherchent jamais à attaquer un humain car elles ne le perçoivent pas. "Nous sommes un élément du décor en quelque sorte", explique l’experte. "Ce n’est que si on va vers elles en mettant la main dessus par exemple qu’elles peuvent nous perçoivent comme un danger potentiel, un prédateur. En général, elles fuient ce dérangement, ou elles font les mortes et se laissent tomber voire adoptent une position d’intimidation : elles lèvent les pattes avant, ouvrent leurs crochets et ce n’est vraiment que si elles sont coincées qu’elles vont mordre en réaction de défense. Sur l’humain elles peuvent aussi uniquement mordre sans injecter de venin car c’est une substance précieuse qui leur sert prioritairement à se nourrir en capturant leur proie".

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Et si néanmoins du venin est injecté, sa morsure peut être très douloureuse. Elle provoquerait parfois un priapisme marqué : une érection très prononcée, très douloureuse et assez longue. "A une certaine époque on a même essayé de trouver un nouveau viagra à base de toxine des venins de cette araignée. Mais le projet a été stoppé pour divers raisons à la fois techniques et économiques", indique Christine Rollard.

Que faire si l’on est mordu ? Quels symptômes ?

Le venin des araignées banane est dit neurotoxique c’est-à-dire qu’il agit surtout sur le système nerveux avec parfois de fortes douleurs musculaires.  Après morsure par une Phoneutria, la douleur peut être très intense quelques minutes principalement chez les enfants comme l’explique Christine Rollard dans l’un de ses articles (écrit en commun avec Cruveillier M.,et Célérier M.-L. (2019) - Des aranéismes dans le monde. Bulletin de l’Association Française d’Arachnologie, 3: 15-37).

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"Elle peut aller jusqu’à un choc avec certaines manifestations : agitation, nausées, hyper salivation, tremblements, spasmes musculaires, priapisme comme évoqué précédemment… Actuellement afin de lutter contre la douleur, des anesthésiques locaux et des analgésiques plus ou moins forts sont utilisés, tandis que le sérum antivenimeux n’est injecté que dans les cas graves qui concernent surtout les enfants. Un sérum antivenimeux (SAV) est fabriqué à l’Institut de Butantan à São Paulo au Brésil. Sur les quelques 2000 à 4000 cas de morsures signalées chaque année au Brésil, seuls 0,5% seraient sévères concernant plutôt des enfants de moins de 10 ans ou des adultes de plus de soixante-dix ans" précise notre experte.

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 La symptomatologie médicale d’une morsure due à Heteropoda (pratiquement inexistante) est très atténuée par rapport à celle constatée pour Phoneutria.

"D’une manière générale dans les deux aranéismes, un traitement local de désinfection (lavage et nettoyage de la zone mordue à l’eau et au savon neutre) ainsi que l’application d’une poche à glace (évitement de la propagation éventuelle de venin) peuvent être préconisés", continue l’experte. "Puis des antidouleurs (antalgiques et éventuellement d’antihistaminiques légers) si nécessaire, et consultation d’un service médical approprié en cas de besoin. Dans la majorité des cas, tout rentre dans l’ordre au bout de quelques heures voire quelques jours sans hospitalisation".

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Quelle est l'araignée la plus venimeuse monde ? Quel est l'araignée la plus dangereuse pour l'homme ?

"Aucune araignée n’est mortelle dans le monde même si entre 0 et une quinzaine de décès peut être mentionnée par an mais uniquement par réaction individuelle liée à l’âge ou au système immunitaire déjà fragile de la personne envenimée" tient à signaler Christine Rollard. "On ne peut faire une échelle de la dangerosité selon les espèces d’araignées qui possèdent toutes un venin différent ; il n’y a donc pas véritablement de plus dangereuse ! Au final, peu d’aranéismes sont d’importance médicale !".

Citons néanmoins quelques groupes d’espèces qui ont la capacité physique de mordre les humains et dont la toxicité du venin a pu entraîner des réactions plus ou moins marquées.

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Les veuves noires

De sont des petites araignées de la famille des Theridiidae du genre Latrodectus avec plus de 30 espèces dans tous les pays du monde. "Dans ce genre d’araignées à toile en réseau, ce sont les femelles (autour de 1 cm de longueur) dont les morsures peuvent entraîner les complications les plus sérieuses avec quelques cas de décès enregistrés", cite Christine Rollard dans son article. "Les mâles étant en général de taille deux fois inférieure à celle des femelles sont donc peu susceptibles de percer la peau humaine. L’espèce sud-européenne présente en France, L. tredecimguttatus, surnommée la malmignatte en Corse, n’a provoqué aucun décès. Elle fréquente plutôt les habitats secs, les dunes dans la végétation basse. Les espèces américaines sont les plus souvent citées dans les envenimations, L. mactans, L. hesperus et L. variolus car elles peuvent aussi se retrouver dans les habitations.

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Une morsure par Latrodectus (latrodectisme) n’est pas immédiatement douloureuse et peut ne pas être perçue sur le moment. Les douleurs apparaissent progressivement, de 1 à 30 minutes après la morsure, d’abord locales puis s’étendant à l’ensemble du corps dans les deux tiers des cas. Les douleurs durent 1 à 2 jours ainsi que la transpiration dans 70% des cas et les autres symptômes s’ils se manifestent (nausées, augmentation de température…), 1 à 4 jours. Si nécessaire, un traitement symptomatique est recommandé. Le venin des Latrodectus est neurotoxique et tuer des micro-mammifères mais les morsures humaines sont néanmoins très rares.

L’alpha-latrotoxine est la toxine responsable des troubles. Un sérum antivenimeux spécifique fabriqué actuellement uniquement en Argentine et en Australie (dualité fonctionnelle, fragment Fab) peut être administré par voie intraveineuse, mais reste peu disponible. Néanmoins, sans traitement, l’évolution est favorable en une à trois semaines dans la majorité des cas, avec seulement parfois une asthénie accompagnée ou non d’un état dépressif durant plusieurs semaines".

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Les araignées du genre Loxosceles(famille des Sicariidae)

Plus de 130 espèces sont présentes dans tous les continents mais assez inégalement réparties. Le plus grand nombre d’espèces, dont la longueur du corps se situe autour d’un centimètre, vit en Amérique. "Loxosceles rufescens (parfois appelée la "recluse méditerranéenne", ce qui peut conduire à confusion avec la "recluse brune" américaine, L. reclusa) présente dans plusieurs pays dont le Brésil et l’Australie, par exemple, est la seule espèce indigène d’Europe". Ces araignées tissent des toiles en réseau dans des habitats assez secs, en extérieur sous les pierres, les crevasses rocheuses mais aussi souvent dans et autour des maisons et des bâtiments. Cependant, et bien qu’à peine la moitié des espèces aient été jusque-là impliquées dans des cas avérés d’envenimation grave (loxoscélisme), il peut arriver que les conditions soient réunies pour qu’une morsure de Loxosceles se produise. Les complications les plus sévères sont le fait seulement de morsures de certaines espèces. Ce genre injectent un venin nécrosant (brûlure de la peau) à l’endroit de la morsure. "La réaction, une petite lésion nécrotique centrifuge, reste le plus souvent locale disparaissant en 2 ou 3 jours avec parfois une ulcération sous-jacente qui guérit sans complication en quelques semaines mais dans 10 % des cas les lésions sont plus marquées (syndrome dit "viscéral")", décrit la spécialiste. "Avant la morsure pouvait s’infecter ou se surinfecter avec amputation du membre mais aujourd’hui il y a une bonne prise en charge antiseptique sans aller nécessairement jusqu’à une intervention chirurgicale. La cicatrisation prend plusieurs mois. On les trouve aussi dans le sud (Marseille)".

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La toxine principale en cause est la sphingomyélinase D. Les venins des Loxosceles sont des mixtures complexes dont les effets ne sont pas encore complètement compris. Il existe un SAV monovalent à administrer par voie intraveineuse dont l’usage est encore débattu en raison de réactions allergiques possibles.

"Il faut peut-être insister sur l’absence complète de propension à mordre de ces petites araignées !", insiste la spécialiste.

Les mygales

Parmi les quelques 3600 mygales du monde, présentes sur tous les continents, certaines espèces de la famille des Atracidae endémiques du sud et de l’est de l’Australie sont parfois impliquées dans des morsures dont les mâles d’Atrax robustus (atraxisme) mais ils ne mordent jamais si on les laisse tranquilles. Cette espèce vit surtout dans la zone périurbaine de Sydney, souvent au voisinage des habitations, dans les jardins, où elle forme parfois de véritables colonies tissant des toiles en réseau très denses au sol. "Les occasions de rencontres avec les humains lesquels, contrairement à d’autres mammifères, sont particulièrement sensibles à leur venin, sont encore augmentées par le fait que les mâles sont très actifs en période de reproduction", souligne Christine Rollard.

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Le venin est neurotoxique. La toxine active est la robustoxine, à laquelle l’homme peut réagir intensément. Treize cas de décès furent attribués à l’Atrax entre 1927 et 1980, date à laquelle, grâce à un sérum antivenimeux, plus aucun décès n’a été enregistré.

Que faire si l’on trouve une araignée dans un régime de bananes chez soi ?

Cette situation n’a jusqu’à ce jour été réellement signalée qu’à peine à 5 reprises ! Il est donc inutile de paniquer ou d’utiliser un répulsif qui ne fonctionnera pas efficacement contre les araignées. Il faut juste tenter de capturer l’animal sans y mettre les mains en utilisant un récipient puis la faire parvenir à un service vétérinaire ou un expert pour détermination et maintien en captivité ou anesthésie.

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Et si on tentait la désensibilisation aux araignées ?

C’est le même principe que pour une désensibilisation à un allergène. "On avance pas à pas, par la connaissance avec une approche progressive de l’objet phobique", décrit Christine Rollard. "Sur une séance de 2 à 4 heures, on parle d’abord avec la personne arachnophobe, en lui demandant de définir ce qui la dérange, lui expliquant la diversité du monde des araignées, comment les différencier, quelles formes elles ont, leurs modes de vie.... Tout cela passe par des dessins, des photos, des peluches puis de vraies araignées mortes, conservées dans de l’alcool à observer soit sous loupe binoculaire soit directement. Puis au final et seulement si l’étape est nécessaire, il est proposé d’avoir une araignée vivante (espèce uniquement présente dans notre environnement habituel en France métropolitaine) se déplaçant sur la main". 

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Sources
  • Christine Rollard, enseignante-chercheuse au Muséum national d'histoire naturelle de Paris, Docteur en biologie et spécialiste des araignées.
  • Cruveillier M., Rollard C. & Célérier M.-L. (2019) - Des aranéismes dans le monde. Bulletin de l’Association Française d’Arachnologie, 3: 15-37 https://www.asfra.fr/Site/bulletins/Bulletin-AsFrA_N%C2%B03_2019.pdf
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