Les nouvelles armes contre le cancer du poumon
Le cancer du poumon compte parmi les cancers les plus meurtriers. Le congrès 2010 de l'ASCO témoigne du dynamisme de la recherche contre ce fléau. Zoom sur une étude française qui va changer la prise en charge des patients âgés et des travaux coréens à l'origine d'une nouvelle thérapie ciblée.
Responsable de plus de 27 000 décès par an en France, le cancer du poumon reste une maladie difficile à traiter. Deux études présentées lors du congrès 2010 de la société d'oncologie clinique américaine devraient changer sa prise en charge.
Cancer du poumon : les seniors doivent bénéficier des mêmes traitements !
Lors du plus grand congrès de cancérologie (Asco2010), l'oncologie française a été mise à l'honneur grâce à une étude sur le cancer du poumon chez les plus de 70 ans. Très peu d'études ont jusqu'alors évalué les thérapies anti-cancer dans cette classe d'âge. Et pourtant, plus de la moitié des patients atteints de cancers du poumon non à petites cellules (qui représentent plus de 80 % des cancers) ont plus de 65 ans et au moins 30 % plus de 70 ans !
Le Professeur Elisabeth Quoix 1, pneumologue à Strasbourg, a recruté 451 patients de 70 à 89 ans atteints de cancer broncho-pulmonaire et les a répartis en deux groupes : le premier a reçu une chimiothérapie avec une injection hebdomadaire de paclitaxel (P) et une injection mensuelle de carboplatine (C) ; l'autre groupe recevait une monothérapie reposant sur la vinorelbine ou la gemcitabine. Actuellement, on privilégie une monothérapie sous prétexte qu'une combinaison de chimiothérapies serait potentiellement trop toxique et mal supportée par ces patients plus fragiles.
Mais les résultats français prouvent le contraire. Initialement prévue pour recruter 520 patients, l'étude a été arrêté prématurément car l'analyse des données a mis en évidence un bénéfice important de la combinaison de chimiothérapies : Dans ce groupe, la survie globale moyenne a été de 10,4 mois avec 45,1 % des patients en vie à 1 an, alors que dans le groupe recevant une mono chimiothérapie la survie globale moyenne a été de 6,2 mois avec 26,9 % de malades encore en vie à 1 an. Les patients sous combinaison vivaient deux fois plus longtemps que les autres avant que leur cancer ne progresse de nouveau (6,3 mois contre 3,2 mois). Même si la toxicité est plus importante avec la combinaison de chimiothérapie (notamment une baisse du taux de globules blancs - neutropénie - plus fréquente passant de 12,2 % à 47,8 %), ces résultats doivent dès maintenant conduire à un changement des traitements pour les personnes âgées.
Les espoirs liés à une nouvelle thérapie ciblée
L'autre avancée face au cancer du poumon témoigne des progrès de la recherche et de sa nouvelle capacité à mettre au point des traitements ciblés après qu'une cible thérapeutique ait été identifiée. Petit retour en arrière : en 2007, le prestigieux magazine scientifique Nature 2 rapporte la découverte d'une anomalie génétique de certaines cellules cancéreuses du poumon. Sur le chromosome 2, la fusion de deux gènes (ALK et EML4) entraîne la production d'une enzyme baptisée ALK qui favorise la multiplication du cancer. Cette altération est présente chez 7 % des patients asiatiques et près de 5 % des patients caucasiens. On la retrouve plus souvent chez des sujets jeunes et non fumeurs.
Seulement trois ans plus tard, des scientifiques coréens ont mis au point une molécule capable de bloquer cette enzyme. Baptisé crizotinib, ce médicament pris oralement a été testé sur 82 patients atteints d'un cancer du poumon avancé non à petites cellules avec ce gène fusion. Bien qu'il ne s'agisse que d'une étude préliminaire 3, les résultats présentés à Chicago dans le cadre du congrès de l'Asco 2010 sont étonnants : un taux de réponse au traitement de 57 % avec une réduction tumorale chez plus de 90 % des patients ! Les principaux effets secondaires sont digestifs avec des nausées et des diarrhées.
"La plupart des patients avaient reçu trois traitements ou plus, et nous espérions une réponse de l'ordre de 10 %. Ces résultats sont impressionnants et représentent une amélioration importante par rapport à la chimiothérapie standard pour ces patients en phase métastatique" avoue le Pr. Yung-Jue Bang, principal investigateur de cette étude.
De plus amples études devront confirmer ces résultats, une démarche qui va nécessiter la mise au point de tests fiables pour identifier les patients concernés. Cette anomalie ALK est également présente dans d'autres cancers, comme certains lymphomes, sarcomes et neuroblastome, des tumeurs plus rares sur lesquelles ce même médicament pourra demain être testé.
Le sélénium ne prévient pas les récidives de cancer du poumon
Les cancers du poumon non à petites cellules à un stade précoce peuvent être efficacement opérés dans plus de 80 % des cas. Approximativement 1 à 2 % de ces patients développent un deuxième cancer dans l'année suivant l'opération, et le risque de récidives augmente de 2 % chaque année. Pour réduire ce risque, plusieurs travaux ont attribué un rôle préventif au sélénium. Pour en avoir le coeur net, le Pr. Daniel Karp, du centre sur le cancer à Houston, a conduit une large étude auprès de 1 522 patients opérés d'un cancer du poumon à un stade précoce entre 2000 et 2009. Certains ont reçu un comprimé de sélénium (200 microgrammes par jour) et d'autres un placebo pendant 4 ans. Ni les patients, ni le prescripteur ne savaient s'il s'agissait d'un comprimé actif ou non (principe du double aveugle).
Résultat : aucune différence significative entre les deux groupes n'a été constatée, tant en termes de survie sans progression que de récidives. "Malheureusement, nous n'avons pu trouver aucune preuve permettant de dire que le sélénium est plus efficace qu'un placebo. En fonction de nos données, nous ne pouvons donc pas recommander que les patients atteints de cancer du poumon prennent du sélénium pour prévenir les récidives".
Sources :
A phase III, intergroup, randomized, double-blind, chemoprevention trial of selenium (Se) supplementation in resected stage I non-small cell lung cancer (NSCLC). - Asco 2010 - Abstract n° CRA7004 - ( abstract accessible en ligne)