L’immunothérapie, une nouvelle arme contre le cancer du foie
Face aux formes avancées du cancer du foie, les moyens thérapeutiques restent limités, en particulier lorsque la chirurgie n’est pas possible. Selon une étude présentée lors du congrès international sur le cancer ASCO 2015, un nouveau médicament d’immunothérapie déjà utilisé contre le mélanome, montre des résultats prometteurs, bien que préliminaires.
On compte plus de 8 000 nouveaux cas de cancer du foie en France chaque année, dont 80 % concernent des hommes. Dans 90 % des cas, ce cancer est la conséquence d’une cirrhose. Face à des agressions extérieures (alcool, virus hépatiques, excès de fer ou de graisse), le foie produit un tissu fibreux (fibrose) qui peut se généraliser à l’ensemble de l’organe (stade de la cirrhose). Les cellules fragilisées par la cirrhose peuvent alors devenir malignes. Le cancer du foie est la principale cause de décès par cancer dans le monde, avec plus de 600 000 morts chaque année.
La difficile prise en charge du cancer du foie
Différents examens (prise de sang, échographie, scanner, IRM, fibroscopie, biopsie…) permettent d’évaluer la sévérité de la maladie chronique du foie (cirrhose ou hépatite), les caractéristiques de la tumeur, l’état de santé général du patient et les éventuelles contre-indications aux traitements1.
Schématiquement, on distingue quatre types de traitements2,3 :
- L’ablation partielle du foie permet d’enlever la tumeur lorsque l’organe fonctionne normalement ;
- La greffe de foie (ou transplantation hépatique) permet à la fois d’enlever la tumeur et de traiter une cirrhose lorsque le foie ne fonctionne plus normalement ;
- La destruction à travers la peau (destruction tumorale percutanée) est une alternative à la chirurgie pour enlever les tumeurs de petite taille, lorsque leur localisation dans le foie le permet. Les deux techniques utilisées sont la destruction par la chaleur (radiofréquence) ou le froid (cryothérapie) au moyen d’une aiguille insérée à travers la peau et guidée par un scanner ou une échographie.
- La chimiothérapie (par chimioembolisation) consiste à diminuer la taille de la tumeur du foie et ralentir son développement en obstruant les artères qui la nourrissent après y avoir injecté un médicament de chimiothérapie.
- Dans certains cas, on peut recourir à une thérapie ciblée. Un seul médicament est à ce jour commercialisé dans cette indication : le sorafénib (Nexavar ®), un inhibiteur de tyrosine kinase à cibles multiples. Pour les formes avancées, seulement 2 % des patients traités par sorafenib ont présenté une réponse tumorale objective (une réduction de la taille de la tumeur de plus de 30 %). La survie globale moyenne reste faible, de l’ordre de 10-11 mois. Il n’existe pas d’autres options thérapeutiques pour les formes avancées après le sorafenib.
C’est dire si les besoins thérapeutiques restent immenses.
L’immunothérapie, nouvelle piste contre les formes avancées
Présentée dans le cadre de l’ASCO 2015, une étude a testé un nouveau composé d’immunothérapie, le nivolumab (Opdivo ®), un anticorps anti-PD-1 sur 42 patients atteints d’un cancer du foie avancé4. Parmi eux, 75 % avaient déjà reçu un traitement systémique, dont 68 % du sorafenib. Le nivolumab a été administré par voie intraveineuse toutes les deux semaines pendant une durée maximale de 2 ans. Résultat : le taux de réponse était de 19 % (8 patients ont connu un rétrécissement de la tumeur au-delà de 30 %, dont 2 une disparition de la tumeur). Pour les patients répondeurs, ces réponses ont été durables (la moitié au-delà de 12 mois), la plupart des patients ayant continué leur traitement. La croissance de la tumeur a été bloquée chez 48 % des patients, avec pour un cas une stabilisation au-delà de 17 mois5.
Selon les auteurs, le médicament a été bien toléré, même chez les patients atteints d'hépatites B ou C. Contrairement à ce que l’on aurait pu craindre, le médicament d’immunothérapie n’a pas entraîné d’aggravation de l’infection.
Fréquents (29/42 patients en ont connus), les effets indésirables ont été, selon les auteurs, d'intensité légère à modérée : éruptions cutanées, une augmentation de la lipase et de l’amylase, des enzymes hépatiques. Ces analyses ne sont pas traduites par des symptômes cliniques significatifs.
Des résultats très encourageants qui mériteront une confirmation
Ces résultats encourageants suggèrent qu’une nouvelle classe de médicaments pourrait aider les patients atteints de cancer du foie. "Nous sommes très heureux de voir que le nivolumab s’est révélé sûr avec des taux de réponse et des données préliminaires de survie très prometteurs. Même si nous devons confirmer cet effet sur de plus grandes études, il s’agit là d'un des premiers signes témoignant du rôle que l'immunothérapie pourra jouer dans le traitement du cancer du foie" déclare le Pr. Anthony B. El-Khoueiry, principal auteur et directeur de l'University of Southern California Norris Comprehensive Cancer Center à Los Angeles. Ces bénéfices mériteront d’être confirmés sur de plus grandes études, car ils sont préliminaires, concernent peu de patients, et des patients dont la fonction hépatique était relativement préservée. Le Pr. El-Khoueiry précise que d’autres études devront également évaluer la possible association d’immunothérapie avec d’autres médicaments. Lors de la conférence de presse, il a précisé que des études précliniques effectuées sur des souris suggèrent qu’un prétraitement par sorafenib pourrait augmenter les chances de répondre à l’immunothérapie.
En conclusion, les inhibiteurs de PD-1 confirment leur potentiel en tant que traitement anticancéreux au-delà du mélanome. Ces résultats préliminaires sur le cancer du foie avancé rapportent chez les patients répondeurs (près d’un sur 5) des stabilisations de la maladie de plus d’un an. Une réelle avancée qui devra être confirmée par des essais plus grande ampleur.