Jamais sans mon psy !
A la télé, dans les journaux et même en entreprise, ils sont partout. Qui ? Les psy bien sûr ! Plus qu'une mode, c'est une vague de fond ! Jamais sans mon psy est devenu le nouveau credo d'une société en crise… Mais cette déferlante est-elle vraiment anodine ? Quels sont ses effets pervers ? Doctissimo enquête…
Le phénomène n'a pas échappé à Sylvie Nerson-Rousseau, psychanalyste. "Conditionné sous forme de kits, adaptable en toutes circonstances, le discours psy tend à représenter la solution à tous nos malheurs" rappelle-t-elle dans son livre Le Divan dans la vitrine. Il n'y a pas si longtemps encore la psychanalyse était subversive, aujourd'hui elle est devenue l'affaire de tous. La vague psy s'est installée et sans doute va-t-elle durer.
Une quête de sens
Alors que cache l'intégration systématique de la psy dans notre vie quotidienne ? Premier constat : Sylvie Nerson-Rousseau évoque le mythe de la transparence. Les médias sollicitent les confidences de chacun, et reculent ainsi les barrières entre la vie intime et le collectif. Pour d'autres spécialistes, la vague psy procède de la quête de sens. "Que ce soit par le biais de la télévision, de la presse ou de la radio, nous subissons des images et des informations de plus en plus violentes" explique Philippe Grimberg, psychothérapeute. En effet, nous n'avons jamais été aussi exposés aux malheurs du monde. Le regard du psy interviendrait en quelque sorte pour mieux "métaboliser" cet aspect traumatique de l'information, et des évolutions de la société (le couple, le travail, etc.). Cette mise en mots nous permettrait de prendre du recul et "d'adoucir" le choc des photos…
Gare au prêt-à-porter !
Bien sûr, il y a du pour et du contre. D'une part, la psychanalyse est un bon outil de déchiffrage des phénomènes sociaux. Le regard qu'elle porte sur ces évènements peut alors nous rendre moins dupe, et aussi donner du sens. Mais "le prêt à porter psychanalytique est à redouter", soutient Philippe Grimberg. Il s'agit également de ne pas tomber dans le travers de l'expérience voyeuriste. Enfin, pendant qu'on se penche sur la paille qui s'est fichée dans l'oeil du voisin, sûr qu'on ne s'occupe pas de notre poutre à nous !
Tu en as parlé à ton psy ?
Mais parmi les différents effets pervers du tout psy, celui de confisquer l'expérience nécessaire du deuil et d'abolir la souffrance inquiète davantage les psy. Explications : une catastrophe en chasse une autre, et le discours psy vient anesthésier notre émotion. Et cette tendance à tout expliquer et donc à prendre une distance face à des événements touchant à l'actualité, tend à gagner d'autres terrains comme celui de notre propre histoire.
Et, face à la déferlante du tout psy, il n'est plus rare de se voir répondre alors qu'on fait face à un épisode douloureux de sa vie : tu en as parlé à ton psy ? Alors qu'on demanderait juste un peu de soutien et de compassion. Une dérive manifeste et plus fréquente qu'il n'y paraît. "On ne peut pas faire de la psy une explication suffisante et exhaustive à tous les phénomènes humains" affirme la psy Sylvie Nerson-Rousseau.
"Aujourd'hui, qu'il s'agisse d'un attentat, d'un licenciement, ou de la mine renfrognée du petit dernier, la dérive pourrait être de mettre à la sauce du prêt-à-porter psy toutes les questions que l'on se pose", ajoute Grimberg. Il attire notre attention sur le fait qu'à une époque où l'homme devient l'objet de manipulations de toutes sortes, la psy reste une pratique individuelle, qui apporte une réflexion singulière pour chacun, et en dehors de toute urgence.
"Chantons sous la psy" de Philippe Grimberg. Ed. Hachette. "Le divan dans la vitrine" de Sylvie Nerson-Rousseau.Ed. Nil.