Le médecin généraliste face à la dépression
Malgré sa fréquence, la dépression n’est pas toujours repérée et traitée correctement, avec un recours trop systématique aux antidépresseurs, prescrits généralement sans suivi ni psychothérapie. Pour aider les médecins généralistes en première ligne pour détecter cette maladie, la Haute Autorité de Santé a publié une recommandation pour les aider à cibler les spécificités de cette maladie et proposer la prise en charge la plus adaptée à chacun.
Un problème de diagnostic et de prise en charge
Un Français sur 10 aurait connu un épisode dépressif au cours des douze derniers mois. Mais 40% ne recourent pas aux soins, au risque d’handicaper leur vie quotidienne et d’aggraver le risque de suicide. A l’inverse, certaines déprimes passagères ou certains troubles psychiques graves sont parfois pris pour des dépressions et mal traités.
Même lorsque la dépression est correctement diagnostiquée, les antidépresseurs sont trop souvent prescrits pour des dépressions légères, pas assez dans des dépressions sévères, ou délivrés sans psychothérapie ni suivi.
Parce qu’il est en contact direct avec ses patients, les médecins généralistes sont les professionnels de santé les mieux placés pour détecter une dépression sous-jacente. Pour les aider, la Haute autorité de santé a émis une recommandation pour améliorer le repérage et la prise en charge de la dépression, en collaboration avec les spécialistes pour les cas complexes.
Bien diagnostiquer la dépression
Attention, la tristesse ou la déprime ne doivent pas être confondue avec une dépression.
Des symptômes caractéristiques qui vont au-delà de la tristesse
La dépression cumule différents symptômes : humeur dépressive, perte d’intérêt ou d’énergie mais aussi concentration réduite, diminution de l’estime de soi, sentiment de culpabilité, idées et comportement suicidaires ou encore troubles du sommeil ou de l’appétit.
Des symptômes qui durent
Ces symptômes se manifestent de manière quotidienne, depuis au moins 2 semaines et avec une certaine intensité. La dépression provoque un changement de fonctionnement dans la vie professionnelle, sociale ou familiale, et génère une véritable détresse.
A ne pas confondre avec…
D’autres maladies peuvent avoir des symptômes proches (troubles anxieux, troubles psychiques, maladies physiques comme l’hypothyroïdie, les maladies neuro-dégénératives…, abus de substances psychoactives ou de médicaments). Enfin, la possibilité d’un trouble bipolaire (qui associe des épisodes dépressifs à des épisodes maniaques pouvant passer inaperçus) doit être envisagée.
En cas de doute, le médecin généraliste devra demander l’aide d’un spécialiste pour confirmer son diagnostic.
Trois niveaux d’intensité distincts de dépression
On distingue trois niveaux d’intensité de dépression : légère, modérée ou sévère.
- Dans une dépression légère, la personne rencontrera des difficultés à mener ses activités du quotidien (travail, vie familiale et sociale) mais y parviendra avec un effort supplémentaire.
- Dans le cas d’une dépression modérée, ces activités du quotidien seront très difficilement réalisables par la personne
- Dans le cas d’une dépression sévère, ces activités seront quasi-impossibles ou impossibles.
Quel que soit le niveau d’intensité, la haute Autorité de Santé invite le médecin à "évaluer les idées et les intentions suicidaires, avec tact et dans un climat de confiance". En cas de risque élevé, une hospitalisation devra être envisagée.
Les antidépresseurs, c’est pas automatique !
Aussi, sachez que comme tous les professionnels de santé, le médecin généraliste est tenu au secret professionnel. Vous pouvez donc parler en toute confiance. D'ailleurs, ce dialogue est indispensable pour pouvoir établir un diagnostic précis et délivrer un traitement le plus adapté possible.
La prise en charge doit reposer en premier lieu sur :
- Un soutien psychologique soit par le médecin traitant, un psychologue ou un psychiatre pour les cas complexes et/ou sévères notamment. Cette prise en charge psychologique peut prendre la forme d’une psychothérapie de soutien ou d’autres psychothérapies (cognitivo-comportementales, psycho-dynamiques, systémiques…). A noter : le psychologue n’est pas un médecin, il ne peut donc pas prescrire de médicaments.
- Les antidépresseurs ne doivent pas y être systématiquement associés. Ils ne sont pas indiqués en cas de dépression légère, peuvent être envisagés pour les dépressions modérées et doivent en revanche être proposés d’emblée pour les dépressions sévères. Des consultations régulières toutes les 4 à 8 semaines doivent permettre d’évaluer la tolérance et l’efficacité du traitement, pour l’adapter si besoin et surveiller d’éventuels comportements suicidaires ou des facteurs extérieurs pouvant les déclencher. Les médecins généralistes peuvent devoir faire face au déni de la maladie et parfois, au rejet ou à l'inobservance du traitement antidépresseur. C'est pourquoi un suivi médical régulier est indispensable.
A noter : lors d'une dépression, comme pour les autres maladies, un arrêt de travail peut être prescrit par le médecin, surtout en début de traitement.
L’arrêt des antidépresseurs
Une fois les symptômes disparus, le traitement médicamenteux devra être poursuivi entre 6 et 12 mois pour prévenir le risque de rechute. L’arrêt devra être progressif et accompagné par le médecin.
Dépression : consulter le plus tôt possible
On estime que le délai moyen entre l'apparition des symptômes et la première consultation est de 11 semaines. Et plus la personne attend, plus la prise en charge est délicate… Selon le Pr. Philippe Nuss, de l'hôpital Saint-Antoine, "il ne s'agit pas simplement du fait que la dépression est aggravée par le temps, mais la difficulté à se rendre chez son médecin traduirait plutôt une gêne à parler de ses problèmes, des tendances au repli sur soi et ces malades seront donc plus difficile à traiter".
En cas de problème, n'attendez pas pour consulter. Votre médecin peut vous aider.