Une politique plus verte contre les résistances
Les résistances ne sont ni plus ni moins que l'une des manifestations des processus d'adaptation qui président à l'évolution des espèces : dans un environnement hostile, seuls les individus les mieux armés génétiquement survivent et se multiplient. Dans le monde de l'infiniment petit, les souches bactériennes ne s'avouent jamais vaincues dans la guerre qui les oppose aux antibiotiques.
Des modifications génétiques peuvent permettre à certaines souches bactériennes d'échapper à l'action des antibiotiques. Un exemple classique est l'apparition d'un gène responsable de la fabrication d'une enzyme, la bêta-lactamase, qui inactive certains antibiotiques, comme les pénicillines. Neuf staphylocoques dorés sur dix se sont dotés de cette arme défensive. Heureusement, on est parvenu à synthétiser des inhibiteurs de la bêta-lactamase, pour déjouer ces résistances. Cependant, certaines bactéries se sont à nouveau adaptées en devenant également résistantes à ces inhibiteurs. Bactéries et pharmacologues mènent ainsi une course poursuite, de laquelle les bactéries semblent finalement toujours sortir gagnantes.
La résistance : un secret partagé
Les mécanismes d'acquisition de nouveaux gènes sont bien connus. Il s'agit, soit de mutations chromosomiques, qui modifient des gènes déjà présents, soit de l'intégration de petits brins d'ADN circulaires (plasmides), qui se transmettent de bactérie à bactérie. Ce phénomène peut se découper en six étapes :
1-Les bactéries normales (jaunes) et mutantes (résistantes ici en rouges) se multiplient à un rythme très élevé. 2 et 3-L'administration d'un antibiotique détruit la plupart des bactéries normales, mais les bactéries mutantes résistent à l'attaque. 4-N'étant plus en compétition avec les bactéries normales pour se développer, les bactéries mutantes prolifèrent. 5-Ces bactéries résistantes adaptent leur structure cellulaire pour devenir invulnérable à l'attaque du même médicament. 6-Ces "super-bactéries" peuvent même partager le secret de leur résistance avec d'autre bactéries, permettant ainsi le développement de nouvelles colonies bactériennes résistantes.
L'un de ces nouveaux gènes peut conférer à la bactérie une résistance à une famille d'antibiotiques. De nombreuses personnes hébergent ainsi des bactéries résistantes, qui ne se développent pas, parce qu'elles sont en très petit nombre par rapport aux autres bactéries présentes, notamment dans le tube digestif, et qui ont ce qu'on appelle un "effet barrière". Mais il suffit que ces personnes ingèrent un antibiotique pour que les bactéries sensibles soient tuées, laissant le champ libre aux bactéries résistantes. L'utilisation ultérieure du même antibiotique sera alors inutile. De plus, le "secret de la résistance" peut être partagé grâce à l'intégration dans le cytoplasme de petits brins d'ADN circulaires (plasmides), qui se transmettent de bactérie à bactérie.
Les résistances aux antibiotiques peuvent ainsi être considérées comme un problème écologique, lié, au moins en partie, aux prescriptions abusives d'antibiotiques, médicaments indispensables qui permettent de sauver de nombreuses vies, mais ne sont pas sans inconvénients.