Le cannabis pourrait entraîner une dépendance aussi forte que celle de l'héroïne ou la cocaïne : telle est la conclusion d'une équipe de chercheurs américains qui a réussi à rendre des singes "accros ". Gare aux affirmations trop hâtives cependant, ce thème reste l'objet d'un réel débat.
Des Américains ont démontré qu'il était possible de rendre des singes dépendants au cannabis. Une première puisque, jusque-là, aucune accoutumance n'avait pu être mise en évidence chez les animaux.
Un coup de pédale dans les idées reçues
Pour cette expérience, menée par l'équipe du Dr Steven Goldberg, les chercheurs ont utilisé le principe actif de la marijuana, le delta-9-tetrahydrocannabinol (THC). Ils ont ensuite analysé le comportement de quatre singes capables de s'injecter des doses de THC grâce à une pédale. Les doses étaient comparables à celles absorbées par l'homme lorsqu'il fume une cigarette de shit. Ces singes ont d'abord pu s'administrer de la cocaïne, puis de l'eau et du sel, et, enfin, le principe actif de la marijuana dissous dans de l'éthanol. Les résultats de l'expérience sont étonnants. Alors que les animaux n'arrêtaient pas d'appuyer sur la pédale quand ils pouvaient obtenir de la cocaïne, ils ont cessé dès que la cocaïne a été remplacée par l'eau et le sel. Avant de reprendre de plus belle quand l'eau a été à son tour remplacée par le THC. Au total, les singes pressaient en moyenne 30 fois la pédale avec le cannabis ou la cocaïne contre 1 à 4 fois avec l'eau !
De là à conclure que la marijuana avait un potentiel pour créer une dépendance aussi important que celui d'autres drogues comme la cocaïne ou l'héroïne, il n'y avait qu'un pas. Ce pas a été franchi par les auteurs de l'expérience, publiée dans le numéro de novembre du très sérieux journal Nature Neuroscience et a relancé du même coup le débat sur la légalisation du cannabis.
Un réel débat de société
Les effets néfastes de cette drogue comme les troubles psychiatriques, les risques pulmonaires et les pertes de mémoires ou d'attention à court terme n'ont jamais fait l'unanimité dans les milieux scientifiques. Le Dr Goldberg, lui, reconnaît volontiers que ses "recherches ne tiennent pas compte des facteurs sociaux qui jouent inévitablement sur le potentiel d'addiction du cannabis", mais il n'en démord pas. Pour lui, "l'accoutumance à la marijuana est aussi forte que l'accoutumance à la cocaïne".
A l'inverse, pour beaucoup d'experts, le cannabis a certes des effets d'accoutumance, mais il ne crée pas d'addiction comparable à celle de l'héroïne ou de la cocaïne. Tous, ou presque, reconnaissent ses atouts thérapeutiques : stimulation de l'appétit chez les malades du SIDA, réduction des nausées provoquées par la chimiothérapie du cancer, de la pression intraoculaire chez les personnes atteintes de glaucome et des spasmes musculaires chez les patients souffrant de troubles neurologiques. Sans parler des migraines, de la dépression, de l'insomnie ou des douleurs chroniques, également soulagées par le chanvre.
En attendant que les résultats de cette étude soient confirmés, n'oublions pas que l'expérience été faite sur des singes, dont nous ne sommes que des cousins éloignés…