Enfants : la fin des larmes ?
La prise en charge de la douleur des enfants commence seulement à entrer dans la pratique normale de la médecine qui les considérait encore récemment comme peu ou pas sensibles. Malgré des efforts constants, les pédiatres réclament plus de temps et de personnel pour être vraiment efficaces.
Les enfants et les nouveaux-nés ressentent la douleur, au moins autant et peut-être plus que les adultes, et doivent être soulagés, même pour de petites interventions. Cela semble une évidence mais c'est en fait une constatation que la médecine n'a faite que récemment. En fait, jusqu'au milieu des années 80, les scientifiques estimaient que le système nerveux des nouveaux-nés n'était pas assez développé pour véhiculer des informations douloureuses. Désormais, il est, au contraire, reconnu qu'une exposition précoce à la douleur laisse une trace indélébile qui aggrave toutes les sensations douloureuses ressenties par la suite. L'injustice que subissent les enfants face à la douleur n'a donc plus aucune raison d'être.
Une douleur ignorée
Si la douleur des enfants est reconnue sur le plan scientifique, elle n'est pas toujours bien prise en charge, notamment par manque de traitements adaptés. Il n'existe en effet que peu de versions pédiatriques, moins dosées et plus faciles à administrer. Conscient de l'importance de ce problème, Bernard Kouchner avait prévu, dans son plan triennal de lutte contre la douleur lancé en 1998, de convaincre les principaux laboratoires de se lancer dans cette voie.
Peu de traitements adaptés
Outre cette pénurie de médicaments adaptés, la prise en charge de la douleur de l'enfant se heurte au problème non résolu de l‘évaluation. "Un nourrisson, ou un jeune enfant qui ne parle pas, peut exprimer sa douleur par des cris et une grande agitation mais nous savons désormais qu'un enfant triste et immobile peut également être dans une très grande souffrance", remarque le Dr Chantal Wood (Hôpital Robert Debré, Paris). En fait, les spécialistes de la douleur manquent surtout de temps pour lire tous les signes et les prendre en charge. "Traiter la douleur d'un enfant, c'est d'abord prendre du temps. Examiner et écouter un enfant, expliquer aux parents ce que nous pouvons faire et vaincre leur réticence face à la morphine par exemple, entourer l'enfant, le consoler, tout cela prend énormément de temps et donc de personnel", regrette-t-elle. Il n'existe en France qu'une quinzaine d'unités anti-douleur spécialistes de l'enfant, qui regroupent 15 à 20 personnes au total.
Former des équipes spécialisées
La situation s'améliore cependant peu à peu, notamment grâce aux multiples formations suivies par le personnel soignant. Une étude de 1998, réalisée dans la France entière, relevait encore mépris et indifférence face à la douleur de l'enfant dans de nombreux établissements hospitaliers. "Je vois maintenant, dans les formations que j'anime, des gens de plus en plus curieux, désireux d'apprendre ; et le changement d'attitude est désormais évident dans les services pédiatriques", se réjouit le Dr Wood. Rien à voir cependant avec les progrès que permettrait la mise en place de structures spécifiques, avec une équipe spécialisée de psychologues, médecins et infirmiers.