Une usine historiquement polluante
Au fin fond des Ardennes, Bourg-Fidèle fit malgré lui la une des médias en 1999. Ce petit village était le site d'une pollution au plomb de longue date touchant la population et l'environnement. Responsable : l'entreprise Métal Blanc, spécialisée dans le recyclage des batteries en provenance de divers pays européens et fleuron industriel de la région.
En février 1999, un rapport du Ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement (MATE) soulignait que l'usine " présente des retards importants en ce qui concerne la protection de l'environnement. Cette situation entraîne une contamination très élevée d'un périmètre autour de l'usine dans lequel se trouvent de nombreuses habitations. La rivière, La Murée, dans laquelle l'entreprise déverse ses rejets, est fortement polluée au plomb et au cadmium en aval. […] la situation n'est pas [non plus] satisfaisante en ce qui concerne la protection des travailleurs ". En effet, des mesures effectuées en 1998 ont montré, dans certains ateliers, des taux de plomb supérieurs de 3 à 24 fois la valeur limite d'exposition.
La situation dans cette usine n'est pas nouvelle. Les plombémies des travailleurs sont élevées : au premier semestre 1998, plus des trois quarts des plombémies (1) des salariés analysés dépassaient alors le seuil réglementaires des 400 µg/l (2) avec des pointes à 710 µg/l. Dix-huit mois plus tard, 21 salariés étaient toujours au dessus de 400 µg/l, 4 dépassaient 600 µg/l. Mais le saturnisme professionnel n'est déclaré qu'à partir de 800 µg/l.
Odeurs, bruits, décès anormaux de bovins, plombémies élevées des humains n'ont fait bouger ni l'entreprise ni les pouvoirs publics. Les riverains, exaspérés de n'obtenir aucune réponse quant aux nuisances subies, se sont regroupés en association de protection de l'environnement. À la suite de quoi la préfecture a effectué un contrôle sanitaire des enfants de l'école proche - la majorité des parents embauchés dans l'usine ayant refusé l'analyse de leurs enfants - qui a révélé l'intoxication au plomb de 22 enfants du village, soit un quart des enfants.
Coup de théâtre : le 6 mai 1999, Jean-Louis Bourson, PDG de Métal Blanc, est mis en examen pour mise en danger de la vie d'autrui, administration de substances nuisibles, rejets en eau douce de substances nuisibles ou toxiques et non-respect des mises en demeure administratives. Juillet 1999, victoire pour les riverains : la justice interrompt l'activité de l'usine, tant que la pollution n'aura pas cessé. Mais en août 1999, la Chambre d'accusation de la Cour d'Appel autorise, sous conditions, le redémarrage de l'usine.
Malgré les subventions, les aides et les mises en demeure, rien n'a permis la régularisation des pollutions de l'usine. Dans cette région où les emplois sont rares, les salariés ont tendance à privilégier leur survie quotidienne. De leur côté, les pouvoirs publics disent ne rien pouvoir faire pour un reclassement des employés, premières victimes des négligences.
A l'été 1999, la tension entre des salariés de l'usine et des membres de l'association de défense de l'environnement entraîna des hostilités et même des agressions de riverains aux moments les plus tendus du conflit.
Mais les informations sur la pollution de Métal Blanc ne s'arrêtent pas là. Dernière donnée officielle : la Mission d'inspection spécialisée de l'Environnement (Mise), diligentée par le MATE, rend publics, en mars 2000, les résultats de son étude sur l'usine. La Mise confirme " qu'il subsiste une plombémie anormale chez certains enfants de Bourg-Fidèle " et nous apprend que " les ouvriers travaillent actuellement dans une atmosphère dont la teneur en plomb est sensiblement supérieure à la teneur en plomb des gaz rejetés aux cheminées " et que " le nombre d'ouvriers dont la plombémie dépassait 600 µg/l est passé de 10 au premier semestre 1998, à 2 au deuxième semestre 1998, puis est remonté à 5 au premier semestre 1999 ".
Pourtant, selon les inspecteurs, il est urgent… d'attendre : la Mise propose une mise aux normes progressive sur 18 mois. Dix-huit mois de gagnés pour l'entreprise, dix-huit de perdus pour la santé des salariés et des riverains.
La confiance faite à l'entreprise est d'autant plus étonnante que les mêmes inspecteurs rappellent que, s'agissant des odeurs " l'arrêté de mise en demeure du 22 décembre 1998 demande de supprimer dans un délai de six mois les émanations nuisibles ou gênantes. L'étude préliminaire n'a pas encore été réalisée. "… après plus de 12 mois.
1 : mesure du plomb dans le sang. 2 : microgramme (millionième de gramme) par litre.