Rapport Onusida 2002 : les femmes paient un lourd tribut (Novembre 2002)
Pour la première fois depuis l'apparition du sida, les femmes sont plus touchées que les hommes par la maladie. Pour en savoir plus, nous avons interrogé Isabelle de Zoysa, directrice du département VIH/sida (prévention) auprès de l'Organisation Mondiale de la Santé.
Doctissimo : Les femmes apparaissent de plus en plus touchées par l'épidémie de sida. Quels sont les chiffres ?
Isabelle de Zoysa : Selon le "Rapport sur l'épidémie mondiale de VIH/SIDA 2002" de l'Onusida/OMS, la moitié des 42 millions d'adultes et d'enfants vivant avec le sida fin 2002 sont de sexe féminin. C'est la première fois depuis le début de l'épidémie dans les années 1980, que les femmes sont touchées dans de telles proportions.
Les données sont résumées dans le tableau ci-dessous.
Tableau récapitulatif de l'épidémie de VIH/sida dans le monde, décembre 2002
Nombre de personnes vivant avec le VIH/SIDA | Total : 42 millions |
---|---|
Adultes |
38,6 millions |
Femmes |
19,2 millions |
Enfants <15 ans |
3,2 millions |
Nouveaux cas d'infection à VIH en 2002 |
Total : 5 millions |
Adultes |
4,2 millions |
Femmes |
2 millions |
Enfants <15 ans |
800 000 |
Décès dus au SIDA en 2002 |
Total : 3,1 millions |
Adultes |
2,5 millions |
Femmes |
1,2 million |
Enfants <15 ans |
610 000 |
Par rapport à 2001, le nombre de nouveaux cas progresse chez les femmes (2 millions contre 1,8) alors qu'il ralentit un peu chez les hommes (4,2 contre 4,3). De plus, 1,2 millions de femmes sont décédées en 2002, soit 100 000 de plus qu'en 2001.
Doctissimo : Cette tendance est-elle la même partout dans le monde ?
Isabelle de Zoysa : Non, elle est surtout marquée en Afrique où l'épidémie est la plus étendue. Ainsi, en Afrique subsaharienne qui rassemble près de 30 millions de personnes vivant avec le VIH, le pourcentage des femmes parmi les adultes séropositifs est de 58 %. Et on observe la même tendance sur d'autres continents.
Mais la plus forte progression concerne l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, où la proportion des femmes parmi les personnes infectées est passée de 40 à 55 % en 2002. En Asie, des hausses moins importantes ont été rapportées. En Europe et en Amérique, la part des femmes reste stable.
Doctissimo : En Afrique, les jeunes femmes apparaissent plus à risque. Comment peut-on expliquer ce phénomène ?
Isabelle de Zoysa : Effectivement, malgré les tendances positives récentes observées parmi les jeunes (en particulier les femmes) dans certains pays africains, on constate que, globalement, deux fois plus de jeunes femmes que d'hommes sont infectés en Afrique subsaharienne.
Ce phénomène semble dû à plusieurs facteurs :
- Un moins bon accès à l'éducation, à l'emploi, aux crédits, aux soins de santé, à la terre et à l'héritage, à l'information en matière de santé sexuelle ;
- La subordination fait qu'il est parfois très difficile pour les jeunes filles et les femmes d'exiger des rapports sexuels protégés (même avec leur mari) ou de mettre fin à des relations comportant un risque d'infection.
Enfin, les jeunes femmes ont tendance à épouser des hommes plus âgés qu'elles de plusieurs années. Ainsi le risque d'infection augmente si l'homme a trois ou quatre ans de plus qu'elles.
Tous ces facteurs s'ajoutent à la vulnérabilité biologique.
Doctissimo : Face à ces chiffres, l'OMS envisage-t-elle des actions spécifiquement destinées aux femmes ?
Isabelle de Zoysa : Tout à fait, nous sommes en train de rédiger des directives très précises sur les soins, les traitements et le soutien des femmes atteintes par le VIH/Sida. Elles devraient être disponibles dans les 6 prochains mois. Elles permettront aux pays touchés de mettre en place une politique de lutte contre le sida destinée aux femmes, dont les besoins et les réponses aux traitements sont différents.
Ces directives seront également l'occasion de faire le point sur les zones d'ombre concernant les spécificités féminines face au sida sur l'histoire naturelle du virus, les influences hormonales, etc. Cet état des lieux permettra ainsi d'orienter les recherches dans les domaines qui en ont le plus besoin.
Par ailleurs, différents programmes de prévention de la transmission du virus de la mère à l'enfant ont été mis en place dans différents pays avec l'aide des institutions onusiennes.