Traitement du cancer du rein : comment tenir compte de la préférence des patients ?
Des différences de qualité de vie entre deux médicaments qui apparaissent modestes aux yeux du médecin, peuvent être perçues de manière très différente par les patients sous traitement pendant des mois ou des années. Une étude française a ainsi comparé deux produits indiqués dans le traitement du cancer du rein métastatique (cancer avancé qui s’est propagé à d’autres organes) et a mis en évidence des préférences importantes pour un traitement plutôt qu’un autre.
Dans cette étude1, 168 patients atteints de cancer du rein métastatique ont été réparti en deux groupes. Le premier a été traité pendant 10 semaines avec du pazopanib (Votrient ®) suivi d’un break de deux semaines avant d'être de nouveau traité pendant 10 semaines avec du sunitib (Sutent ®), ou l’inverse (sunitib avant pazopanib). A l’issue de cette période, on a demandé aux patients avec quel traitement ils souhaitaient continuer à être traités (le premier ou le second). Lors de l'étude, ni le patient, ni le prescripteur ne sait quel médicament est donné selon le principe du double aveugle.
Les résultats préliminaires portant sur 114 patients rapportent une préférence de 70 % pour le pazopanib contre 22 % pour le sunitinib (8 % des patients n’ayant pas de préférence). Cette différence statistiquement significative est principalement motivée par une meilleure qualité de vie et une moindre fatigue rapportées par les malades. Une perception traduite également par une réduction des doses (13 % vs 20 %) et des interruptions de traitement (6 % vs 12 %) moins fréquentes avec le pazotinib qu'avec le sunitinib. Interrogés sur le même sujet, les médecins rapportait une préférence une peu moins forte que leurs patients pour le pazotinib par rapport au sunitinib (60 % vs 21 %) et 19 % n'avait pas de préférence.
“Bien que nous nous attendions à ce que les patients préfèrent un médicament plutôt qu’un autre en raison des profils de toxicité différents, nous n’attendions pas de telles différences“ déclare le Dr Bernard Escudier, spécialiste du rein et de l’immunothérapie, à l’Institut Gustave Roussy (Villejuif, France) et principal auteur de l’étude. Selon lui, ce type d’étude permet de rapporter plus fidèlement la manière dont les patients perçoivent la toxicité des médicaments, au-delà des données des rapports d’événements secondaires traditionnellement conduits.
Notons que cette étude a été financée par Glaxosmithkline, laboratoire à l’origine du pazopanib. Ce produit commercialisé sous le nom de Votrient ® a obtenu une autorisation de mise sur le marché en Europe en juin 20102. Il n’est cependant pas remboursé en France, la Haute Autorité de santé ayant donné un “avis défavorable au remboursement en raison d’un intérêt clinique non démontré dans le traitement du cancer du rein au stade avancé“3. Mis en cause indirectement par cette étude, le laboratoire Pfizer à l’origine du sunitinib, a souligné que le nombre de participants restait faible et qu’aucune comparaison d’efficacité des deux produits n’était aujourd’hui disponible. En l’absence de ces données, il reste en effet difficile d’établir une balance bénéfices/risques des deux composés. Mais une étude baptisée COMPARZ4 actuellement en cours devrait apporter dans les prochaines années.
David Bême
1 - Patient preference between pazopanib (Paz) and sunitinib (Sun): Results of a randomized double-blind, placebo-controlled, cross-over study in patients with metastatic renal cell carcinoma (mRCC) - Bernard J. Escudier et al. - Abstract #CRA4502 (accessible en ligne)
2 - Votrient – pazopanib - Résumé EPAR à l’intention du public – EMEA (document accessible en ligne)
3 - VOTRIENT (pazopanib), inhibiteur de tyrosine-kinase - Synthèse d'avis – HAS– (document accessible en ligne)
4 - Pazopanib Versus Sunitinib in the Treatment of Locally Advanced and/or Metastatic Renal Cell Carcinoma (COMPARZ) – Clinical trials – (détails de l’étude accessible en ligne)
Photo : Pr. Bernard Escudier
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