Avec l'intelligence artificielle, les recettes deviendront monétisables
Si la propriété intellectuelle est difficilement applicable à l'univers culinaire, les chefs pourraient un jour vendre leurs secrets de cuisine à condition qu'ils acceptent de préparer un plat sous l'oeil d'une intelligence artificielle. Leur préparation pourrait alors être exécutée dans une cuisine qu'ils n'auront jamais fréquentée. Un scénario de science-fiction pourtant tout à fait réel.
Le cronut du pâtissier Dominique Ansel à New York (une viennoiserie hybride mi-croissant mi-donut), le pochage de la crème en tourbillon du Meilleur ouvrier de France Yann Brys à l'aide d'un tour de potier, l'iconique macaron Ispahan à la rose et au litchi de Pierre Hermé, le dessert au coeur coulant chocolaté de Michel Bras... Pâtissiers et grands chefs sont nombreux à revendiquer - à juste titre, la paternité de tours de main, de techniques de cuisine et de recettes.
Vendre ses secrets de cuisine à une intelligence artificielle ?
Sauf que dans le droit français, l'application de la propriété intellectuelle dans l'univers de la gastronomie a toujours été compliquée à mettre en oeuvre et à garantir des droits d'auteur. Le sujet remonte régulièrement jusqu'à l'Assemblée Nationale lorsque des propositions de loi demandent la protection du contenu et du déroulé d'une recette, notamment pour se conformer aux traditions régionales. Ce fut le cas pour le dernier projet porté par une députée des Alpes-Maritimes l'été dernier qui voulait empêcher les réinterprétations trop approximatives des industriels de la salade niçoise (non il n'y a pas de haricots verts dans la recette !).
A défaut de pouvoir protester contre le plagiat d'une préparation culinaire, les cuisiniers pourraient à terme la monétiser en révélant tous leurs secrets, depuis les temps de cuisson exacts jusqu'à la température adéquate dictant le moment où il faut ajouter tel ou tel ingrédient. En l'occurrence, c'est une intelligence artificielle qui serait capable de divulguer toutes ces informations. La start-up californienne CloudChef a mis au point un logiciel qui réunit tous ces paramètres. Concrètement, des caméras et des capteurs sensitifs sont placés au niveau de la plaque de cuisson. Il s'agit d'enregistrer la proportion de chaque ingrédient, la température de la viande, la taille précise des légumes découpés, mais aussi le moment exact où la pièce de viande est retournée, le degré de viscosité d'une sauce ou encore le degré de caramélisation d'un aliment comme les oignons.
NON aux régimes, OUI à WW !
Quel intérêt ?
Toutes ces mesures donnent ensuite lieu à une retranscription prenant la forme d'une recette ultra détaillée. Tout l'intérêt de la technologie réside dans la capacité de cette intelligence artificielle à fournir les moindres détails d'une préparation pour qu'elle soit reproduite n'importe où sans la présence de l'auteur.
On pourrait alors imaginer des chefs vendre leurs secrets de cuisine à des "dark kitchens", ces restaurants virtuels qui fournissent les plateformes de livraison de repas. Selon l'un des fondateurs de CloudChef, qui envisage son software comme le Spotify des recettes, les auteurs pourraient obtenir des redevances à chaque fois qu'un plat est commandé.
Côté consommateur, cette innovation permettrait par exemple à des clients français de goûter au plat signature d'un chef étranger qui n'exerce pas tout près de chez eux. Reste à savoir si les toques étoilées seraient vraiment d'accord pour que leurs secrets de cuisine soient captés par l'intelligence artificielle...