Mystère du cerveau : les acteurs effacent leur identité quand ils se plongent dans un rôle
Une étude à mis à jour un phénomène étonnant : en pleine représentation, quand les acteurs entendent leur prénom, le cortex est capable de supprimer leur propre conscience d’eux-mêmes.
“Être ou ne pas être, telle est la question ?”, la célèbre citation tirée de la pièce Hamlet de William Shakespeare ne pourrait pas mieux illustrer la dernière étude menée par l'Institut des Neurosciences de la University College London. Selon leurs recherches en effet, lorsque les acteurs adoptent un nouveau personnage, ceux-ci sont capables de supprimer leur "moi" quotidien au niveau cérébral. Une donnée qui signifie que la formation théâtrale et le jeu peuvent avoir un impact effectif important sur les mécanismes fondamentaux du cerveau humain. La recherche, très sérieuse, est publiée dans Journal of Cognitive Neuroscience.
L’imagerie cérébrale utilisée en temps réel, pendant le jeu d’acteur
Pour vérifier sa théorie, l'équipe de scientifiques n’a pas hésité à investir les planches, et à travailler avec une troupe de théâtre qui propose des productions interactives de Shakespeare pour les personnes autistes et leurs familles.
Elle a ainsi équipé les comédiens de technologies d'imagerie cérébrale portables mises au point au département de génie biomédical de l'UCL, ainsi que des appareils de mesure physiologiques, pour évaluer l'activité cérébrale des acteurs alors qu'ils répétaient des scènes du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare.
La conscience de soi s’efface au profit du rôle
Les résultats ont montré que lorsque les acteurs entendaient leur propre nom pendant la représentation, leur réponse était supprimée directement dans le cortex préfrontal antérieur gauche du cerveau, qui est généralement associé à la conscience de soi. Le même résultat a été observé de manière constante chez les six acteurs qui ont été testés lors de répétitions plusieurs fois au cours d'une semaine. Pendant ce temps, lorsque les interprètes n'étaient pas dans des conditions d'acteur, ils réagissaient tout à fait normalement en entendant leur propre nom. Et leur cortex préfrontal également.
Dwaynica Greaves, l’auteure principale de l’étude, confirme ces résultats étonnants :
"Le cri du nom d'une personne est un son puissant et convaincant qui fait normalement tourner la tête au sujet. Il engage également le cortex préfrontal du cerveau. Cependant, nos résultats suggèrent que les acteurs peuvent apprendre à supprimer leur sens de soi lorsqu'ils s'entraînent au théâtre et adoptent un personnage différent.”
Les cerveaux se synchronisent également entre comédiens
Dans le cadre de l'étude, les chercheurs ont également étudié la coordination interpersonnelle entre des paires d'acteurs répétant ensemble, pour voir comment ils synchronisent leur corps, leur rythme cardiaque et leur cerveau. Fait également étonnant, l'équipe a constaté que pendant les répétitions, il y avait des schémas d'activité similaires dans le gyrus frontal inférieur droit et le cortex fronto-polaire droit du cerveau de deux acteurs qui travaillaient ensemble. La synchronisation n'a cependant pas été observée sur les battements cardiaques ou la respiration, ce qui montre qu'il existe des systèmes cérébraux spécifiques qui sont coordonnés lors d'interactions sociales complexes.
Selon Dwaynica Greaves, auteure principale de l’étude, ces dernières recherches ouvrent un champ encore nouveau aux neurosciences : "Nos découvertes indiquent que la collaboration avec l'industrie du théâtre pourrait être utile pour produire des théories sur l'interaction sociale qui pourraient également être étudiées dans le monde réel". Le théâtre semblant être un terrain de jeu expérimental parfait :
"Notre laboratoire continuera d'étudier les effets de la formation théâtrale sur le sens de soi d'un acteur, dans l'espoir que la formation théâtrale puisse aider au développement d'importantes capacités cognitives sociales."
Les neurosciences et Shakespeare pourraient bien nous en apprendre encore sur le fonctionnement du cerveau...