Accès aux soins : l'UFC-Que choisir demande au Conseil d’État de sanctionner l'Etat pour son inaction
Comme chaque année depuis 2012, l’UFC-Que Choisir fait le point sur les inégalités d’accès aux soins en France. Leur nouvelle étude montre l’aggravation de la situation, à tel point que l’Union a décidé de déposer un recours auprès du Conseil d’État. Doctissimo a échangé avec sa présidente, Marie-Amandine Stévenin.
Doctissimo : Concernant l'accès aux soins, avez-vous constaté cette année une évolution de "la fracture sanitaire" ?
Marie-Amandine Stévenin : C’est le moins que l’on puisse dire. Pour cette étude, nous nous sommes intéressés à l’accès à un médecin (généraliste ou spécialiste) en fonction de deux critères : la dimension géographique (à moins de 45 minutes en voiture) et l’aspect financier (médecin exerçant en secteur 1). Les résultats sont édifiants !
Si l’on s’intéresse aux seuls médecins de secteur 1, on se rend compte qu’un enfant sur deux (50,3%) habite un désert médical et n’a pas accès à un pédiatre de secteur 1 à moins de 30 minutes de son domicile. Près de 6 Français sur dix sont dans un désert médical concernant les ophtalmologues et près de 7 femmes sur dix le sont pour les gynécologues.
Au global, ce sont 83 % de nos concitoyens qui vivent dans un désert médical pour au moins l’une des spécialités !
Et le plus inquiétant est que la situation s’aggrave, d’année en année. Par exemple, il y a quatre ans, en 2019, 44 % des généralistes refusaient des nouveaux patients, ils sont aujourd’hui 51,5 % ! C’est inquiétant, d’autant plus que la population vieillit de manière générale en France et nécessite un suivi médical plus rapproché.
Vous annoncez un recours au Conseil d’État à l’encontre du gouvernement. Pourquoi engager une telle action ?
Marie-Amandine Stévenin : Nous avions écrit au gouvernement il y a quelques années, pour dénoncer la situation. Mais face à l’inaction de l’État, nous demandons au Conseil d’État de prendre des mesures courageuses car la situation est intolérable.
L’accès aux soins est conditionné au fait d’avoir de l’argent et de pouvoir payer des dépassements d’honoraires. Cela créé une médecine à deux vitesses, où certains de nos concitoyens en arrivent à renoncer à se soigner. Alors que le droit à la santé est protégé par des textes, c’est un droit fondamental.
Nous reprochons donc à l’État de ne pas mettre en place des mesures qui fonctionnent, comme la régulation de l’installation des médecins. Il faudrait que les nouveaux médecins ne puissent pas s’installer dans des zones surdotées, sauf cas particulier, par exemple si un médecin de secteur 1 s’en va à la retraite et qu’un nouveau médecin de secteur 1 toujours, le remplace. Et selon nous, un nouveau médecin ne devrait pouvoir exercer qu’en secteur 1 ou en secteur OPTAM, dont les dépassements d’honoraires sont pris en charge en totalité par les mutuelles.
Qu'espérez-vous de cette démarche ?
Marie-Amandine Stévenin : Je tiens à rappeler qu’au delà de la saisine du Conseil d’État, l’UFC-Que Choisir a également mené aujourd’hui des actions locales, par le biais de nos bureaux locaux, afin de dénoncer cette fracture sanitaire. Chacun de nos concitoyens est invité à consulter la carte interactive afin de se rendre compte de la situation et de signer la pétition "Accès aux soins : j’accuse l’Etat".
En accusant l’État de son inaction, nous espérons obtenir gain de cause. Nous attendons que de réelles mesures concrètes soient prises, car des médecins seront formés, mais cela prendra du temps. Alors que c’est maintenant qu’il faut agir !