Angine, cystite... des antibiotiques bientôt sans ordonnance en officine. Mode d'emploi avec notre pharmacien
Afin de désengorger les cabinets médicaux, la Première ministre Elisabeth Borne, a annoncé jeudi 31 août qu'elle autorisait les pharmaciens à "prescrire des antibiotiques" pour les cystites et les angines. Mais concrètement qu’est-ce que cela va changer ? Réponse d’un pharmacien et d’un médecin généraliste.
C’était la rentrée des annonces de santé ce jeudi 31 août. En visite à Rouen, la Première ministre a ainsi annoncé plus d’un milliard d’euros de revalorisation salariale concernant les soignants à l’hôpital, mais également une mesure pratique qui nous concerne tous : la possibilité aux pharmaciens de prescrire directement des antibiotiques aux patients d’infections urinaires ou d’angines. Le but étant de faciliter l’accès aux soins sur le territoire.
La délivrance d’antibiotiques seulement après un test bactérien
Selon l’annonce, la prescription d’antibiotiques n’interviendrait toutefois que sous conditions : dans le cas de cystites et d’angines, pour le moment, et "dès lors que (le pharmacien) aura réalisé un test pour confirmer l'origine bactérienne" de la maladie et un entretien avec le patient.
"Pour savoir si c'est bactérien ou viral, le pharmacien va faire un test d'orientation diagnostique rapide pour ensuite pouvoir prescrire un antibiotique. C'est très important par exemple dans le cas de la cystite. C'est quelque chose qui est vécu régulièrement, souvent le week-end. C'est extrêmement douloureux et il y a ce côté rageant quelquefois car vous savez quel médicament il faudrait prendre, le pharmacien le sait aussi mais vous n'avez pas l'ordonnance", a développé le ministre de la Santé Aurélien Rousseau ce matin sur France Info.
🔴Nouvelles annonces sur la santé : les pharmacies pourront délivrer des antibiotiques➡️ "La logique, c’est de faciliter l’accès des Français sur des pathologies classiques”, explique le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau. Sont concernées entre autres les angines et cystites pic.twitter.com/BWU8wVr37e
— franceinfo (@franceinfo) September 1, 2023
"Une bonne mesure… encore faut il avoir les stocks" selon Yves Dour, pharmacien
Côté pratique, la mesure est bien accueillie chez les pharmaciens : "C'est une excellente nouvelle pour les patients", se réjouissait Éric Myon, secrétaire général de l'UNPF, l'Union nationale des pharmacies de France, invité vendredi 1er septembre sur France Inter. "Elle permettra aux patients de se passer de médecins et d’être soignés rapidement notamment dans les zones dites de déserts médicaux” souligne de son côté Yves Dour, docteur en pharmacie contacté par Doctissimo. "Si les pharmaciens étaient déjà habilités à effectuer les TROD (tests rapides d'orientation diagnostique), ils ne seront ainsi plus rattachés à un lieu d’exercice coordonné comme une maison de santé" explique-t-il.
L’acte sera-t-il plus simple pour autant ? “Pas forcément”, tempère notre expert. "Déjà, tous les pharmaciens ne font pas les TROD pour les angines, notamment. Mais surtout, cela doit aller avec un accès à de la fosfomycine pour les infections urinaires et de l’amoxicilline pour les angines. Or, ce sont en ce moment des stocks à flux très tendus, qui manquent en officine. Donc comment faire ?".
"Ce n’est pas déléguer ces actes-là qui désengorgera les cabinets" pour le Dr Fabien Quédeville
Côté médecins traitants, l’annonce fait un peu plus grincer des dents. Les syndicats parlent aujourd’hui d’une mesure "cache-misère". Un argument que nous explique le Dr Fabien Quedeville médecin généraliste :
“Il faudrait déjà savoir si le fait de déléguer les angines et les infections urinaires permettrait de désengorger les cabinets médicaux, il n’y a aucune donnée disponible aujourd’hui là-dessus. La vraie charge qui pèse sur les médecins est de la surcharge administrative. Mais c’est étonnant, ça on ne la délègue jamais !” déplore-t-il.
Ce qui va être drôle à gérer ce sont les patients qui nous appellerons pour un arrêt de travail suite à un test positif https://t.co/CfjRygyUUg
— Dr Fabien Quedeville (@fquedeville) September 1, 2023
Le médecin n’est pas contre les nouvelles attributions données aux pharmaciens, mais il agite un manque de cohérence dans les décisions gouvernementales.
"Donner plus de sens au métier de pharmacien en leur permettant d’administrer les vaccins par exemple, je trouve que c’est utile, car il s’agit d’un acte unique, qui rend service et augmente la couverture vaccinale. Ce qui est embêtant, c’est de déléguer des actes médicaux qui nécessitent un examen clinique et qui peuvent, en plus dans ce cas (la recherche de streptocoque) augmenter la prescription d’antibiotiques, dans un contexte ou nous en surconsommons. Résultats, il n’y a plus vraiment de cohérence dans l’organisation de ce système de soins".
Le prix de l’amoxicilline augmentera dès le mois d’octobre
Alors que la France fait face à une pénurie de 450 médicaments depuis plusieurs mois, le gouvernement a également annoncé le 29 août dernier un "accord", concernant l’amoxicilline. En échange d’une hausse de son coût de 10%, les industriels seront tenus de fournir une quantité suffisante de médicaments. Résultats : aujourd'hui, une boîte de 14 comprimés coûte 5,89 euros. Comme elle est remboursée à 65% par l'assurance maladie, le malade débourse donc 2,06 euros. En octobre prochain, ce montant passera à 2,29 euros.