Cancers de la tête et du cou : les promesses de l’immunothérapie
Concernent les fosses nasales, les sinus, la bouche, le pharynx, le larynx, les cancers des voies aérodigestives supérieures (VADS) touchent 14 000 Français par an. Pour les formes très avancées (récidivantes ou métastatiques), les armes thérapeutiques restent limitées. Une étude présentée lors du congrès 2015 de l’ASCO rapporte des résultats très encourageants pour ces cancers actuellement redoutables.
Les cancers VADS : 14 000 nouveaux cas par an
Les voies aéro-digestives supérieures (VADS)1 sont la partie haute des systèmes respiratoire et digestif. Elles sont constituées des organes qui permettent le passage de l'air et des aliments : les fosses nasales, les sinus, la bouche, le pharynx, le larynx. On compte plus de 14 000 nouveaux cas cancers des VADS en France. Ces cancers se situent au 5e rang des cancers les plus fréquents. Ils concernent principalement les hommes (75 % des nouveaux cas).
A l’origine, on retrouve le plus souvent une consommation de tabac et d’alcool, même s’il ne s’agit pas de la seule explication (l’exposition à des produits toxiques dans le cadre d’une activité professionnelle même ancienne peut être impliquée). Le rôle cancérigène des virus (comme le papillomavirus) a été récemment révélé, en particulier pour les cancers de l’oropharynx.
La prise en charge des cancers VADS
Face à ces cancers, une intervention chirurgicale et/ou une radiothérapie sont généralement proposées, associées ou non à une chimiothérapie ou des traitements ciblés2. Mais ces cancers sont trop souvent détectés trop tardivement (les dentistes ont notamment été sensibilisés pour cette détection précoce). Les formes avancées (métastatiques ou récidivantes) ne peuvent être guéries. Elles ont un pronostic très sombre n’excédant en moyenne pas une année. Le traitement repose alors sur une chimiothérapie associée ou non au cetuximab (Erbitux ®), une thérapie ciblant et bloquant le récepteur au facteur de croissance épidermique (epidermal growth factor receptor, EGFR) surexprimé à la surface de certaines cellules tumorales. Une faible proportion des patients répond à cette thérapie ciblée (de précédentes études ont suggéré que les tumeurs liées à une infection par un papillomavirus répondraient moins à cette molécule). Face à ces tumeurs particulièrement difficiles à traiter, une étude présentée lors du congrès de l’ASCO 2015 offre de nouveaux espoirs.
L’immunothérapie ouvre de nouvelles perspectives pour les formes avancées
Les chercheurs ont recruté 132 patients atteints d’un carcinome épidermoïde de la tête et du cou récurrent ou métastatique (dont 59 % avaient déjà reçu au moins deux lignes de traitements)3. Ces derniers ont reçu une dose fixe de 200 mg de pembrolizumab (KEYTRUDA®) administrée par perfusion toutes les trois semaines. Ce médicament développé par MSD est un anti-PD1, qui bloque la voie PD1/PD-L1 par laquelle la cellule cancéreuse réussit à tromper la vigilance du système immunitaire4.
Résultat : 57 % des patients ont présenté une certaine diminution de la taille de leur tumeur. Une stabilisation de la maladie a été rapportée chez près d’un quart d’entre eux (24,8%, dont 26,3% chez les patients de HPV-négatif et 20,6% chez les patients de HPV-positif). Le médicament a été bien toléré : moins de 10 % des patients ont connu des effets secondaires graves. Les effets indésirables les plus courants étaient la fatigue, les éruptions cutanées et des démangeaisons. Les effets les plus redoutés, ceux liés au système immunitaire tels que des infections pulmonaires ou des colites, n’ont été rapportés que très rarement. "L'efficacité observée est remarquable : le pembrolizumab semble être à peu près deux fois plus efficace, en termes de réponse au traitement, que le cetuximab le seul traitement ciblé disponible (…) Nous avons grand espoir que l’immunothérapie va changer la façon dont nous traitons ces cancers" s’enthousiasme le principal auteur de l’étude le Pr. Tanguy Seiwert de l'Université de Chicago.
Des résultats qui restent à confirmer
Les bénéfices en termes de survie ne sont pas encore connus mais l’auteur se veut confiant : "Nous savons grâce à une utilisation plus ancienne de l’immunothérapie dans d'autres maladies, que les patients qui voient leur maladie se stabiliser ou même qui connaissent une progression de la maladie après avoir reçu l'immunothérapie peuvent finalement tirer d'importants bénéfices de ces traitements, qui se traduisent par une plus longue survie".
Dès maintenant, ces résultats prouvent que l’immunothérapie donne des résultats pour de nombreuses tumeurs jusqu’alors sans traitement satisfaisant, au-delà du mélanome pour lequel des médicaments sont déjà commercialisés. Mais des études plus grandes et plus longues sont nécessaires avant de changer les pratiques cliniques. Elles devront évaluer la survie des patients atteints de formes avancées de cancers VADS traités par pembrolizumab, ainsi que sa toxicité à long terme. Ces études de phase 3 sont déjà en cours.