Métastases cérébrales : leur traitement doit évoluer
Survenant dans différentes parties du corps, un cancer peut s’étendre au cerveau et provoquer des tumeurs secondaires. Ces métastases cérébrales représentent la majorité des tumeurs intracrâniennes, avec près de 30 000 nouveaux cas par an. Neurochirurgien à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, le Dr Marc Lévêque fait le point sur leur traitement.
Les métastases cérébrales sont différentes des cancers du cerveau primitifs (ceux qui se développent à partir des cellules du cerveau). Ces cancers secondaires se développent dans le cerveau à partir de cellules cancéreuses provenant d’une tumeur qui est née dans un autre organe.
Les métastases cérébrales : une complication fréquente des cancers avancés
Les métastases cérébrales surviennent chez environ 20 % des patients atteints de tumeurs solides. "Les mélanomes, les choriocarcinomes, les cancers du poumon, du sein, du rein peuvent se propager fréquemment au niveau cérébral. D’autres cancers peuvent éventuellement connaître de telles complications, comme les cancers digestifs et de l'appareil urinaire" précise le Dr Marc Lévêque, neurochirurgien à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris et membre du comité d’experts de Doctissimo.
En fonction de la localisation, les conséquences peuvent être nombreuses : maux de tête, troubles mentaux, crises convulsives, problèmes d’élocution, troubles visuels, troubles sensoriel, troubles moteurs… Ces métastases ont ainsi un impact très important sur la qualité de vie et la survie des patients.
Le difficile traitement des métastases cérébrales
Le traitement des métastases cérébrales vise à limiter leur croissance et à soulager les symptômes neurologiques1.
En tenant compte du nombre, de la taille et de l’emplacement des métastases, de l’état de santé du malade et du cancer initial, les options thérapeutiques reposent sur la chirurgie, la chimiothérapie (même si la barrière hématoencéphalique limite sa diffusion au niveau cérébral), la radiothérapie du cerveau entier, la radiochirurgie, la corticothérapie (pour réduire les oedèmes cérébraux), des antiépileptiques en cas de crises convulsives, les soins palliatifs et une combinaison de ces différentes options. L’évaluation du patient et sa prise en charge doit être pluridisciplinaire afin de proposer un traitement "sur mesure" aux patients pour ces cancers au pronostic souvent sombre.
Schématiquement, la chirurgie permet d’enlever la métastase lorsqu’elle est unique, volumineuse, accessible (dans une zone cérébrale non stratégique) et que l'état de santé global de la personne le permet. Quand il y a plusieurs métastases ou qu’elle n’est pas accessible à la chirurgie, on recourt alors à la radiochirurgie ou à la radiothérapie.
Radiochirurgie ou radiothérapie pancérébrale ?
Face aux métastases cérébrales, deux techniques de radiothérapie2 existent aujourd’hui :
- La radiothérapie du cerveau entier (RTCE) ou radiothérapie pancérébrale ou irradiation encéphalique"in-toto". Il s’agit d’administrer des doses de radiothérapie fractionnées à l’ensemble du cerveau. La dose, à chaque séance, est moins importante car l’ensemble du parenchyme cérébral est exposé (les tissus sains et les tissus cancéreux). Ce qui n’est pas sans conséquence sur la cognition.
- La radiochirurgie ou radiothérapie stéréotaxique. Cette dernière consiste à administrer un faisceau de rayons X ou Gammaqui vont couvrir très précisément la tumeur pour la rendre inerte. Différents appareils permettent d’allier une forte dose de rayons et une très grande précision : le gammaknife, le cyberknife et le LINAC.
"Aujourd'hui, chaque fois que l'on peut, nous privilégions la radiochirurgie, qui permet un traitement beaucoup plus ciblé et qui ne possède pas la toxicité neurocognitive de l'irradiation de l'encéphale en totalité. Nous réservons l'irradiation complète aux patients ayant de très nombreuses lésions cérébrales et à condition qu'elles soient "radiosensibles" c'est à dire qu'elles répondent à une irradiation fractionnée" précise le Dr Lévêque.
Les patients bénéficient ensuite d’un suivi en imagerie : une IRM un mois après le traitement, puis tous les trois mois.
Pas de RTCE après radiochirurgie
Certaines équipes, notamment en Amérique du Nord, associent une radiothérapie pancérébrale à la radiochirurgie, pour théoriquement réduire le risque de voir réapparaître d’autres métastases non visibles lors du traitement. Mais d’autres ne préfèrent pas y recourir, compte-tenu des effets secondaires liés à cette irradiation du cerveau entier, notamment sur le plan cognitif. Et l’étude publique présentée dans le cadre de l’ASCO 2015 leur donne raison3.
Dans cette étude, 213 patients ont été répartis au hasard pour bénéficier d’une radiochirurgie ou d’une radiochirurgie suivie par une irradiation du cerveau entier. Tous les patients avaient 1 à 3 métastases cérébrales de petite taille (jusqu’à 3 cm). Trois mois après l’intervention, plus de patients ont connu un déclin cognitif parmi ceux ayant reçu une RTCE (92 %) que dans le groupe radiochirurgie seule (64 %)4. L'analyse des données concernant la qualité de vie n'a pas encore été achevée. De plus, la RTCE n'a pas augmenté de manière significative la survie des patients, bien qu’elle ait permis de mieux contrôler la croissance des métastases cérébrales.
Les auteurs recommandent donc un changement des pratiques avec l’abandon des RTCE après radiochirurgie. Cette même étude financée par des fonds publics américains va comparer les deux techniques de radiothérapie après chirurgie d’une métastase. Les résultats devraient être disponibles prochainement.
Les pratiques doivent changer en faveur de la radiochirurgie
Cette étude mais également d’autres tendent de plus en plus à limiter encore les indications de la radiothérapie du cerveau entier aux cas avec de très nombreuses métastases, en traitement de secours ou lors des phases palliatives. Car on sait aujourd’hui que cette technique est délétère sur le plan cognitif. Mais dans les faits, les pratiques tardent à changer. Les risques de la radiothérapie du cerveau entier dépassent les avantages pour les patients avec un nombre limité de métastases cérébrales.
"Mais la radiochirurgie reste en France une technique récente accessible uniquement dans certains centres… Résultat : certains patients qui pourraient être candidats à la radiochirurgie reçoivent encore des radiothérapies pancérébrales. Au-delà de la formation des professionnels de santé, le changement des pratiques passera aussi par une meilleure information des patients" conclut le Dr Marc Lévêque.
Les choix thérapeutiques doivent se baser sur la prise en compte des bénéfices mais également des risques, en suscitant une réelle décision partagée entre les professionnels de santé et les patients. Mieux informés des conséquences de son traitement, le patient pourra pleinement participer de manière éclairée à sa prise en charge.