L’hypoesthésie : que cache cette baisse de sensibilité ?
Quelle soit passagère ou aiguë, une baisse de la sensibilité n’est jamais anodine. Quelles sont les causes, les symptômes de l’hypoesthésie et comment la traiter ? Le docteur Michel Vastène, neurologue à la Clinique du Parc à Castelnau-Le- Lez (Hérault), fait le point.
Comment reconnaître une hypoesthésie ?
L’hypoesthésie ("Hypo" signifie en grec "moins" et aisthêsis signifie "sensibilité") est un trouble sensitif correspondant à une diminution de la sensibilité. "La perte de sensibilité n’est pas alors totale sinon on parlerait d’anesthésie", indique le docteur Michel Vastène, neurologue à la Clinique du Parc à Castelnau-Le- Lez (Hérault). A l’opposé de l’hypoesthésie, il existe des troubles sensitifs correspondant à une sensibilité trop forte. Dans ce cas on parle d’hyperesthésie. L’hypoesthésie peut toucher n’importe quelle partie du corps. On peut la retrouver au niveau d’une jambe, d’un pied, d’un orteil, d’une main, du visage, d’un hémicorps ainsi que sur des zones inhabituelles comme la langue.
Quelles sont les causes de l'hypoesthésie ?
L’hypoesthésie est un symptôme qui se produit en cas de lésion nerveuse au niveau des nerfs périphériques, du cerveau ou de la moelle épinière. Un traumatisme de fibres nerveuses, une maladie peuvent en être l’origine. Il peut s’agir d’un AVC, d’une sclérose en plaques, d’une tumeur cérébrale, d’un syndrome du canal carpien, d’une sciatique, de névralgies faciales…
"L’hypoesthésie fonctionne un peu comme un circuit électrique, compare le spécialiste. Si l’on coupe les fils à un endroit, il n’y aura plus de lumière à un autre endroit. Un AVC qui se situe au niveau du lobe pariétal droit peut provoquer une hémiplégie et des troubles sensitifs du côté gauche. Tout cela a une logique", affirme-t-il. "Normalement les fibres sensitives des nerfs d’une main remontent vers le bras, arrivent dans la moelle épinière en passant de l’autre côté, et remontent jusqu’au cerveau. Cela se termine dans le lobe pariétal selon une topographie très particulière qui est la même pour chacun. Par exemple la sensibilité du côté gauche du corps est située dans le lobe pariétal droit (voir schéma). La face c’est dans la partie externe inferieur du cerveau. La jambe c’est à l’intérieur du lobe pariétal à l’intérieur du cerveau".
Quels sont les symptômes associés à l'hypoesthésie ?
L’hypoesthésie peut s’accompagner de paresthésies (picotements, fourmillements). L’hypoesthésie peut parfois être douloureuse avec une sensation de brûlure ou de douleur permanente désagréable ou encore un sensation de décharges électriques. Peut également se produire une polynévrite (plusieurs nerfs périphériques enflammés). "C'est le cas par exemple chez une personne qui a tendance à boire trop d’alcool", explique le docteur Michel Vastène. "Dans ce cas l’hypoesthésie a lieu sur les deux pieds accompagnée d’une sensation de paresthésies et de douleur".
L’hypoesthésie peut apparaitre de manière aigue ou survenir de manière progressive et chronique.
Comment s’effectue le diagnostic en cas d'hypoesthésie ?
Pour poser son diagnostic le médecin procède d’abord à un examen clinique. Il repère la topographie de l’hypoesthésie qui peut être située sur tout un côté du corps, les deux pieds, les deux mains…
Le docteur poursuit son diagnostic en interrogeant le patient sur ses habitudes. Boit-il de l’alcool régulièrement et en grande quantité (notamment si l’hypoesthésie est située sur les deux pieds), est-il diabétique, insuffisant rénal, a-t-il des rhumatismes, une hypothyroïdie, un déficit de certaines vitamines, un problème de tumeur maligne, emploie-t-il des produits toxiques (plomb, produit neurotoxique utilisés en agriculture), quel est son métier, est-ce qu’il a eu une blessure particulière récente ? Le médecin repère également lors de cet examen les signes cliniques comme des troubles moteurs (hémiplégie), des troubles visuels (champ visuel limité d’un côté / baisse de la vision sur un seul œil notamment en cas de sclérose en plaques). La survenue aigue ou chronique est aussi un indicateur.
En fonction de ces éléments et de la topographie, le médecin pourra demander des examens complémentaires comme une IRM ou un scanner du dos, une IRM cérébrale, un électromyogramme. Le médecin peut prescrire des examens sanguins notamment pour rechercher un syndrome inflammatoire (dans le cas de tumeur maligne, de lupus, de rhumatisme à l’origine de la lésion des nerfs), un diabète, une insuffisance rénale, un problème hépatique (en cas d’alcoolisme)…
Quelles sont les conséquences de l'hypoesthésie ?
L’hypoesthésie peut être une urgence notamment en cas d’AVC ou de syndrome de Guillain-Barré. "Le syndrome de Guillain-Barré est une atteinte des nerfs périphériques rapidement ascendante et extensible en quelques jours", décrit le neurologue. "L’hypoesthésie s’installe par les pieds, le patient sent des paresthésies au niveau des pieds, puis petit à petit le phénomène remonte sur tout l’ensemble des membres inférieurs puis les mains. Une paralysie survient simultanément. Tout peut s’enchainer très vite pour déboucher sur une tétraplégie et des troubles respiratoires. Il s’agit d’une urgence qui nécessite une hospitalisation avec la réalisation d’un électromyogramme et d’une ponction lombaire".
Si l'engourdissement survient de façon brutale, d'un seul côté du corps, et qu'il dure plus de 5 minutes, il est impératif d'appeler les secours (15 ou 112) car il peut être question d'un accident vasculaire cérébral (AVC).
Si la cause de l’hypoesthésie est moins urgente (si les symptômes s’installent progressivement), le phénomène ne doit pas pour autant être négligé. Il nécessite une consultation chez son médecin ou neurologue pour réaliser un bilan. "Un AVC léger a peut-être eu lieu et a pu passer inaperçu", indique le docteur Michel Vastène. "Il est important de réaliser des examens supplémentaires pour éviter la récidive".
Comment traiter l'hypoesthésie ?
L’hypoesthésie est un symptôme révélateur d’un problème de santé. Il peut s’améliorer lorsque la maladie à l’origine est traitée (rééquilibrage d’un diabète, correction de l’insuffisance rénale, traitement contre la sclérose en plaques, traitement d’un AVC, d’une tumeur cérébrale, arrêt d’alcool en cas d’alcoolisme…). "Dans le cas du syndrome de Guillain-Barré une prise en charge en réanimation s’impose car il y a un risque de décompensation respiratoire, signale le neurologue. On réalise le plus souvent des perfusions de veinoglobulines pour lutter contre le dérèglement immunitaire".
Quelle prévention ?
De manière générale, afin de minimiser le risque d’AVC, il est important de faire contrôler par son médecin sa tension artérielle au moins une fois par an et de réaliser une prise de sang permettant de surveiller son taux de cholestérol. Ne pas fumer, boire modérément, manger sainement, pratiquer de l’activité physique régulière, contribuent également à rester en bonne santé. Il est bon aussi d’écarter les signes d’apnées du sommeil.