Aide médicale de l'Etat : la communauté médicale s'oppose à sa réduction
La suppression de l'Aide médicale de l'Etat a été validée par le Sénat. Mais le texte doit encore passer devant l'Assemblée nationale. Avant cet examen, de nombreuses sociétés savantes, syndicats de médecins, de centres hospitaliers... montent au créneau pour s’opposer à cet amendement.
Aide médicale d’Etat : de quoi parle-t-on ?
L'Aide médicale de l'État (AME) est un dispositif d’aide sociale permettant aux étrangers en situation irrégulière résidant sur le territoire français depuis plus de 3 mois (dès le 1er jour pour les enfants) et sous condition de ressources, de bénéficier d'une prise en charge de leurs soins en médecine de ville et à l’hôpital dans la limite des tarifs de la sécurité sociale et avec un panier de soins réduit. Ce dispositif doit être renouvelé tous les ans et concernait, en 2022, 415 000 bénéficiaires pour un budget estimé à environ un milliard d’euros soit moins de 0,5% des dépenses totales de santé.
Malgré une forte mobilisation de soignants et de scientifiques, un amendement proposant la suppression de l’AME, au profit d’une "aide médicale d’urgence" au périmètre restreint a été voté au Sénat le 7 novembre 2023 lors de l’examen du projet de loi immigration.
25 sociétés savantes et groupes professionnels contre la réduction de l'AME
Ce texte doit désormais passer devant l’Assemblée nationale en décembre et c’est pourquoi 25 sociétés savantes et groupes professionnels se mobilisent aujourd’hui pour s’opposer à cette limitation et au retard de l’accès aux soins d’une population déjà particulièrement vulnérable.
Selon eux, une telle décision conduirait à une augmentation du recours aux soins hospitaliers urgents, plus complexes et plus coûteux. Ils qualifient cet amendement de "non-sens sur le plan de la santé publique, mais aussi économique, et n’est ni plus ni moins qu’une atteinte grave aux principes des droits humains garantissant un droit à la santé et aux soins pour toutes et tous sur le territoire français et européen".
Une décision qui pourrait aggraver la situation des hôpitaux
Face à l’argument selon lequel cette AME constituerait un appel d’air pour l’immigration clandestine, les signataires soulignent que "les motifs de départ sont le plus souvent en lien avec les études, d’ordre économique, familial ou liés à l’insécurité". De plus, le dispositif est actuellement si complexe que "près de la moitié des étrangers éligibles à l’AME n’y ont pas recours y compris parmi ceux atteints de maladies chroniques".
L’impact sur le renoncement aux soins de cette population augmenterait par contre les retards au diagnostic et aux traitements et donc la prise en charge au final de pathologies à un stade avancé et des sorties d’hospitalisation en soins de suites et de réadaptation quasi-impossibles, "faisant alors peser les coûts sur le système hospitalier public déjà largement fragilisé".
Un non-sens économique, sanitaire et éthique
La même décision pris en Espagne en 2012 a conclu à une augmentation de l’incidence de certaines maladies (y compris transmissibles) ainsi qu’à une augmentation du taux de mortalité dans cette population, conduisant le gouvernement espagnol à reculer et à rétablir cet accès aux soins.
Les signataires estiment ainsi que "loin de limiter les dépenses, la suppression de l’AME ferait porter sur le système hospitalier public le poids de décisions politiques éloignées de la réalité et en contradiction avec les principes de santé publique, sans compter les surcoûts que cela entrainera comme cela a été démontré ailleurs".
Que prévoit l'Aide Médicale d'Urgence censée remplacer l'AME ?
Le projet de loi immigration prévoit donc de remplacer l'AME par une aide médicale d'urgence, plus restrictive. L'accès aux soins pour les étrangers en situation irrégulière est réduit à un socle recentré sur les maladies graves, les soins liés à la grossesse, les vaccinations et les examens de médecine préventive.
Au total, des sociétés savantes, collèges, fédérations, syndicats et associations médicales (liste ci-dessous) appellent les députés de l’Assemblée nationale et le gouvernement à ne pas supprimer l’Aide médicale d’état et à s’opposer à toutes restrictions de son périmètre.
Liste des signataires :
Sociétés savantes
- Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF)
- Société française de lutte contre le Sida (SFLS)
- Société française de médecine d'urgence (SFMU)
- Société française de santé publique (SFSP)
- Collège de la médecine générale (CMG)
- Société de réanimation de langue française (SRLF)
- Société française de pédiatrie (SFP)
- Société francophone de médecine tropicale et de santé internationale (SFMTSI)
- Collège national des généralistes enseignants (CNGE)
- Société française de pneumologie de langue française (SPLF)
- Société de formation thérapeutique du généraliste (SFTG)
- Société de médecine des voyages (SMV)
- Société Française de Gériatrie et de Gérontologie (SFGG)
- Société française de microbiologie (SFM)
- Société française de virologie (SFV)
Autres groupes professionnels
- Coordination nationale des PASS
- Conférence nationale des présidents de CME et de CMG des Centres Hospitaliers (CMECH)
- Conférence nationale des présidents de CME des Centres Hospitalo-Universitaires (CMECHU)
- Fédération nationale des centres de santé (FNCS)
- Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS)
- Syndicat national des médecins de PMI (SNMPMI)
- Comité consultatif national d’éthique (CCNE)
- SAMU Urgences de France (SUDF)