“Face à une épreuve difficile, les gens découvrent des réserves en eux, qui peuvent les amener à un sevrage réussi” - Yves Martinet, président du CNCT
En plein confinement, vous commencez à faire un bilan sur votre consommation de cigarettes et l’idée d’arrêter commence à émerger. Mais dans une situation où règnent stress, manque d’exercices et de divertissement, vous avez peur de l’échec et que la situation ne soit pas idéale pour réussir votre sevrage. Le professeur Yves Martinet, président du Comité National Contre le Tabagisme, dévoile ses conseils.
Doctissimo : Arrêter de fumer pendant le confinement, est-ce recommandé ?
Professeur Yves Martinet : Oui, car si l’on attend le bon moment pour arrêter de fumer, on ne le fera jamais. On peut éventuellement conseiller une réduction progressive pour aller vers un arrêt définitif mais il faudra une prescription de substituts nicotiniques. Cela peut sembler difficile mais les fumeurs ont beaucoup plus de ressources qu’ils ne le pensent. Face à une épreuve difficile, les gens découvrent des réserves en eux, qui peuvent les amener à un sevrage réussi.
Quelles peuvent être les raisons pour profiter de cette période pour arrêter de fumer ?
Professeur Yves Martinet : Quel que soit le stimulus qui nous pousse à arrêter, que ce soit pour sa santé, pour une question de budget ou n’importe quel autre motif, il faut tout faire pour arrêter. Mais particulièrement en période de confinement, souvent dans des appartements exigus, on peut vouloir le faire pour protéger ses proches avec qui l’on est confiné. Pour éviter le tabagisme passif au domicile, on n’a pas tellement le choix.
Quels sont les liens entre stress et tabagisme ?
Professeur Yves Martinet : Cette période est stressante pour tout le monde. Mais il faut savoir que passés les premiers jours de sevrage tabagique, les études scientifiques montrent qu’arrêter de fumer diminue les niveaux de stress, d’anxiété et de dépression. On croit souvent à tort que les gens fument car ils sont stressés alors qu’en réalité, les fumeurs sont stressés parce qu’ils fument. Alors oui, au moment de l’arrêt, les premiers jours sont difficiles mais le stress diminue progressivement au fil des jours et des semaines. Ce n’est pas la peine de prendre des médicaments contre le stress, les seuls traitements efficaces sont les substituts nicotiniques.
En quoi le tabac est-il particulièrement dangereux en pleine pandémie de coronavirus ?
Professeur Yves Martinet : Si un fumeur tombe malade, la pathologie sera plus sévère que pour un non-fumeur. Cela s’explique par le fait que le tabac altère les capacités respiratoires. Donc si l’on est malade, le corps a moins de réserve pour faire face.
Quant au risque de propagation du virus, une personne fumeuse qui est Covid-19 positive a plus de risque de contaminer son entourage. En effet, les fumeurs exhalent de la fumée qui contient des particules fines sur lesquelles peuvent se fixer les virus. Ces particules deviennent donc infectantes.
Que penser du maintien de l’ouverture des tabacs, considérés comme des commerces essentiels ?
Professeur Yves Martinet : C’est une démonstration immédiate que la cigarette est une drogue dure. Si on laisse les tabacs ouverts, c’est parce qu’il y a 12 millions de personnes toxicomanes à la nicotine en France. Si on les fermait, ce serait l’émeute. Cette décision n’a pas été prise pour rendre service à la population, la nicotine n’est pas un produit de première nécessité. C’est une décision sage mais qui prouve qu’il s’agit bien d’une drogue.
Quelle aide au sevrage peut-on recevoir pendant cette période ?
Professeur Yves Martinet : Pour les fumeurs qui n’arrivent pas à se sevrer par eux-mêmes, il ne faut pas hésiter à appeler Tabac info service (3989) ou prendre avis auprès de son médecin traitant, son pharmacien habituel, ou encore appeler un addictologue dans un service spécialisé. Des téléconsultations sont disponibles, elles permettent aux gens de se sentir aidés, confortés dans leur démarche, cela leur apporte un soutien psychologique.
Quelle est la méthode la plus efficace pour arrêter de fumer ?
Professeur Yves Martinet : Le meilleur moyen pour un sevrage tabagique réussi est d’avoir recours aux substituts nicotiniques et de les associer. On va choisir une forme cutanée (le patch), pour avoir un taux de nicotine constant dans le sang à laquelle on ajoute une forme orale, qui va permettre de gérer une envie importante au moment où elle arrive. Il ne faut pas hésiter à prendre la bonne quantité, définie en fonction des habitudes du fumeur, après discussion avec un professionnel. Pour la forme orale, le fumeur adapte la dose à ses besoins, à ses envies de fumer.
Que dire pour encourager les gens à arrêter de fumer ?
Professeur Yves Martinet : Rappelons que les bénéfices de l’arrêt sont ressentis dès les premiers jours qui suivent la dernière cigarette. Si on arrête de fumer à 30 ans, on gagne 10 ans de vie confortable, si on arrête à 60 ans on gagne 3 à 4 ans de vie confortable. Il n’est jamais trop tard pour arrêter.
Que penser de la cigarette électronique ?
Professeur Yves Martinet : Le risque de contamination par le Covid-19, se fait sur le même principe que pour la cigarette classique. La vapeur expirée crée un nuage, on y expire des microparticules sur lesquelles le virus peut se fixer.
Quant à l’usage de la cigarette électronique, pour l’instant, nous ne disposons pas de preuve objective pour démontrer son efficacité pour arrêter de fumer. Les seules observations qui ont été faites jusque-là sont que les fumeurs qui passent à ce dispositif, vont arrêter mais vont rechuter plus fréquemment que ceux qui ont arrêté avec les substituts nicotiniques. Attention, vapoter et réduire le nombre de cigarettes fumées est sans bénéfice pour la santé du fumeur.
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