Maladie de Gilbert : une pathologie du métabolisme hépatique sans gravité
Bien qu'elle soit qualifiée de "maladie", la maladie de Gilbert est davantage une "bizarrerie", selon les termes du Pr Philippe Labrune, chef de pédiatrie à l'hôpital Antoine-Béclère à Paris et spécialiste des maladies rares du métabolisme hépatique. Egalement appelée "syndrome de Gilbert" ou "cholémie familiale", cette affection du foie est fréquente, sans gravité et ne nécessite aucun traitement.
La maladie de Gilbert fait partie des hyperbilirubinémies (augmentation du taux de bilirubine, principal colorant de la bile) constitutionnelles, au même titre que la maladie de Crigler-Najjar, celle Rotor et la pathologie de Dubin-Johnson. Des pathologies héréditaires qui se manifestent toutes par un ictère, autrement dit une jaunisse, généralement peu sévère. Ce trouble n'est pas une maladie du foie mais une maladie bénigne.
Définition : qu'est-ce que la maladie de Gilbert ?
La cholémie familiale est une affection hépatique héréditaire due à un défaut d'élimination de la bilirubine, un pigment biliaire issu de la dégradation de l'hémoglobine. En cause : un déficit partiel d'une enzyme intervenant dans le transport de la bilirubine (la bilirubine glucuronosyltransférase hépatique), jusqu'au foie. Ce déficit provoque une élévation de la concentration sanguine en bilirubine non conjuguée (ou bilirubine libre), engendrant une hyperbilirubinémie. Une mutation génétique à l'origine de cette diminution de l'activité hépatique a été identifiée en 1995.
Quelles sont les causes de cette pathologie héréditaire du foie ?
Ce syndrome est loin d'être une maladie rare, souligne le Pr Philippe Labrune, chef de pédiatrie à l'hôpital Antoine Béclère à Paris et spécialiste des pathologies rares du métabolisme hépatique. Environ 5 % de la population est atteinte de ce trouble. D'après le spécialiste, cette prévalence ne reflète en outre que la proportion de gens chez qui le diagnostic du syndrome de Gilbert a été posé. "Depuis 1995, on sait que beaucoup plus de gens sont atteints mais l'ignorent."
La prévalence de la cholémie familiale atteindrait en réalité 16 %, tandis que 40 % des gens seraient porteurs de l'anomalie génétique. Celle-ci se transmet selon un mode autosomique récessif, c'est-à-dire que les deux parents doivent être porteurs de la mutation génétique pour la transmettre à leur enfant.
Fatigue, bilirubine élevée, hyperbilirubinémie, peau jaune...Quels sont les symptômes de la maladie de Gilbert ?
Les principaux symptômes de ce syndrome sont:
- Des poussées d'ictère isolées et modérées, entraînant une coloration jaune des conjonctives de l'œil, comme le décrit le Pr Labrune. Ces "jaunisses" passent le plus souvent inaperçues, expliquant le taux élevé de malades qui s'ignorent.
- "Certains adolescents et adultes se plaignent parfois de douleurs abdominales et de nausées, mais on ne sait pas si ces symptômes sont une cause ou une conséquence de la maladie de Gilbert", ajoute le Pr Labrune. Avant de préciser : "Cette affection hépatique est parfaitement bénigne."
Certains facteurs favorisent les poussées d'ictère en particulier :
Elles ont en commun d'engendrer la production d'hormones (le glucagon en cas de jeûne, l'adrénaline et la noradrénaline dans les autres cas) qui stimulent la production de bilirubine. "Or, les patients atteints de la maladie de Gilbert ont justement des capacités d'élimination de la bilirubine limitées." Résultat : la bilirubine s'accumule dans le sang, provoquant une hyperbilirubinémie.
Comment diagnostiquer le syndrome de Gilbert ?
En raison du caractère bénin de la cholémie familiale, celle-ci n'est pas systématiquement recherchée chez les patients. Dans la majorité des cas, le diagnostic de la maladie de Gilbert est posé de manière fortuite, à l'occasion d'un examen systématique ou d'analyses sanguines, et en présence d'antécédents familiaux.
Des analyses de sang peuvent néanmoins être proposées aux parents d'un nourrisson faisant un ictère sévère ainsi que chez les personnes recevant certains traitements. En effet, "certains médicaments étant dégradés via les mêmes mécanismes que ceux utilisés pour dégrader la bilirubine, ces médicaments peuvent devenir toxiques s'ils sont mal ou insuffisamment dégradés", souligne le Pr Labrune. C'est le cas notamment de certaines chimiothérapies et de certains traitements anti-VIH.
Traitement : est-ce que le syndrome de Gilbert se soigne ? Comment le soigner ?
Dans la mesure où cette pathologie n'est pas une grave maladie du foie, elle ne nécessite aucun traitement ni aucun suivi. Le patient peut poursuivre le régime alimentaire de son choix, avec les mêmes recommandations que pour tout un chacun pour maintenir une bonne hygiène de vie :
- Privilégier de bonnes habitudes alimentaires en adoptant une alimentation équilibrée ;
- Limiter sa consommation d'alcool pour limiter le risque de maladie du foie ;
- Pratiquer une activité physique de manière régulière et notamment des exercices physiques intenses ;
- L'éviction de situations stressantes.
Maladie de Gilbert et cancer : un possible effet protecteur
Différents travaux ont mis en évidence le fait qu'une bilirubinémie non conjuguée modérée dans le syndrome de Gilbert aurait un effet protecteur contre certains cancers. Celle-ci aurait également un rôle vasculaire protecteur.