Des amputés contrôlent une main bionique par la pensée, via une technologie sans fil ni électrodes

David Bême Rédacteur en chef

Une avancée médicale permet désormais aux amputés de contrôler une main bionique par la pensée grâce à une interface myocinétique unique. Cette dernière capte les mouvements musculaires via des aimants implantés dans les muscles résiduels du bras amputé et les interprète en mouvements, offrant ainsi un contrôle précis et intuitif des gestes. Cette technologie promet de révolutionner la vie quotidienne des patients.

Une interface sans fil permet un contrôle par la pensée

Pas de fils, pas de connexion électrique, seulement des aimants et des muscles pour contrôler les mouvements des doigts et permettre des activités quotidiennes comme ouvrir un bocal, utiliser un tournevis, ramasser une pièce de monnaie, utiliser ue fermeture éclair…

Une équipe de recherche de l'Institut BioRobotics de la Scuola Superiore Sant'Anna de Pise, coordonnée par le professeur Christian Cipriani, a développé une interface radicalement nouvelle entre le bras résiduel de l'amputé et la main robotisée capable de décoder les intentions motrices.

Contrairement aux systèmes traditionnels utilisant des électrodes de surface, cette nouvelle technologie repose sur une interface myocinétique. Le système consiste à implanter de petits aimants dans les muscles de l'avant-bras restant. "L’avant-bras est composé de 20 muscles, dont beaucoup contrôlent les mouvements de la main. De nombreuses personnes ayant perdu une main continuent à avoir l’impression qu’elle est toujours en place et que les muscles résiduels bougent en réponse aux commandes du cerveau", explique Cipriani.

L'équipe de recherche a cartographié ces mouvements et les a traduits en signaux pour guider les doigts de la main robotique. Les aimants ont un champ magnétique naturel qui peut être facilement localisé dans l'espace. Lorsque le muscle se contracte, l'aimant bouge et un algorithme spécial traduit ce changement en une commande spécifique pour la main robotique.

"J'ai l'impression de bouger ma propre main"

Daniel a perdu sa main gauche en septembre 2022. Il a été sélectionné comme volontaire pour l’étude car il ressentait encore la présence de sa main et les muscles résiduels de son bras répondaient à ses intentions de mouvement. Six aimants ont été implantés dans le bras de Daniel. Pour chacun d'eux, l'équipe de chirurgiens et de médecins a localisé et isolé le muscle, positionné l'aimant et vérifié que le champ magnétique était orienté de la même manière.

"Pour faciliter la connexion entre le bras résiduel où les aimants ont été implantés et la main robotisée, nous avons réalisé une emboîture prothétique en fibre de carbone contenant le système électronique capable de localiser le mouvement des aimants", explique Cipriani.

Les résultats de l'expérience ont dépassé de loin les attentes les plus optimistes. Daniel était capable de contrôler les mouvements de ses doigts, de saisir et de déplacer des objets de différentes formes, d'effectuer des actions classiques du quotidien comme ouvrir un bocal, utiliser un tournevis, couper avec un couteau, fermer une fermeture éclair… Il était capable de contrôler la force lorsqu'il devait saisir des objets fragiles. "Ce système m'a permis de récupérer des sensations et des émotions perdues : j'ai l'impression de bouger ma propre main" s’enthousiasme Daniel.

Des applications possibles pour d'autres types de handicap

"Voir le résultat de plusieurs années de recherche dans cette étude a été une grande émotion. Travailler avec Daniel nous a fait prendre conscience que nous pouvons faire beaucoup pour améliorer sa vie et celle de beaucoup d'autres personnes. C'est la plus grande motivation qui nous pousse à continuer notre travail et à toujours faire mieux" explique Marta Gherardini, professeure adjointe à la Scuola Superiore Sant'Anna et première auteure de l'étude.

Fort de ces résultats impressionnants, le Pr Cipriani se dit prêt à étendre cette technique à une gamme plus large d'amputations.