Retour de la lèpre aux Etats-Unis : et en France, c’est possible ?
Alors qu’elle semblait avoir disparu depuis longtemps dans les pays occidentaux, la lèpre fait un retour remarqué en Floride, aux Etats-Unis, où elle est en passe de devenir endémique. Doit-on s’attendre à voir apparaître des cas en France ? Le Dr Gérald Kierzek, médecin urgentiste et directeur médical de Doctissimo, nous répond.
Maladie oubliée dans les pays occidentaux, la lèpre pourrait bien devenir endémique dans le centre de la Floride. Parmi les 159 cas confirmés en 2020 dans les états du sud des Etats-Unis, un sur cinq concernait un habitant de Floride, rapporte un article émis par le Centre de contrôle et de prévention des maladies américain (CDC) ce mois d’août. Une information inquiétante.
Des infections qui ont eu lieu sur le sol américain
La reprise de cette maladie pose question aux scientifiques. Historiquement, la lèpre, causée par la bactérie Mycobacetrium leprae, n’est pas commune aux Etats-Unis. Les cas relevés notamment dans les années 1980 jusqu’aux années 2000 concernaient principalement des immigrés venus des pays dans lesquels la maladie est toujours endémique de nos jours (Asie du Sud et du Sud-Est, Amérique latine et Afrique).
Mais le rapport publié indique que 34 % des cas de lèpre aux États-Unis sont aujourd’hui autochtones, sans exposition à des animaux réservoirs ou des facteurs de risques connus. Le cas d’un homme de 54 ans est donné en exemple : sans avoir voyagé, sans avoir été en contact avec des animaux ou des personnes infectées, l’homme a contracté un rash douloureux et progressif. D'abord touché aux extrémités, les lésions ont fini par atteindre son torse et son visage. L'homme est traité par polychimiothérapie, un assemblage de trois antibiotiques (dapsone, rifampicine et clofazimine) qui devrait éradiquer la bactérie en l'espace de six mois.
L’origine de ces nouveaux cas autochtones n'est pas encore clairement identifiée. Les scientifiques évoquent plusieurs possibilités : la présence dans l’état de Floride de tatous à neuf bandes, réservoirs possibles de la maladie, ou encore une forme asymptomatique de lèpre présente chez les personnes immigrées, qui pourrait mettre entre 5 et 20 ans à déclarer les premiers symptômes. La recherche se poursuit.
Doit-on craindre la lèpre en France ?
Si la lèpre gagne du terrain aux Etats-Unis, qu’en est-il en Europe et en France ? Doit-on craindre une résurgence de cette maladie ? A ce sujet, le Dr Gérald Kierzek reste pragmatique :
“C’est une maladie associée à la fois à la précarité, aux populations immigrées ou aux personnes ayant travaillé à l’étranger. Alors pourquoi pas, des cas ne sont pas impossibles”.
Une étude de 2017 reportait par ailleurs 160 cas en France entre 2001 et 2015. Le spécialiste ne voit cependant aucune raison de céder à la panique.
“Déjà, il faut rappeler que la lèpre est assez peu contagieuse. Elle est transmise par des gouttelettes et des sécrétions nasales des personnes infectées. Mais c’est une contagion qui demande plusieurs contacts, qui est tardive et qui peut mettre des années à se déclarer. Ensuite, c’est une affection qui se soigne, avec des antibiotiques. Il n’y a pas de raison de paniquer ”.
Sur son site, l’Institut Pasteur le précise : “Le traitement préconisé par l’OMS depuis 1981 permet de guérir les malades et d’éviter, s’il est administré précocement, les invalidités. Il s’agit d’une polychimiothérapie (PCT), qui consiste en l’administration de trois antibiotiques (dapsone, rifampicine et clofazimine). La lèpre paucibacillaire peut être guérie en 6 mois et la lèpre multibacillaire en 12 mois. De plus, les malades ne sont plus infectieux dès la première dose de PCT, et leur capacité à transmettre la lèpre est donc interrompue".
En 2019, selon l'Organisation mondiale de la santé, 202 256 nouveaux cas de lèpre ont été enregistrés dans le monde, dans 161 pays. La lèpre reste un problème majeur dans 14 pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine.